Plaignant
M. Bernard Desgagné
Mis en cause
Le site Internet ici.radio-canada.ca
Résumé de la plainte
NOTE : La décision de la commission d’appel se trouve à la suite de la décision de première instance.
M. Bernard Desgagné dépose une plainte le 14 avril 2017 contre le site Internet ici.radio-canada.ca concernant l’article « L’attaque chimique est une fabrication à 100 %, dit Assad » publié le 13 avril 2017. Le plaignant déplore de l’information inexacte.
L’article mis en cause est le résumé d’une entrevue télévisée accordée à l’Agence France-Presse par le président syrien, Bachar Al-Assad.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Le plaignant considère inexact le passage suivant de l’article mis en ligne : « Pour cette entrevue à la caméra, la première de Bachar Al-Assad depuis l’attaque chimique, l’AFP a dû soumettre sa liste de questions, et la présidence syrienne a choisi de ne répondre qu’à cinq d’entre elles. Le tournage de l’entrevue a également été fait par une équipe de la présidence syrienne. »
Le plaignant fait valoir : « En réalité, le président syrien a répondu à la totalité des 25 questions posées par le journaliste français, et non à seulement 5 questions ».
Il affirme : « L’article […] contient un mensonge grossier qui est typique de la propagande de guerre radiocanadienne au service des terroristes et contre le gouvernement légitime de la Syrie, qui a l’appui de la majorité écrasante de la population syrienne. Le mensonge vise à dénigrer le président Bachar Al-Assad, comme Radio-Canada le fait sans cesse depuis six ans. »
M. Ahmed Kouaou, du Service d’éthique journalistique – Information et affaires publiques, répond au nom du mis en cause, le site Internet ici.radio-canada.ca. M. Kouaou explique, après vérification, que le président syrien « a répondu à la totalité des 25 questions soumises par l’AFP, mais celle-ci dit avoir reçu de la présidence syrienne, qui a assuré le tournage de l’entrevue, l’enregistrement des 5 premières questions seulement ». Il précise que l’inexactitude initiale était due à « une mauvaise compréhension de la dépêche de l’AFP qui a servi de source principale pour la rédaction du texte ».
M. Kouaou souligne que la modification à l’article a été notée de la façon suivante au bas du texte : « Une précédente version de cet article laissait entendre que le président syrien n’a répondu qu’à 5 des 25 questions soumises par l’AFP. M. Al-Assad a, en réalité, répondu à toutes les questions, mais ses services, qui ont assuré le tournage de l’entrevue, ont fourni à l’Agence France-Presse l’enregistrement de cinq réponses seulement. »
Le mis en cause réfute cependant l’intention que lui prête le plaignant de vouloir diffuser une « fausse nouvelle destinée à tromper les citoyens ». M. Kouaou explique que « dans le reportage télé qui a été intégré dans l’article en question, l’aspect soulevé dans la plainte a été communiqué de manière exacte ».
Dans ses commentaires, le plaignant estime que les modifications apportées à l’article par les mis en cause sont insuffisantes. Selon lui, le Conseil « doit réprimander sévèrement Radio-Canada ». Il fait valoir que les correctifs n’ont été apportés « qu’une dizaine de mois après que son mensonge lui [a] été signalé. Le jour même du reportage, soit le 13 avril 2017, j’ai personnellement mis un commentaire soulignant le mensonge au bas du reportage, dans le site Web de Radio-Canada ». Dans sa correspondance au Conseil, il reproduit le message qu’il a publié sur le site Internet des mis en cause.
Le plaignant souligne que « l’entrevue de l’AFP avec le président Assad à Damas a fait l’objet de nombreux autres reportages », dont il fait une liste non exhaustive dans ses commentaires. « Or, à part le reportage de Radio-Canada, aucun n’a prétendu que le président Assad avait accepté de répondre à 5 questions seulement sur 25. Je n’ai trouvé qu’un seul autre reportage, celui du Parisien, qui mentionne que l’enregistrement remis à l’AFP ne contenait que les cinq premières réponses. En outre, la formulation employée par Le Parisien n’est pas tendancieuse », fait valoir le plaignant.
Le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec prévoit à l’article 9, alinéa a) que « les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ».
Le Conseil rappelle qu’un commentaire du public sur un article ne constitue pas une demande officielle de rectificatif. La jurisprudence a établi qu’une demande de rectificatif doit être communiquée directement aux mis en cause, par les canaux officiels. Dans la décision D2016-04-129, le Conseil a statué qu’« il serait déraisonnable de considérer qu’un simple commentaire laissé au bas d’un article journalistique constitue un moyen suffisant pour demander une correction à une erreur, qui déclencherait ainsi l’obligation déontologique du média de corriger l’erreur si elle est avérée. Il s’agirait d’un fardeau trop lourd à porter, vu le volume de commentaires reçus par les grands médias ».
Le Conseil constate que l’imprécision initiale a été corrigée dès que le mis en cause en a pris connaissance par le biais officiel d’une plainte au Conseil de presse.
