Plaignant
Mme Caroline Trottier
Mme Kéziah Poirier-Lamothe
Mme Marguerite Charest
Mme Francine Charon
Mis en cause
M. André Arthur, animateur
M. Pierre Blais, journaliste
L’émission « Arthur le midi »
La station BLVD 102.1 FM
Résumé de la plainte
Mmes Caroline Trottier, Kéziah Poirier-Lamothe, Marguerite Charest et Francine Charon portent plainte les 12, 13 et 17 avril 2017 contre MM. André Arthur et Pierre Blais ainsi que la station BLVD 102.1 FM concernant l’émission « Arthur le midi » diffusée le 12 avril 2017. Les plaignantes déplorent des propos méprisants, des informations inexactes et un manque de rigueur de raisonnement.
Les mis en cause n’ont présenté aucune réplique à la plainte.
Dans l’émission en cause, l’animateur André Arthur critique les interventions des enseignantes du primaire lors du repas du midi, estimant qu’elles agissent de manière intrusive et abusive en contrôlant le contenu des boîtes à lunch des enfants.
Point sur la recevabilité
M. Jean-François Leclerc, vice-président de Leclerc Communication « nie vigoureusement » que les propos relevés par les plaignantes ont été prononcés sur les ondes de BLVD 102.1 FM le 12 avril 2017.
Deux articles du quotidien Le Journal de Québec font référence à l’extrait en cause : 12 citations d’André Arthur sur «la dictature des maudites folles» à l’école, publié le jeudi 13 avril 2017, et Scalabrini outrée par les propos d’André Arthur sur les enseignantes, publié le vendredi 14 avril 2017.
Un article du quotidien Le Journal de Montréal fait également référence à l’extrait en cause : Propos d’André Arthur sur les enseignantes : «inacceptables», selon le ministre de l’Éducation, publié le jeudi 20 avril 2017.
Constatant que les propos déplorés par les plaignantes ont bien été tenus par André Arthur le 12 avril 2017 sur les ondes de BLVD 102.1 FM, et que les membres du comité ont pu l’écouter, le Conseil juge que la plainte est recevable.
Analyse
Grief 1 : propos méprisants
Les plaignantes accusent André Arthur d’avoir tenu des propos injurieux en usant à répétition du qualificatif « folles » pour parler des enseignantes. « Ses propos sont dénigrants, laissant clairement croire que les enseignantes sont une bande de folles sous-scolarisées », soutient l’une d’entre elles.
Une des plaignantes souligne que « Pierre Blais aurait dû interrompre ou corriger André Arthur ».
En matière de discrimination, l’article 19 (1) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse énonce que « les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés ».
Dans la décision D2015-06-149, le Conseil a défini le mépris « comme un sentiment par lequel on considère quelqu’un comme indigne d’estime, comme moralement condamnable (Le Petit Robert, p. 1610, édition 2002) ».
Dans le dossier D2017-01-008, le Conseil avait retenu un grief de propos méprisants contre Gilles Proulx qui, dans une de ses chroniques, comparait les agents de stationnement à des rats : « À la lecture de la chronique, le Conseil juge méprisante la façon dont le chroniqueur compare l’ensemble des agents de stationnement à des rats. La référence à ce rongeur considéré comme nuisible a une connotation de mépris puisque le chroniqueur mène une charge virulente et sans nuances envers des personnes en se basant sur leur occupation professionnelle. Il outrepasse ainsi la latitude de ton et de style accordée aux chroniqueurs. »
Dans le dossier D2014-02-089, il était reproché à un animateur du FM93 de Québec d’avoir eu des propos méprisants envers les personnes assistées sociales, notamment en usant de l’expression « B. S. » pour les désigner. Le Conseil avait estimé que l’animateur avait aussi généralisé la proportion des personnes assistées sociales qui refusent d’amorcer une recherche d’emploi. « Le Conseil est d’avis que l’animateur a outrepassé les limites permises à la liberté d’expression en exprimant des préjugés à l’endroit des personnes assistées sociales. » Le grief a été retenu.
Dans l’extrait en cause, André Arthur emploie à onze reprises le qualificatif « folles » pour désigner les enseignantes, qualificatif qu’il fait précéder à plusieurs reprises du terme « maudites ».
Après analyse, le Conseil juge que les propos tenus par André Arthur sont discriminatoires, puisqu’ils visent une profession en particulier et les femmes qui l’exercent, et qu’ils sont méprisants eu égard, notamment, à leur caractère répétitif.
En se basant sur l’écoute de l’extrait en cause, le Conseil constate que le journaliste Pierre Blais ne participe pas activement aux propos tenus par André Arthur. Soulignant qu’André Arthur est l’animateur principal de l’émission et qu’il en a le contrôle lorsqu’il est en ondes, le Conseil ne retient pas de faute par association à l’endroit de Pierre Blais.
