Plaignant
M. Alexandre Popovic
Mis en cause
Le site Internet journaldemontreal.com
Résumé de la plainte
M. Alexandre Popovic dépose des plaintes les 28 avril et 3 juin 2016 contre le site Internet journaldemontreal.com concernant les commentaires publiés à la suite des articles, « Dany Villanueva arrêté lors d’une opération antidrogue », « Dany Villanueva accusé de trafic de stupéfiants », « De nouveau menacé d’expulsion? », « Arrestation de Dany Villanueva : il aurait dû être expulsé, selon Boisvenu » et « Arrestation de Dany Villanueva : visite du quartier général du gang de rue perquisitionné » mis en ligne le 1er avril 2016 ainsi que ceux accompagnant l’article « La famille Villanueva déboutée à la cour », publié le 25 mai 2016. Le plaignant déplore l’absence de modération des commentaires et la publication de propos offensants et irrespectueux portant atteinte à la dignité.
Les articles précédant les commentaires pointés par le plaignant portent sur l’arrestation de M. Dany Villanueva.
Le site Internet journaldemontreal.com a refusé de répondre à la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : absence de modération et publication de propos offensants et irrespectueux portant atteinte à la dignité
Le plaignant déplore l’absence de modération de commentaires publiés par les internautes à la suite de six articles en lien avec l’arrestation de M. Dany Villanueva. Il pointe une quarantaine de commentaires qu’il estime offensants, irrespectueux et attentatoires au droit à la dignité. Selon le plaignant, en plus de contrevenir au Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec, ces commentaires enfreignent la nétiquette du site Internet journaldemontreal.com qui proscrit notamment les « propos injurieux, discriminatoires, obscènes ou offensants […] les attaques personnelles […] l’incitation à la violence ou à la haine ».
Le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec prévoit à l’article 16, alinéa 3, que « [l]es médias d’information prennent les moyens raisonnables pour s’assurer que les contributions du public respectent la dignité et la vie privée des personnes et ne soient pas discriminatoires. »
Dans l’arrêt Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital Saint-Ferdinand, la Cour suprême a établi que le droit à la dignité « vise les atteintes aux attributs fondamentaux de l’être humain qui contreviennent au respect auquel toute personne a droit du seul fait qu’elle est un être humain et au respect qu’elle se doit à elle-même. » ([1996] 3 R.C.S. 211, par. 105)
Dans un contexte de déontologie journalistique, la caractérisation d’une atteinte à la dignité portera invariablement sur une évaluation de sa raisonnabilité dans le contexte d’une société libre et démocratique, et plus précisément sur l’évaluation des limitations qu’entraînerait la reconnaissance d’une faute déontologique sur le droit à la liberté d’expression.
Une atteinte doit également s’évaluer en tenant compte du contexte dans lequel les propos ont été tenus et la personne visée. C’est ce qui fait, par exemple, qu’on jugera différemment les mêmes propos selon qu’ils visent une personne reconnue coupable de meurtre, un politicien ou un simple citoyen qui mène tranquillement sa vie à l’écart de la sphère publique.
Après analyse des commentaires pointés par le plaignant, le Conseil constate que certains propos sont manifestement offensants, irrespectueux, de sorte qu’ils portent atteinte à la dignité de M. Villanueva et, dans certains cas, incitent à la violence envers lui. Parmi les commentaires, qui aux yeux du Conseil auraient dû être modérés, notons par exemple ceux qualifiant M. Villanueva de « déchet » et de « vidange » ainsi que l’expression « bande de tarés » et la phrase « Ils auraient du le descendre » (sic). Le Conseil déplore que cette absence de modération ait entraîné une escalade dans la virulence des propos des internautes.
S’agissant d’un sujet sensible, les risques de dérapages étaient prévisibles. Ce genre de nouvelles aurait dû faire l’objet d’un suivi rigoureux. Confrontés à ce genre de débordements, les mis en cause auraient aussi très bien pu décider de bloquer systématiquement la publication de commentaires.
Le Conseil rappelle que la modération des commentaires est une responsabilité des médias. Dans le cas présent, en plus de ne pas respecter le Guide de déontologie du Conseil de presse du Québec, le Conseil constate en outre que le mis en cause a enfreint du même coup sa propre nétiquette.
Le grief d’absence de modération et publication de propos offensants et irrespectueux portant atteinte à la dignité est retenu.
Refus de collaborer
Le site internet journaldemontreal.com a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil déplore le refus de collaborer du site journaldemontreal.com, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Alexandre Popovic et blâme sévèrement le site Internet journaldemontreal.com pour le grief d’absence de modération et publication de propos offensants et irrespectueux portant atteinte à la dignité.
Étant donné que le mis en cause n’en est pas à première offense en ce qui concerne l’absence de modération, le Conseil ayant jugé dans la décision D2014-09-013 que des commentaires méprisants et racistes n’avaient pas été modérés, le Conseil adresse au site Internet journaldemontreal.com un blâme sévère.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
Audrey Murray
Présidente par intérim du sous-comité des plaintes
La composition du sous-comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Ericka Alnéus
- Mme Audrey Murray
- Mme Linda Taklit
Représentant des journalistes :
- M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
- M. Éric Latour
- Mme Nicole Tardif