Plaignant
Lucas Houde-Hébert
Mme Katia Gaïd
Mme Raphaëlle Petitjean
3 plaignants en appui
Mis en cause
Pierre Bruneau, chef d’antenne
Groupe TVA
Faits
M. Lucas Houde-Hébert et Mmes Katia Gaïd et Raphaëlle Petitjean, ainsi que trois plaignants en appui, déposent une plainte le 30 janvier 2017 contre le chef d’antenne Pierre Bruneau et le Groupe TVA concernant une émission spéciale diffusée le 29 janvier 2017. Les plaignants déplorent des propos discriminatoires entretenant les préjugés.
Le Groupe TVA n’a pas souhaité répondre à la plainte.
Les plaintes reçues visent des propos tenus par M. Bruneau lors d’une émission spéciale diffusée en direct le soir même de la fusillade survenue au Centre culturel islamique de Québec.
Analyse
Grief 1 : propos discriminatoires entretenant les préjugés
Les plaignants considèrent que les propos suivants, tenus sur les ondes de TVA Nouvelles par le chef d’antenne, sont discriminatoires et entretiennent les préjugés envers les musulmans : « […] un acte qui se fait contre une communauté musulmane, chez nous, c’est quelque chose qu’on n’avait pas vu venir. On aurait pu imaginer le contraire : qu’une communauté musulmane ou qu’un groupe extrémiste musulman commette un geste, mais que nous euh… que quelqu’un de la communauté, d’une autre communauté, attaque les musulmans, c’est un terrorisme à l’envers, si vous me permettez l’expression. »
Les plaignants reprochent à M. Pierre Bruneau d’avoir associé le terme « terrorisme » à la communauté musulmane et d’avoir ainsi procédé à une généralisation jugée inacceptable.
L’un des plaignants, M. Lucas Houde-Hébert, considère qu’il est inacceptable de laisser entendre « qu’on doit s’attendre à de la violence de la part des musulmans, que le fait qu’un musulman est terroriste n’est pas surprenant. Il [Pierre Bruneau] promeut l’idée que les musulmans sont une menace pour notre province ». Ce plaignant conclut : « Laissez entendre que les musulmans ont l’exclusivité de l’étiquette “terroriste”, c’est xénophobe et ça n’a pas sa place à la télévision québécoise. » Il fait valoir qu’on dénombre davantage d’attentats commis par « des blancs (suprémacistes, ou religieux) en sol Nord Américain ». D’autres plaignants parlent de « discrimination » envers les musulmans, ou encore de propos « effrayants » ou « racistes ».
L’article 19 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec stipule : « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, de représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. »
Dans les décisions D2014-11-054 et D2015-12-076, le Conseil a blâmé des animateurs de radio ayant affirmé « Tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais tous les terroristes sont des musulmans. » Dans la décision D2014-11-054, le Conseil argumente : « [L]’animateur a tenu des propos islamophobes qui véhiculaient des préjugés. Puisque tous les terroristes ne sont évidemment pas musulmans, l’animateur appliquait ici une généralisation outrancière à la communauté musulmane. »
Après analyse, le Conseil juge que les propos tenus par M. Bruneau étaient discriminatoires, ciblaient les musulmans et contribuaient à entretenir des préjugés à leur égard, soit qu’ils sont plus susceptibles de commettre des actes terroristes.
Le Conseil prend acte des excuses publiées le lendemain par le chef d’antenne, où il affirme : « Bien qu’il n’était aucunement dans mon intention de faire quelque amalgame que ce soit entre le terrorisme et la communauté musulmane, je reconnais que mes propos aient pu prêter à une telle interprétation et jʼen suis sincèrement désolé. » Le Conseil estime que le tort causé à la communauté musulmane par ses propos ne s’efface pas de ce seul fait.
Le grief de propos discriminatoires entretenant les préjugés est retenu.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Groupe TVA, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient les plaintes de M. Lucas Houde-Hébert, de Mmes Katia Gaïd et Raphaëlle Petitjean et blâme le chef d’antenne Pierre Bruneau et le Groupe TVA pour le grief de propos discriminatoires entretenant les préjugés.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Linda Taklit
Présidente du sous-comité des plaintes
La composition du sous-comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Paul Chénard
- M. Jacques Gauthier
- M. Luc Grenier
- Mme Linda Taklit
Représentantes des journalistes :
- Mme Audrey Gauthier
- Mme Lisa-Marie Gervais
Représentant des entreprises de presse :
- M. Raymond Tardif