Le grief de propos méprisants est retenu contre André Arthur, mais rejeté contre Pierre Blais.
Grief 2 : informations inexactes
Les plaignantes accusent André Arthur d’avoir livré des propos inexacts en affirmant que les enseignantes décident des interdictions alimentaires alors que celles-ci sont prescrites par le code de vie des écoles.
En matière d’exactitude, l’article 9, alinéa a) du Guide de déontologie journalistique précise que « les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ».
Dans l’émission en cause, André Arthur déclare : « Les folles à l’école qui empêchent vos enfants de manger ci pis ça, c’est parce que quand il y avait des cours de biologie pis des cours de science au collège, ils l’ont poché. Ils savent pas de quoi y parlent, ils savent pas c’est quoi une allergie. » L’animateur ajoute : « C’est pas la responsabilité d’une idiote d’empêcher tous les enfants de manger du beurre de peanut. »
Constatant que la gestion des allergies alimentaires au sein des établissements d’enseignement relève des commissions scolaires qui émettent des directives aux écoles de leur territoire, comme le montrent les informations diffusées sur les sites Internet de la Commision scolaire de Montréal, de la Commission scolaire des Grandes-Seigneuries, ou de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île, le Conseil juge qu’André Arthur a commis une inexactitude en affirmant que ce sont les enseignantes qui décident des interdictions alimentaires.
Le grief d’informations inexactes est retenu.
Grief 3 : manque de rigueur de raisonnement
Les plaignantes dénoncent le parallèle fait par l’animateur qui compare la doctrine de la pédagogie au Québec et les enseignants avec des pédophiles qui prétendent vouloir le bien des enfants.
En matière de qualités de l’information, l’article 9, alinéa b) du Guide de déontologie journalistique stipule que « les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : […] b) rigueur de raisonnement ».
Dans le dossier D2015-05-129, un reportage de « J.E. » sur la triche, lors de la période d’examens dans les cégeps et universités, a été blâmé pour manque de rigueur de raisonnement. Le Conseil avait constaté que la journaliste en est venue à des conclusions hâtives et que ses affirmations n’étaient pas fondées sur une réalité concrète et démontrée. Sa démonstration, reposant sur une tentative d’intrusion dans une salle d’examen, a surtout consisté à émettre une hypothèse qui n’a pas été prouvée. « Faire dire aux faits ce qu’ils ne contiennent pas constitue une erreur de raisonnement que tout média d’information respectueux de la déontologie doit éviter », avait écrit le Conseil.
Dans l’émission en cause, André Arthur déclare : « La doctrine de la pédagogie au Québec, c’est “Les parents sont incompétents. Nous sommes les personnes compétentes. C’est nous!” Ça, c’est la même attitude que les pédophiles. » Pierre Blais lui demande alors : « Qu’est-ce que tu veux dire? » « Si tu pognes un pédophile qui a taponné des petits enfants et que tu l’interroges sérieusement, il va toujours finir par dire ceci : “Les parents ne les aiment pas vraiment. Nous autres, on les aime pour vrai vos enfants”. Cette attitude comme quoi on est mieux que les parents est partagée dans des domaines d’activité différents, l’autorité ou la sexualité, par les professeurs et les pédophiles », répond André Arthur.
À la lumière de cet amalgame, le Conseil juge qu’André Arthur tire des conclusions hâtives, non fondées, et graves, car l’animateur fait un lien entre pédagogie et pédophilie alors qu’il n’y en a aucun.
Le grief de manque de rigueur de raisonnement est retenu.
Décision
Le Conseil déplore que les mis en cause, représentés par le vice-président de Leclerc Communication, Jean-François Leclerc, aient tenté de l’induire en erreur en soutenant qu’André Arthur n’a jamais tenu les propos en cause sur les ondes de BLVD 102.1 FM.
Le Conseil souligne, par ailleurs, qu’il s’agit d’une récidive pour M. André Arthur, qui a été blâmé à plusieurs reprises par le Conseil pour avoir tenu des propos haineux et méprisants, notamment.
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mmes Caroline Trottier, Kéziah Poirier-Lamothe, Marguerite Charest et Francine Charon et blâme sévèrement l’animateur André Arthur et la station BLVD 102.1 FM pour les griefs de propos méprisants, d’informations inexactes et de manque de rigueur de raisonnement. .
Cependant, le Conseil rejette le grief de propos méprisants contre Pierre Blais.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Luc Grenier
- Mme Linda Taklit
Représentants des journalistes :
- Mme Maxime Bertrand
- M. Luc Tremblay
Représentant des entreprises de presse :
- M. Luc Simard