Plaignant
Association des policières et policiers provinciaux du Québec
Pierre Veilleux, président
Mis en cause
Pierre Jury, éditorialiste
Le quotidien Le Droit
Résumé de la plainte
Au nom de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec, M. Pierre Veilleux président, dépose une plainte le 19 décembre 2016 contre l’éditorialiste Pierre Jury et le quotidien Le Droit concernant l’éditorial intitulé « Des pistes pour Val-d’Or », publié le 21 novembre 2016. Le plaignant déplore de l’information inexacte et un manque de rigueur de raisonnement, ainsi qu’un refus de rétractation.
Dans son éditorial, M. Jury réagit à la décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de ne pas porter d’accusation contre six policiers de la Sûreté du Québec (SQ) suspendus à la suite d’allégations de violences et d’agressions sexuelles à l’encontre de femmes autochtones.
Analyse
Grief 1 : information inexacte et manque de rigueur de raisonnement
Le président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec considère que le passage suivant est inexact et manque de rigueur de raisonnement : « L’impunité dont ont profité certains agents de la Sûreté du Québec à Val-d’Or est répugnante. Représentants de l’ordre et de la justice, ils ont profité de femmes autochtones fragilisées pour profiter de faveurs sexuelles dont ils se doutaient bien ne pourraient leur être reprochées devant les tribunaux. »
Le plaignant rappelle que le 18 novembre 2016, le DPCP a indiqué qu’aucune accusation ne serait portée contre les policiers de Val-d’Or. Selon lui, cette décision ne permet pas de conclure que des policiers « ont profité de femmes autochtones fragilisées pour profiter de faveurs sexuelles dont ils se doutaient bien ne pourraient leur être reprochées devant les tribunaux » ou qu’ils ont bénéficié d’une « impunité ».
Le plaignant estime que, dans son éditorial, M. Jury « a porté des accusations extrêmement graves à l’égard des policiers de la Sûreté du Québec du poste de Val-d’Or, et ce en l’absence de toute justification, en plus de nuire à la bonne compréhension du public quant aux conclusions réelles des enquêtes ».
Me Patrick Goudreau, procureur du journal Le Droit, affirme que les propos de l’éditorialiste doivent être pris dans leur ensemble et que les affirmations qui font l’objet de cette plainte ont été nuancées puisque la suite de l’éditorial « explique les étapes suivies dans le cadre de ce dossier et le traitement des plaintes qui a été fait par le Directeur des poursuites criminelles et pénales ». Me Goudreau conclut que le lecteur « peut donc prendre connaissance des faits sur lesquels le journaliste a basé son opinion ».
L’article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec sur le journalisme d’opinion rappelle : « (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. »
Les alinéas a) et b) de l’article 9 du Guide stipulent : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité; b) rigueur de raisonnement ».
À la lecture de l’éditorial mis en cause, le Conseil constate que M. Jury rappelle les conclusions de l’observatrice indépendante du processus d’enquête, Me Fannie Lafontaine. « Elle a qualifié que l’enquête du SPVM avait été menée “selon les plus hauts standards, sans complaisance” pour les agresseurs allégués ni pour les victimes », écrit-il.
L’éditorialiste poursuit en rapportant les propos du DPCP : « S’il n’y aura pas de procès, le bureau est même allé jusqu’à dire que cela “ne signifie pas que les événements allégués ne se sont pas produits [mais] que la preuve dont nous disposons ne nous permet pas de porter des accusations criminelles compte tenu des critères et des règles de droit”. Bref, que devant un juge, un avocat bien préparé réussirait à tailler en pièces les arguments les plus solides des victimes. On évoquerait des blancs de mémoire, l’incapacité à identifier l’agresseur et les gestes posés, peut-être même aussi la date et l’endroit où l’acte a été posé. »
Aux yeux du Conseil, l’éditorialiste n’a pas commis de manquement déontologique dans le passage mis en cause. Le Conseil constate qu’il a basé son opinion sur la version des victimes, mais qu’il a apporté les nuances nécessaires en présentant le point de vue du DPCP et de Me Lafontaine. En ce qui concerne l’utilisation du terme « impunité » (l’absence de punition), il n’est pas inexact puisqu’aucun policier n’a fait l’objet de poursuite. Finalement, le Conseil n’observe aucun manque de rigueur de raisonnement dans le passage mis en cause.
Le grief pour information inexacte et manque de rigueur de raisonnement est rejeté.
Grief 2 : refus de rétractation
Le plaignant indique que le responsable des communications de l’APPQ a contacté l’éditorialiste Pierre Jury le 22 novembre 2016 concernant les propos tenus dans son éditorial. La publication d’un texte « réplique » dans la section éditoriale a été proposée à l’APPQ. Cette offre a été jugée insuffisante « vu la sévérité des propos tenus par M. Jury ».
Me Goudreau estime que les lecteurs avaient en main tous les faits. Il souligne également que l’Association a choisi de ne pas se prévaloir du droit de réplique qui lui a été offert par Le Droit.
En ce qui concerne la correction des erreurs, le Guide prévoit à l’article 27.1 : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. »
Le Conseil n’ayant constaté aucun manquement au grief précédent, le grief de refus de rétractation est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte présentée par M. Pierre Veilleux au nom de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec contre l’éditorialiste Pierre Jury et le quotidien Le Droit pour les griefs d’information inexacte et manque de rigueur de raisonnement, ainsi que de refus de rétractation.
La composition du sous-comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
M. Luc Grenier
Mme Nicole McKinnon
Représentant des journalistes :
M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
M. Luc Simard
Mme Nicole Tardif