Plaignant
M. Jean Jolicoeur
Mis en cause
M. Michel Jean, journaliste
Le Groupe TVA-LCN
Résumé de la plainte
M. Jean Jolicoeur porte plainte le 14 mai 2017 contre le journaliste M. Michel Jean et le Groupe TVA-LCN concernant un reportage intitulé « Un faux autochtone honoré? » diffusé les 15 et les 16 février 2017. Le plaignant déplore une information inexacte.
Le Groupe TVA-LCN n’a pas souhaité répondre à la plainte. Toutefois, le journaliste a répondu à la présente plainte en son nom personnel.
Le 16 février 2017, le Rassemblement pour un pays souverain a remis à Jean Jolicoeur le Prix Gilles-Rhéaume qui honore « un(e) Québécois(e) d’origine autochtone s’affichant clairement pour l’indépendance du Québec ». Dans un reportage diffusé la veille sur TVA Nouvelles et LCN, qui a aussi été publié sur le site Internet de TVA Nouvelles, le journaliste Michel Jean rapporte que des membres des Premières Nations du Québec critiquent cette nomination, car ils considèrent que M. Jolicoeur n’est pas un Autochtone.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
M. Jolicoeur soutient que le titre du reportage de TVA « Un faux autochtone honoré? » est mensonger. Le plaignant affirme que ses origines généalogiques prouvent qu’il est bien Autochtone. Il apporte en preuve sa généalogie autochtone établie par l’International Aboriginal Research Bureau qui a produit un document daté du 16 décembre 1991 indiquant : « This to certifiy that according to Canadian Constitution of 1982 Jean Jolicoeur is an Aboriginal Person of Algonkian origin belongings to Algonquin Nation and that he is recognized as such by his community. » [Ceci pour certifier que selon la Constitution canadienne de 1982, Jean Jolicoeur est un Autochtone d’origine algonquienne appartenant à la Nation algonquine et qu’il est reconnu comme tel par sa communauté.]
Le plaignant indique qu’il n’a pas entrepris les démarches pour obtenir le statut d’Indien en vertu de la Loi sur les Indiens, car il juge que cette dernière est « une loi intrinsèquement paternaliste dans laquelle le gouvernement fédéral est fiduciaire des Indiens avec tout ce que cela implique. Il est évident que je ne souscris pas à cette mentalité politique ». Le plaignant apporte en preuve une étude du Centre national pour la gouvernance des Premières Nations – intitulée « La loi sur les Indiens et l’avenir de la gouvernance autochtone au Canada » – qui illustre que son point de vue concernant la Loi sur les Indiens est partagé par de nombreux Autochtones qui refusent le statut légal d’Indien.
Le plaignant affirme qu’il a été « Chef de 1992 à 2010 de la Communauté Tea8eakenrat de Kanesatake/Oka affiliée à l’Alliance Autochtone du Québec et au Congrès des Peuples Autochtones ». Il souligne qu’il s’est impliqué à divers titres dans plusieurs organismes oeuvrant en faveur de la communauté autochtone ou défendant ses intérêts.
Il apporte en preuve le jugement rendu le 14 avril 2016 par la Cour suprême du Canada qui a déclaré que les Métis et les Indiens non inscrits sont des Indiens au sens de la constitution. Une cause dans laquelle l’Alliance Autochtone du Québec est intervenue, précise-t-il. Le plaignant explique qu’ayant été informé que Michel Jean préparait un reportage au sujet des réactions de membres des Premières Nations du Québec qui remettaient en question sa nomination au Prix Gilles-Rhéaume, il a contacté le journaliste pour lui fournir « les pièces justificatives des faussetés invoquées », et ce « plus de trente heures » avant la diffusion du reportage.
Dans sa réplique, le journaliste indique que son reportage « expliquait la réaction de membres de Premières Nations à la décision du Rassemblement pour un pays souverain de décerner le prix de Patriote de l’année [il s’agit en fait du Prix Gilles-Rhéaume] à monsieur Jean Jolicoeur pour son engagement à l’endroit de la cause autochtone et indépendantiste ».
M. Jean précise qu’il cite dans son reportage « le grand chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, l’ancien Grand chef de la communauté mohawk, Steven Bonspille, et l’anthropologue wendat Isabelle Picard. Il donne de plus un droit de réplique au Rassemblement pour un pays souverain ». Le mis en cause souligne que MM. Picard et Bonspille « estiment que monsieur Jolicoeur, malgré ses prétentions n’est pas un membre des Premières Nations. L’anthropologue […] dit qu’il “est par contre membre de l’Alliance autochtone du Québec et d’autres organisations du genre” ».
Le mis en cause affirme qu’« au Canada, beaucoup de gens prétendent faire partie des Premières Nations. Mais au regard de la Loi sur les Indiens, qui jusqu’à preuve du contraire s’applique, il faut détenir un numéro de bande, une carte d’Indien comme on dit familièrement, pour être considéré comme un membre des Premières Nations ». Il précise que « le Registre des Indiens est le registre officiel de tous les Indiens inscrits au Canada » et ajoute que « Jean Jolicoeur, malgré ses prétentions, ne figure pas sur ce registre. Il n’est donc pas considéré par le gouvernement canadien comme un Autochtone ».
En matière d’exactitude, l’article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse précise que « les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ».
Concernant les illustrations, manchettes, titres et légendes, l’article 14.3 du Guide de déontologie journalistique indique que « le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent ».
Le Conseil souligne qu’un journaliste ne peut être tenu responsable du titre d’un reportage, puisque celui-ci relève du chef de pupitre.
Dans le présent cas, le Conseil estime que le titre en cause présente fidèlement l’information du reportage. M. Michel Jean y présente des contestations au sujet du statut de M. Jolicoeur. En formulant le titre sous forme de question, le média fait état de cette controverse.
Le grief d’information inexacte est rejeté.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Groupe TVA-LCN, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Jean Jolicoeur contre le journaliste M. Michel Jean et le Groupe TVA-LCN concernant le reportage intitulé « Un faux autochtone honoré? », pour le grief d’information inexacte.
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Luc Grenier
- Mme Linda Taklit
Représentants des journalistes :
- M. Simon Chabot
- Mme Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- M. Éric Trottier