Plaignant
M. Alain Quenneville
Mis en cause
Mme Claudia Berthiaume, journaliste
Le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. Alain Quenneville dépose une plainte le 11 avril 2016 contre la journaliste Claudia Berthiaume et le quotidien Le Journal de Montréal concernant l’article « Il aurait pu empêcher le meurtre qui l’a envoyé en prison » publié le 28 janvier 2016. Le plaignant déplore un manque de respect envers les proches de la victime.
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
L’article mis en cause rapporte le témoignage de M. Maxime Bourdage devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC). Celui-ci avait été jugé complice du meurtre du père du plaignant, M. Gary Quenneville.
Analyse
Grief 1 : manque de respect envers des proches de victimes
Le plaignant déplore la publication d’un article rapportant le passage devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) de M. Maxime Bourdage, complice de l’assassinat de son père. Selon le plaignant, cet article ne présentait aucun intérêt public et n’avait pas de raison d’être. Il déplore la diffusion d’une photo montrant M. Bourdage souriant et reproche également aux mis en cause d’avoir publié sans autorisation et sans raison valable une photo de son père.
La journaliste, Claudia Berthiaume, fait valoir que le sujet de la libération conditionnelle de M. Maxime Bourdage était d’intérêt public étant donné que le crime auquel il a participé a été « grandement médiatisé » et que les procédures judiciaires ont été suivies par les médias. Elle considère que la comparution de M. Bourdage devant la CLCC s’inscrivait dans le suivi des procédures judiciaires.
La journaliste écrit : « La population a le droit de savoir si (et quand) un jeune homme qui a participé à un meurtre sordide sortira de prison. Nos lecteurs ont surtout le droit de savoir quelles raisons motiveraient les commissaires à remettre un complice de meurtre dans la nature. La CLCC est une instance publique et ce qui s’y passe est d’intérêt public. Les médias sont les yeux et les oreilles du public dans ces instances. »
Les photographies de M. Bourdage et de M. Quenneville publiées dans l’article proviennent des archives du quotidien, indique la journaliste. Dans le cas de M. Bourdage, elle souligne qu’il était impossible de le photographier lors de ses audiences de la CLCC, puisque cela est interdit. La journaliste reconnaît que la famille de M. Quenneville peut avoir éprouvé un malaise devant le sourire esquissé par M. Bourdage sur la photo d’archives. Cependant, elle souligne avoir pris soin de rapporter dans l’article que ce dernier présentait des remords lors de l’audience.
L’article 18.1 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec, portant sur les drames humains, rappelle que « Les journalistes et les médias d’information font preuve de retenue et de respect à l’égard des personnes qui viennent de vivre un drame humain et de leurs proches. Ils évitent de les harceler pour obtenir de l’information et respectent leur refus d’accorder une entrevue. »
Le préambule de ce même Guide définit l’intérêt public à l’alinéa e) : « Attendu que la notion d’intérêt public varie selon chaque société et chaque époque et que le respect de l’intérêt public amène journalistes et médias d’information à privilégier les informations pouvant répondre aux préoccupations politiques, économiques, sociales et culturelles des citoyens afin que ceux-ci puissent participer de manière éclairée à la vie démocratique ».
Concernant le suivi des affaires judiciaires, l’article 20.2 du Guide prévoit que « Dans la mesure du possible, les journalistes et les médias d’information font état du dénouement des affaires judiciaires afin de le faire connaître au public. »
Dans la décision D2012-09-034, concernant la diffusion radiophonique d’une entrevue avec M. Richard Bain, alors accusé d’être l’auteur de l’attentat meurtrier perpétré au Métropolis en septembre 2012, le Conseil a dû déterminer si les mis en cause avaient manqué de respect envers la famille de la victime. Tout en admettant que « certains événements puissent être bouleversants pour les proches d’une victime », le Conseil a rejeté le grief jugeant que l’intérêt public justifiait la diffusion de l’entrevue, « dans la mesure où il était utile d’obtenir des informations permettant de mieux connaître la personne qui aurait posé des gestes aussi graves ».
Dans le cas présent, le Conseil reconnaît qu’il puisse être douloureux pour la famille du plaignant de voir ressurgir les événements tragiques qu’ils ont vécus. Il juge, néanmoins, que la libération conditionnelle de M. Bourdage constituait une question d’intérêt public et que les mis en cause n’ont pas commis de manquement déontologique en traitant de ce sujet et en s’acquittant ainsi de leur devoir de suivi des affaires criminelles. Le Conseil considère également que la publication des photos d’archives de MM. Bourdage et Quenneville était légitime.
Le grief de manque de respect envers des proches de victimes est donc rejeté.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte. Ce reproche ne s’applique pas à la journaliste, Claudia Berthiaume, qui a répondu à la plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Alain Quenneville contre la journaliste Claudia Berthiaume et Le Journal de Montréal pour le grief de manque de respect envers des proches de victimes.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Paul Chénard
- M. Marc-André Dowd
- M. Jacques Gauthier
Représentants des journalistes :
- Mme Audrey Gauthier
- M. Philippe Teisceira-Lessard
Représentants des entreprises de presse :
- M. Jed Kahane
- M. Raymond Tardif