Plaignant
M. André Lefebvre
Représentant du plaignant
Steve Sauvé, journaliste
L’hebdomadaire Le Journal de Saint-François
Résumé de la plainte
M. André Lefebvre dépose une plainte le 22 février 2017 contre le journaliste Steve Sauvé et l’hebdomadaire Le Journal de Saint-François concernant l’article « Le prononcé de la sentence d’André Lefebvre reporté » publié le 26 janvier 2017. Le plaignant dénonce un conflit d’intérêts et du sensationnalisme.
Dans cet article, le journaliste Steve Sauvé effectue un suivi du procès de M. André Lefebvre, le plaignant dans le présent dossier, qui fait face à des accusations de vol et de production de faux documents.
Grief non traité
M. Lefebvre dénonce également une atteinte à sa réputation. Le Conseil ne traite pas l’atteinte à la réputation et la diffamation qui ne sont pas du ressort de la déontologie journalistique, mais relèvent plutôt de la sphère judiciaire.
Analyse
Grief 1 : conflit d’intérêts
M. André Lefebvre reproche au journaliste Steve Sauvé « d’avoir écrit des articles sur lui alors qu’il se trouvait en conflit d’intérêts ». Le plaignant explique que, six mois plus tôt, il a lui-même été accusé d’intimidation envers le journaliste mis en cause et qu’il ne peut « donc pas approcher M. Sauvé ». Or, le journaliste se retrouve « près de » lui en « cour de justice ». Il estime que le journal aurait dû affecter une personne « plus neutre » pour couvrir le procès.
Il soutient que « même si l’information transmise était impartiale, il y a tout de même apparence de conflit d’intérêts, ce qui est tout aussi préjudiciable selon les droits et intérêts de la presse. » Bien qu’il reconnaisse « le droit des journalistes à l’accès aux cours de justice », il estime que « cela pourrait entraîner un procès par les médias ».
Le directeur régional de TC Média, Éric Aussant, affirme que, M. Steve Sauvé étant le journaliste attitré à la couverture des affaires judiciaires dans la région de Salaberry-de-Valleyfield pour TC Media, il était « tout à fait normal qu’il assume le suivi des procédures entourant M. Lefebvre ».
M. Aussant soutient qu’il « n’y avait et il n’y a pas de conflit personnel entre M. Sauvé et M. Lefebvre » et relate l’épisode qui avait mené les autorités à accuser M. Lefebvre d’intimidation envers le journaliste : « Il est primordial que vous sachiez que M. Lefebvre a manifesté son mécontentement à notre journaliste après la publication d’un premier article. Lors de cette même conversation, André Lefebvre a proféré des menaces à l’égard de Steve Sauvé. Craignant pour sa sécurité et celle de sa famille, M. Sauvé a informé la Sûreté du Québec du contenu de cet appel (plainte déposée le 21 avril 2016 […]). Bien entendu, la direction de TC Média l’a appuyé dans ses démarches », ajoute M. Aussant.
Un autre journaliste du journal, Mario Pitre, avait alors rapporté cette affaire d’intimidation pour le journal, précisent les mis en cause. « Une fois cet épisode passé, pour nous, la page était tournée (…) Dans cette situation, en parlant à la police, M. Sauvé a fait ce qu’il fallait pour pouvoir effectuer convenablement son travail », ajoute M. Aussant.
En matière de conflit d’intérêts, le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec énonce à l’article 6.1 : « (1) Les journalistes évitent tout conflit d’intérêts ou apparence de conflit d’intérêts. En toute situation, ils adoptent un comportement intègre. (2) Les médias d’information veillent à ce que leurs journalistes ne se trouvent pas en situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts. »
Le Conseil tient d’abord à rappeler que l’intimidation envers des journalistes porte atteinte à la liberté de la presse, fondement de la démocratie.
En ce qui concerne le grief de conflit d’intérêts, le Conseil statue que le fait que le journaliste ait porté plainte pour intimidation aux autorités policières contre M. Lefebvre, et que ce dernier ait été accusé, ne plaçait pas le journaliste en conflit d’intérêts dans le cas présent et n’exigeait pas qu’il soit retiré de la couverture des accusations de fraudes, notamment, dont le plaignant faisait l’objet.
Par ailleurs, le Conseil constate que Le Journal de Saint-François a assidûment affecté un autre journaliste à la couverture de l’accusation criminelle de M. Lefebvre pour intimidation envers son journaliste Steve Sauvé, ce qu’il fallait faire, puisque M. Sauvé était directement impliqué.
Le grief de conflit d’intérêts est rejeté.
Grief 2 : sensationnalisme
Le plaignant soutient que le journal a fait preuve de sensationnalisme en exagérant la réalité en publiant une photo de lui, souriant, à la sortie de la salle d’audience et en mentionnant dans le bas de vignette (de la photo) et dans l’article qu’il souriait à sa sortie de l’audience.
De son avis, le média a tenté de « manipuler l’opinion publique » par le choix de la photo, le bas de vignette et l’article, déformant ainsi les faits et ne reflétant « aucunement l’état d’esprit » dans lequel il se trouvait à ce moment-là.
Le Journal de Saint-François réfute l’accusation de sensationnalisme soutenant que la publication de la photo de M. Lefebvre correspond à la réalité. « M. Lefebvre est sorti souriant de la salle d’audience, on peut le constater sur la photo décriée par le plaignant. Décrire ce qu’on voit sur une photo dans sa légende, c’est la norme journalistique. »
Le journal rejette aussi l’allégation voulant que l’hebdomadaire cherche à manipuler l’opinion publique, soutenant que le bas de vignette et l’article correspondent aux faits.
En matière de sensationnalisme, le Guide de déontologie journalistique, à l’article 14.1 mentionne : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. »
En matière d’illustrations, manchettes, titres et légendes, le Guide à l’article 14.3 mentionne : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. »
Après analyse, le Conseil juge que la photographie, le bas de vignette ainsi que la citation tirée de l’article, mentionnant que M. Lefebvre souriait, est un fait observable et n’exagère en rien la réalité de ce moment-là. Le Conseil est d’avis que le journaliste et le média ont exercé leur liberté éditoriale en tout respect de la déontologie journalistique.
Le grief de sensationnalisme est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. André Lefebvre contre le journaliste Steve Sauvé et Le Journal de Saint-François pour les griefs de conflit d’intérêts et de sensationnalisme.
Jacques Gauthier
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentant du public :
- M. Jacques Gauthier
Représentants des journalistes :
- M. Simon Chabot
- Mme Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- Mme Nicole Tardif