Plaignant
M. Éric Beaudry
Mis en cause
Richard Martineau, chroniqueur
Le quotidien Le Journal de Montréal
Le site Internet journaldemontreal.com
Résumé de la plainte
M. Éric Beaudry dépose une plainte le 10 juillet 2016 contre le chroniqueur Richard Martineau, le quotidien Le Journal de Montréal et le site Internet journaldemontreal.com, concernant la chronique « Dallas : le presto a explosé » publiée le 9 juillet 2016. Le plaignant dénonce de l’information inexacte et la publication de propos racistes.
Le Journal de Montréal et le site journaldemontreal.com ont refusé de répondre à la plainte.
Le chroniqueur commente une fusillade survenue à Dallas, lors de laquelle cinq policiers ont été tués.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
M. Beaudry considère que M. Martineau invente une histoire de toutes pièces lorsqu’il parle du procès d’O. J. Simpson. Il considère qu’il était inexact d’avancer que : « Tout le monde savait que l’ex-footballeur vedette avait tué sa femme et son ami (l’extraordinaire série The People versus O. J. Simpson le démontre clairement). Mais les Noirs qui siégeaient au jury ont refusé de le déclarer coupable. » Le plaignant souligne que M. Martineau n’avance aucune preuve pour justifier ses affirmations. À son avis, toutes les preuves dans ce procès pointent en direction d’une enquête mal ficelée par les policiers, que les jurés n’ont pas trouvé crédibles, de sorte qu’ils ne pouvaient déclarer l’accusé coupable, hors de tout doute raisonnable.
En matière de journalisme d’opinion, le Guide de déontologie, à l’article 10.2 (1) mentionne : « Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. »
Le Conseil rappelle que le journalisme d’opinion laisse à leurs auteurs une grande latitude dans le traitement de leur sujet. De l’avis du Conseil, dans sa chronique, M. Martineau exprime son opinion sur un phénomène sociologique. Le Conseil a pu constater que plusieurs auteurs et journalistes qui se sont penchés sérieusement sur cette question ont sensiblement le même point de vue que M. Martineau : que le verdict était motivé par de la discrimination raciale.
En outre, le Conseil juge qu’il est utile de rappeler que l’expression « tout le monde savait », que le plaignant reproche au chroniqueur, est exagérée par nature, puisqu’il n’existe évidemment pas de cas où « tout le monde » sait effectivement quelque chose. Autrement dit, il s’agit d’une figure de style hyperbolique, et on ne peut donc prendre l’affirmation qui suit au premier degré, pour ensuite établir qu’étant techniquement inexacte, il s’agirait d’une faute déontologique de l’écrire. Elle doit plutôt être vue comme un procédé de rhétorique d’appel à la majorité, en vertu duquel le chroniqueur cherchait à faire valoir la justesse de son point de vue.
Le grief d’information inexacte est rejeté.
Grief 2 : propos racistes
Le plaignant reproche à M. Martineau de laisser entendre que des jurés noirs sont susceptibles d’être partiaux dans un procès, en donnant en exemple celui d’O. J. Simpson, dans l’extrait suivant : « Pendant des années, ils ont vu des flics dont la culpabilité ne faisait aucun doute être innocentés par la Justice. Alors ils se sont dit : “Même si nous savons qu’O. J. est coupable, nous allons l’innocenter quand même. Comme ça, vous aurez enfin une petite idée de ce que nous vivons tous les jours. C’est à votre tour de vous sentir lésés par le système de justice! ». De l’avis du plaignant, comme M. Martineau affirme que « tout le monde savait » qu’O. J. Simpsons était coupable, il sous-entend donc que des jurés noirs peuvent sciemment laisser courir un meurtrier dans les rues, ce qui représente à ses yeux un préjugé à caractère racial.
En matière de discrimination, le Conseil mentionne dans son Guide de déontologie, article 19 (2) : « « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. »
Le Conseil observe que dans sa chronique, les commentaires émis par M. Martineau visent uniquement les jurés impliqués dans ce procès, et non les personnes noires en général. Le Conseil ne saurait donc y voir, contrairement aux prétentions du plaignant, de commentaires discriminatoires pouvant susciter la haine et le mépris.
Le grief de propos racistes est rejeté.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal et du site journaldemontreal.com, qui ne sont pas membres du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Éric Beaudry contre le chroniqueur Richard Martineau, le quotidien Le Journal de Montréal et le site Internet journaldemontreal.com pour les griefs d’information inexacte et propos racistes.
Linda Taklit
Présidente du sous-comité des plaintes
La composition du sous-comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Luc Grenier
- Mme Linda Taklit
Représentants des journalistes :
- Mme Audrey Gauthier
- M. Philippe Teisceira-Lessard
Représentants des entreprises de presse :
- M. Jed Kahane
- M. Raymond Tardif