Plaignant
M. Frantz Bannon
Mis en cause
L’émission « La Joute »
Le Groupe TVA-LCN
Résumé de la plainte
M. Frantz Bannon dépose une plainte le 8 octobre 2016 contre l’analyste Luc Lavoie et le Groupe TVA-LCN. Le plaignant considère que dans le cadre de l’émission « La Joute », diffusée le 7 octobre 2016, M. Lavoie aurait tenu des propos haineux, injurieux et inexacts.
Les mis en cause n’ont pas souhaité répondre à la plainte.
Dans l’émission « La Joute », l’analyste Luc Lavoie réagit au point de presse de la candidate Martine Ouellet, à la suite de sa défaite à l’élection à la chefferie du Parti québécois.
Statut de M. Luc Lavoie
Le Conseil a considéré que M. Luc Lavoie, collaborateur à l’émission « La Joute », n’est pas un journaliste, mais qu’il agit à titre d’acteur politique. Cependant, le Groupe TVA ayant la responsabilité de ce qu’il diffuse et publie, les griefs dénoncés seront traités en regard de cette responsabilité du diffuseur.
Grief non traité
Le plaignant estimait que M. Lavoie avait fait preuve de partialité envers Mme Ouellet.
Le Conseil considère que l’émission mise en cause relève du journalisme d’opinion, un genre permettant une grande latitude dans l’expression de points de vue et d’opinions. À cet égard, le grief de partialité ne sera pas traité, car ce genre journalistique est exempté du devoir déontologique d’impartialité.
Analyse
Grief 1 : propos haineux et injurieux
Le plaignant reproche à l’analyste Luc Lavoie d’avoir prononcé des propos haineux et injurieux envers Martine Ouellet pendant l’émission « La Joute ». Après avoir entendu l’allocution de la candidate défaite à la chefferie du parti québécois, le plaignant a retenu que M. Lavoie aurait déclaré des propos du genre : « Regardez-la parler devant les caméras, elle aime se regarder ». Et après que l’un de ses coanimateurs lui ait demandé : « Tu ne l’aimes pas? », Luc Lavoie aurait répondu : « Je l’haïs, c’t’une menteuse ».
En matière de propos haineux et injurieux, le Guide de déontologie journalistique précise à l’article 19 (1) : « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. »
Après écoute de l’émission mise en cause, le Conseil constate que le plaignant paraphrase le premier passage qu’il met en cause : « Regardez-la parler devant les caméras, elle aime se regarder ». Dans les faits, M. Lavoie dit : « Elle se trouve de son goût, je pense ». Dans le deuxième passage, le plaignant reproche à M. Lavoie d’avoir dit des propos du genre : « Je l’haïs, c’t’une menteuse ». Dans ce passage, M. Lavoie dit plutôt : « Non, je l’aime pas beaucoup, parce qu’en plus, elle dit pas mal de conneries. »
Le Conseil estime que, pendant l’émission « La Joute », M. Lavoie a tenu des propos qui peuvent sembler durs envers Mme Ouellet, mais il ne les juge cependant pas haineux ou injurieux, en ce sens qu’ils ne suscitent ni n’attisent la haine ou le mépris. Dans le cas présent, le Conseil considère que l’émission « La Joute » n’a pas outrepassé les limites permises par la déontologie journalistique.
Le grief de propos haineux et injurieux est rejeté.
Grief 2 : inexactitude
En second lieu, le plaignant estime que M. Lavoie a proféré des informations inexactes à l’égard de Mme Ouellet en la traitant de « menteuse ». Il demande: « D’où prend-il ça qu’elle est une menteuse? Qu’il le prouve. »
En matière d’exactitude, le Guide de déontologie journalistique prévoit à l’article 9 a) : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. »
Dans sa jurisprudence, le Conseil établit dans sa décision D2010-01-053, la distinction entre le jugement de faits et le jugement de valeur. On peut lire : « Le jugement de faits implique ou vise une observation neutre et objective, alors que le jugement de valeur implique une évaluation et une appréciation subjective. Le journalisme d’information (contrairement au journalisme d’opinion) rapporte les faits sans porter de jugement de valeur, sans qualifier, par exemple, une situation de “bonne” ou de “mauvaise”. »
Le Conseil observe que dans l’émission en cause, M. Lavoie exprime son opinion à l’égard de Mme Ouellet. Par ailleurs, le Conseil a déjà noté que le plaignant paraphrase les propos tenus par M. Lavoie. En effet, ce dernier ne dit pas « Je l’haïs, c’t’une menteuse », mais plutôt : « Non, je l’aime pas beaucoup, parce qu’en plus, elle dit pas mal de conneries. » Dans le présent cas, considérant que l’émission en cause relève du journalisme d’opinion, ce qui permet une grande latitude dans l’expression de points de vue, commentaires et opinions, le Conseil estime que les propos reprochés à M. Lavoie ne peuvent être considérés de l’ordre des faits, mais qu’ils expriment plutôt un jugement de valeur, ce qui implique une évaluation et une appréciation subjective. Le Conseil estime donc que l’émission « La Joute » n’a pas outrepassé les limites permises par la déontologie journalistique.
Le grief d’inexactitude est rejeté.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Groupe TVA-LCN, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Frantz Bannon contre l’émission « La Joute » et le Groupe TVA-LCN pour les griefs de propos haineux et injurieux et d’information inexacte.
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
M. Paul Chénard
M. Jacques Gauthier
M. Luc Grenier
Mme Linda Taklit
Représentantes des journalistes :
Mme Audrey Gauthier
Mme Lisa-Marie Gervais
Représentant des entreprises de presse :
M. Raymond Tardif