Plaignant
Mme Jacynthe Gagnon
Mis en cause
Mme Lise Ravary, chroniqueuse
Le site Internet journaldemontreal.com
Résumé de la plainte
Mme Jacynthe Gagnon dépose une plainte le 12 octobre 2016 contre la chroniqueuse Lise Ravary et le site journaldemontreal.com concernant la chronique intitulée « Denis Coderre fait des affaires en Iran », publiée le 11 octobre 2016. La plaignante dénonce de l’information inexacte, un manque d’équilibre et la publication de propos injurieux et discriminatoires.
Le site Internet journaldemontreal.com a refusé de répondre à la présente plainte.
Dans sa chronique, Mme Ravary commente une rencontre entre Denis Coderre et le maire de Téhéran visant la signature d’une entente de coopération entre Metropolis – un organisme qui représente les grandes villes du monde, dont Denis Coderre est président – et Téhéran.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Mme Jacynthe Gagnon reproche la publication d’une information inexacte dans l’extrait suivant : « Les Iraniennes, comme les Saoudiennes, doivent se couvrir de noir, de la tête aux pieds, pour sortir. » À son avis, il est faux d’affirmer que les femmes en Iran doivent se vêtir de noir.
Dans le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse, il est mentionné à l’article 10.2, paragraphe 3, que l’information présentée par un journaliste d’opinion « est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide ». Par ailleurs, en matière d’exactitude, l’article 9 a) du Guide précise que « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité; (…) »
Une majorité des membres (4/6) considère que la chroniqueuse a tenu des propos inexacts en affirmant que « Les Iraniennes, comme les Saoudiennes, doivent se couvrir de noir, de la tête aux pieds, pour sortir » (notre soulignement). En effet, plusieurs écrits et articles démontrent que la pratique diverge clairement de ce que Mme Ravary décrit. Selon le Conseil, la chroniqueuse induit une inexactitude qui laisse croire que la réalité est autre que celle constatée par plusieurs observateurs de l’évolution des moeurs iraniennes et perpétue ainsi un préjugé, sur lequel elle cherche à appuyer le reste de sa chronique.
Deux membres expriment cependant leur dissidence.
Le grief d’information inexacte est retenu à la majorité.
Grief 2 : manque d’équilibre
La plaignante considère que ce texte, à sa face même, manque d’équilibre.
Le Guide établit, à l’article 10.2 (3), que les journalistes d’opinion doivent présenter une information présentant les qualités suivantes : « L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. »
Dans sa jurisprudence, le Conseil statuait dans le dossier D2015-09-041 sur l’équilibre de l’information concernant le journaliste d’opinion de cette façon : « En ce qui concerne les griefs de partialité et de manque d’équilibre, le Conseil observe que les textes mis en cause sont des chroniques, soit des textes relevant d’un genre qui permet cette latitude à ceux qui le pratiquent, à savoir du journalisme d’opinion. De ce fait, son auteur est exempté des devoirs déontologiques d’impartialité et d’équilibre. Ainsi, ces deux griefs ne remplissent pas les critères de recevabilité définis dans la Politique de recevabilité des plaintes au Conseil de presse du Québec puisque le Conseil ne constate pas de manquements déontologiques potentiels. Pour toutes ces raisons, les griefs d’atteinte à la réputation, de partialité et de manque d’équilibre ne seront pas traités. »
Considérant que le journaliste d’opinion n’est pas tenu à un devoir d’équilibre dans ses productions, le Conseil rejette le grief.
Le grief de manque d’équilibre est rejeté.
Grief 3 : propos injurieux et discriminatoires
La plaignante reproche la publication de propos injurieux envers le maire Denis Coderre, mais aussi envers le maire de Téhéran, lorsque Mme Ravary écrit : « J’espère que notre maire s’est bien lavé les mains après avoir serré celle du maire de Téhéran. »
En matière de discrimination le Guide mentionne à l’article 19 (1) : « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. »
Le Conseil considère que la chroniqueuse, par cette expression, reproche au maire de Téhéran d’avoir les mains sales. Dans sa chronique, Mme Ravary réprouve, entre autres, la sévérité de la répression exercée en 1999 par le maire de Téhéran, Mohammad Bagher Ghalibaf, contre des étudiants, alors qu’il était « commandant senior de l’armée parallèle du régime, les Gardiens de la révolution ». Le Conseil rappelle que les journalistes d’opinion sont tout à fait en droit de formuler une critique à l’égard de dirigeants, dont les gestes et les actions peuvent être sévèrement critiqués, ce que Madame Ravary a exprimé dans les limites acceptables des règles déontologiques applicables au journalisme d’opinion.
Une majorité des membres (4/6) considère que les propos de la chroniqueuse ne constituent pas des propos injurieux et discriminatoires. Deux membres expriment cependant leur dissidence.
Le grief de propos injurieux et discriminatoires est rejeté à la majorité.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore le refus de collaborer du site journaldemontreal.com, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient, à la majorité, la plainte de Mme Jacynthe Gagnon et blâme Mme Lise Ravary et le site journaldemontreal.com pour le grief d’information inexacte. Cependant, le grief de manque d’équilibre est rejeté à l’unanimité et le grief de propos injurieux et discriminatoires est rejeté à la majorité.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
Nicole McKinnon
Présidente du sous-comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Luc Grenier
- Mme Nicole McKinnon
Représentants des journalistes :
- Mme Audrey Gauthier
- M. Marc Verreault
Représentants des entreprises de presse :
- M. Gilber Paquette
- Mme Nicole Tardif