Par ailleurs, le Conseil ne se penche pas sur les intentions prêtées aux médias, mais sur les faits qui sont publiés. Bien que le plaignant apporte en preuve plusieurs des articles de presse basés sur la dépêche de l’AFP, le Conseil n’a pas pu étudier la dépêche originale. Dans ces circonstances, il rejette le grief puisqu’il n’est pas en mesure de déterminer si les mis en cause ont rapporté fidèlement ou non le contenu de la dépêche transmise par l’AFP.
De plus, le Conseil estime que l’inexactitude au sujet du nombre de questions fournies à l’AFP, avancée par le plaignant et reconnue par le mis en cause, n’était pas de matière à influencer la compréhension du reportage par le lecteur. Cette imprécision, même si elle avait été constatée par le Conseil, aurait été jugée négligeable.
Le grief d’information inexacte est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Bernard Desgagné contre le site Internet ici.radio-canada.ca concernant le grief d’information inexacte.
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Luc Grenier
- Mme Linda Taklit
Représentants des journalistes :
- M. Simon Chabot
- Mme Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
- M. Éric Trottier
- M. Pierre-Paul Noreau
Date de l’appel
2 August 2018
Appelant
Bernard Desgagné
Décision en appel
RÔLE DE LA COMMISSION D’APPEL
Lors de la révision d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
CONTEXTE
L’article mis en cause relate la teneur d’une entrevue télévisée que le président syrien, Bachar Al-Assad, a accordée à l’Agence France-Presse et dans laquelle il affirme que l’attaque chimique à Khan Cheikhoun, le 4 avril 2017, a été fabriquée de toutes pièces. En première instance, le Conseil de presse n’a constaté aucun manquement déontologique.
MOTIF DE L’APPELANT
L’appelant conteste la décision de première instance relativement au grief d’inexactitude.
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 alinéa a du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelant apporte des éléments qui démontrent que la première instance a mal appliqué le principe déontologique d’exactitude.
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 9 a) du Guide a été appliqué correctement en première instance.
La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.
Analyse
L’article en cause a été publié sur le site Internet de Radio-Canada le 13 avril 2017 à 11h. On pouvait y lire au 3e paragraphe : « Pour cette entrevue à la caméra, la première de Bachar Al-Assad depuis l’attaque chimique, l’AFP a dû soumettre sa liste de questions, et la présidence syrienne a choisi de ne répondre qu’à cinq d’entre elles. Le tournage de l’entrevue a également été fait par une équipe de la présidence syrienne. »
Des corrections ont été apportées le 23 février 2018 et le paragraphe en cause a été remplacé par celui-ci : « Pour cette entrevue à la caméra, la première de Bachar Al-Assad depuis l’attaque chimique, l’AFP dit avoir soumis au préalable une liste de 25 questions. Elle précise aussi que la présidence syrienne, qui a assuré le tournage de l’entrevue, lui a fourni l’enregistrement des cinq premières réponses seulement. » Par ailleurs, dans un encadré à la fin de l’article, il était précisé que celui-ci avait été modifié et quelles corrections avaient été apportées.
L’appelant est d’avis qu’avec sa correction, « Radio-Canada banalise son mensonge initial et […] le remplace par un nouveau mensonge ». Il estime que le comité des plaintes n’a pas tenu compte des faits essentiels et qu’il a « refusé d’examiner » un document « d’importance cruciale », qui démontre « clairement » que Radio-Canada « a menti ».
M. Desgagné a joint à son appel une dépêche de l’AFP qu’il s’est procurée auprès de Cision et qu’il estime être d’importance cruciale. Il n’y est pas fait mention du nombre de questions posées par l’AFP ni du nombre de réponses fournies par la présidence syrienne. Cependant, la dépêche qu’apporte en preuve l’appelant est datée du 14 avril 2017, à 02h09 GMT, ce qui correspond au 13 avril à 22h heure de l’Est, c’est-à-dire qu’elle est postérieure à la publication de l’article de Radio-Canada.
Les journalistes de l’AFP ont réalisé l’entrevue avec le président syrien le 12 avril 2017 et ont produit plusieurs dépêches à la suite de la rencontre, a pu constater la commission d’appel. Par ailleurs, un article publié sur le site Internet du journal français Le Parisien, le 13 avril, écrit à partir d’une dépêche de l’AFP – et que l’appelant avait joint à sa plainte initiale -, rapporte que « cet entretien a été accordé à l’AFP par Bachar Al-Assad, dans son bureau à Damas. L’agence de presse explique que l’interview a été filmée par les services de la présidence syrienne, qui a fourni à l’AFPTV l’enregistrement des 5 premières questions ».
La commission juge que la preuve fournie par l’appelant n’est pas probante et estime que le comité de plaintes a appliqué correctement le principe d’exactitude.
CONCLUSION
Après examen, les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier est clos.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales.
Jacques Gauthier
Au nom de la commission d’appel
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentant du public :
Jacques Gauthier
Représentant des journalistes :
Vincent Larouche
Représentant des entreprises de presse :
Gilber Paquette