Plaignant
M. Yvan Ross
Mis en cause
M. Félix Séguin, journaliste, M. Sébastien Ménard, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
Le 8 mars 2016, M. Yvan Ross dépose plainte contre M. Félix Séguin, journaliste, M. Sébastien Ménard, rédacteur en chef et Le Journal de Québec pour un article intitulé « Des motards vedettes comme à la télé », publié le 4 mars 2016. Le plaignant dénonce des propos inexacts et une atteinte à son droit à l’image.
L’article traite du fait que depuis quelques années, certains motards ne semblent plus hésiter à s’afficher en public avec leur veste, ornée des patchs les identifiant à un groupe de motards. Le journaliste évoque également le cas des Death Messengers, qui se sont fait remarquer récemment pour la publicisation d’un don fait à une banque alimentaire.
Le Journal de Québec a refusé de répondre à la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : inexactitude
M. Ross déplore que le journaliste « identifie clairement les membres des Death Messengers comme étant des “motards hors la loi” ».
Il juge que c’est ce que le public comprend des deux passages suivants : « Les motards hors la loi qui se mettent en scène pour montrer qu’ils font le bien autour d’eux »; « Les Death Messengers, un club supporteur des Hells, ont poussé leurs relations publiques en retenant même les services d’une photographe professionnelle. »
Le plaignant soutient qu’« aucun membre des Death Messengers n’a jamais été accusé ou condamné pour aucun crime. » M. Ross souligne que les membres des Death Messengers « ont des travails honnêtes ».
En matière d’exactitude, le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec précise, à l’article 9 a) Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. »
À la lecture de l’article faisant l’objet de la plainte, le Conseil constate que le journaliste n’affirme jamais, directement et explicitement, que les Death Messengers forment un club de motards hors la loi, comme il le prétend.
En effet, dès le premier paragraphe, le journaliste écrit que son texte portera sur « cette propension qu’ont maintenant les motards à se montrer en public sans aucune retenue ». On parle donc ici de motards en général, ce que les Death Messengers sont bien sûr, mais pas nécessairement de motards hors la loi.
Le Conseil constate qu’au quatrième paragraphe le journaliste cite un policier qui affirme que « Les motards hors la loi qui se mettent en scène pour montrer qu’ils font le bien autour d’eux nous détournent de la vraie raison pour laquelle ils portent leurs patchs : intimider le public et les autres groupes criminels. » Or, bien que seuls deux groupes de motards sont ensuite cités dans l’article – les Hells Angels d’abord, puis les Death Messengers – rien ne permet de conclure que cette citation visait ces derniers.
Un membre du comité exprime cependant sa dissidence sur ce point, jugeant pour sa part que la citation du policier servait à introduire, mais également à définir le sujet de l’article, soit les motards hors la loi, un qualificatif que le journaliste cherchait donc, indirectement, à appliquer aux Death Messengers. Or, considérant qu’aucun tribunal n’a déclaré que les Death Messengers formaient une organisation criminelle, telle que définie par le Code criminel, une telle association était ainsi, aux yeux du membre dissident, abusive et donc fautive.
Le grief d’inexactitude est rejeté à la majorité.
Grief 2 : atteinte au droit à l’image
M. Ross déplore qu’« une photo montrant des membres des Death Messengers remettant leur don à Moisson Neigette » a été publiée aux côtés de l’article, bien qu’il ait refusé la demande du journaliste d’utiliser cette photo. « Je lui [le journaliste] avais très clairement fait comprendre que je ne voulais pas qu’il utilise cette photo ou toute autre photo. »
Le plaignant affirme que le fait qu’ils aient été associés à des activités criminelles « a eu des effets néfastes sur la vie de ces gens [les membres présents sur la photo] et sur la vie de leur famille ».
Dans un courriel envoyé directement au plaignant, et que ce dernier nous a transmis, Me Bernard Pageau, au nom du Journal de Québec, écrit : « À notre avis, il était d’intérêt public de publier cette capture d’écran dans le contexte du reportage de M. Séguin. En effet, en faisant état d’un don majeur du club Death Messengers au comptoir alimentaire Moisson-Rimouski-Neigette, cette publication montre bien comment un club de motards peut projeter publiquement une image favorable en s’impliquant au niveau communautaire. De telles informations étaient déjà dans le domaine public et il était d’intérêt public d’y référer. »
En matière de protection de la vie privée et de la dignité, le Guide de déontologie journalistique précise, à l’article 18 (1) et (2) : « (1) Les journalistes et les médias d’information respectent le droit fondamental de toute personne à sa vie privée et à sa dignité. (2) Les journalistes et les médias d’information peuvent privilégier le droit du public à l’information lorsque des éléments de la vie privée ou portant atteinte à la dignité d’une personne sont d’intérêt public. »
Le Conseil constate d’abord que la photographie utilisée pour illustrer l’article de M. Séguin est en fait une capture d’écran d’un article initialement publié le 23 décembre 2015 dans le journal L’Avantage, propriété de TC Media. On y voit le plaignant de même que d’autres personnes, que l’on devine être également des membres du groupe de motards des Death Messengers.
Dans les circonstances, le Conseil juge que s’il y a eu atteinte au droit à l’image du plaignant, cette atteinte était largement justifiée par un intérêt public prépondérant, puisque la publication de cette photo permettait d’illustrer précisément ce dont traitait l’article de M. Séguin.
Le grief pour atteinte au droit à l’image est donc rejeté.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Québec, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette, à la majorité, la plainte de M. Yvan Ross contre M. Félix Séguin, M. Sébastien Ménard et Le Journal de Québec pour le grief d’inexactitude. De plus, il rejette, à l’unanimité, le grief d’atteinte au droit à l’image.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Éricka Alnéus
- M. Paul Chénard
- Mme Nicole Mckinnon
Représentant des journalistes :
- M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- M. Gilber Paquette
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C17G Atteinte à l’image
- C24A Manque de collaboration