Plaignant
Mme Madeleine Smith
Mis en cause
Fabrice Vil, chroniqueur
Le quotidien Le Devoir
Résumé de la plainte
Mme Madeleine Smith dépose une plainte le 8 mai 2017 contre le chroniqueur M. Fabrice Vil et le quotidien Le Devoir concernant la chronique « La puissance du hip-hop », publiée le 28 avril 2017. La plaignante dénonce des informations inexactes et un manque de rigueur de raisonnement.
La chronique mise en cause porte sur le hip-hop comme « outil pédagogique » et « levier de participation citoyenne » dans le cadre de l’initiative d’une école secondaire. Dans son texte, M. Vil inclut un passage de la chanson « Qc History X » de Webster.
Analyse
POINTS SUR LA RECEVABILITÉ
M. Fabrice Vil et Le Devoir contestent la recevabilité de la plainte.
1.1 Information inexacte dans les propos du chroniqueur
La plaignante estime qu’il est inexact d’affirmer, en parlant de la chanson « Qc History X », « qu’il s’agit d’un véritable cours sur l’histoire des Noirs au Québec ». Mme Smith réagit au passage de la chronique où M. Vil écrit : « Or, c’est le même Webster qui, en collaboration avec Karim Ouellet, a créé la chanson “Qc History X”, qui propose en poésie un véritable cours sur l’histoire des Noirs au Québec. »
M. Vil conteste la recevabilité de la plainte, concernant des informations inexactes. Il estime qu’il a la latitude de rapporter son appréciation d’une oeuvre culturelle, donc qu’« il n’est pas utile d’aller au-delà de [s]on opinion et d’examiner l’exactitude des informations contenues dans la chanson ».
L’article 13.04 du Règlement 2 indique que « la plainte ne peut constituer une plainte de diffamation, viser le contenu d’une publicité ou exprimer une divergence d’opinions avec l’auteur d’une publication ou d’une décision ». (Soulignement du Conseil)
Le Conseil s’est penché sur la différence entre un jugement de valeur et un jugement de faits. Dans la décision D2010-01-053, le Conseil explique que « le jugement de faits implique ou vise une observation neutre et objective, alors que le jugement de valeur implique une évaluation et une appréciation subjective. Le journalisme d’information (contrairement au journalisme d’opinion) rapporte les faits sans porter de jugement de valeur, sans qualifier, par exemple, une situation de “bonne” ou de “mauvaise”. »
Le Conseil est d’avis que M. Vil partageait son opinion de chroniqueur lorsqu’il a écrit que « c’est le même Webster qui, en collaboration avec Karim Ouellet, a créé la chanson “Qc History X”, qui propose en poésie un véritable cours d’histoire des Noirs au Québec » dans sa chronique, et qu’à cet égard, le Conseil n’y voit aucune apparence de faute.
Cet élément du grief est donc jugé irrecevable.
1.2 Informations inexactes dans l’extrait de la chanson citée
Mme Smith cible deux inexactitudes dans les paroles de la chanson « Qc History X », citée dans la chronique.
Voici l’extrait cité : « En 1629 arrive Olivier Lejeune / Premier esclave répertorié dans la jeune ville de Québec / Au moins 10 000 esclaves au Canada / Jusqu’à l’abolition de ce droit en 1833 / C’est fou, à force de fureter en masse / J’ai découvert que Lionel Groulx prônait la pureté des races / C’est la même pour Garneau, F.X.-Garneau / Qc History X, ils nous ont effacés du tableau / Mais pourtant, il y avait des hommes d’affaires noirs / On était dans les régiments et d’autres étaient / Coureurs des bois / Il y avait aussi des aubergistes / Et ils veulent nous faire croire que les Noirs sont ici depuis les années 70. » (Soulignement du Conseil)
Selon la plaignante, « prétendre qu’il y avait 10 000 esclaves au XIXe siècle au Canada (nom sous lequel était alors connu le Québec) comme le fait M. Vil est trompeur et mensonger ».
Mme Smith estime que « le texte de M. Vil omet également d’apporter quelque nuance que ce soit quant aux faussetés véhiculées par la chanson “Qc History X” au sujet de Lionel Groulx. […] Prétendre que “Lionel Groulx prônait la pureté des races” relève […] de la malhonnêteté intellectuelle ».
Le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec prévoit, à l’article 4 (2), que « les médias d’information sont responsables de tout le contenu journalistique qu’ils publient ou diffusent, sans égard au support utilisé, ce qui comprend les comptes de médias sociaux qu’ils exploitent ». (Soulignement du Conseil)
Le Conseil considère qu’il ne relève pas de sa compétence de se prononcer sur l’exactitude d’une œuvre artistique, considérant que le contenu n’est pas de nature journalistique.
Cet élément du grief est donc jugé irrecevable.
1.3 Manque de rigueur de raisonnement
Mme Smith déplore un manque de rigueur de raisonnement de la part du chroniqueur, estimant que M. Vil « a erré dans son interprétation du texte de la chanson “Qc History X” qui se rapporte au film American History X ». De l’avis de Mme Smith, y voir un « trésor culturel » ou une façon de faire « évoluer les méthodes d’enseignement » est un parallèle « absurde » qui est à la limite de la « calomnie ».
Le Conseil estime que le chroniqueur partageait son appréciation de la chanson, ce qui est le propre du journalisme d’opinion et qu’à cet égard il n’y voit aucune apparence de faute.
Ce grief est donc jugé irrecevable.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec ne peut donner suite à la plainte de Mme Madeleine Smith contre le chroniqueur Fabrice Vil et Le Devoir, celle-ci étant jugée irrecevable.
Jacques Gauthier
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentant du public :
- M. Jacques Gauthier
Représentant des journalistes :
- M. Simon Chabot
Représentants des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- Mme Nicole Tardif