Plaignant
M. Steve Blouin
Mis en cause
M. Nicolas Saillant, journaliste
Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
M. Steve Blouin dépose une plainte le 21 août 2017 contre le journaliste Nicolas Saillant et Le Journal de Québec concernant l’article « Face-à-face mortel dans Charlevoix : une erreur de pilotage en cause? » publié le 15 août 2017. Le plaignant déplore une atteinte à la dignité et du sensationnalisme.
L’article rapporte les circonstances de l’accident de moto dans lequel Sandra Bouchard a perdu la vie, ainsi que la réaction de son conjoint et de son entourage. Le fait que Mme Bouchard était la fille d’un criminel connu, Raymond Bouchard, est mentionné dans le sous-titre, dans la légende des deux photos jointes à l’article, dont une montre le père et sa fille ensemble, et dans le texte.
Analyse
Grief 1 : atteinte à la dignité
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information respectent le droit fondamental de toute personne à sa vie privée et à sa dignité. » (protection de la vie privée et de la dignité – article 18 (1) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a omis de respecter le droit fondamental à la dignité de Sandra Bouchard en mentionnant qu’elle était la fille d’un criminel connu.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’atteinte à la dignité, car il juge que le journaliste a respecté l’article 18 (1).
Analyse
Le plaignant considère que le journaliste « a souillé » la mémoire de Sandra Bouchard en mentionnant son lien familial avec Raymond Bouchard, un criminel connu.
Dans une décision antérieure D2016-04-139, le Conseil reprend la définition du droit à la dignité de la Cour Suprême, indiquant que ce droit « vise les atteintes aux attributs fondamentaux de l’être humain qui contreviennent au respect auquel toute personne a droit du seul fait qu’elle est un être humain et au respect qu’elle se doit à elle-même ». ([1996] 3 R.C.S. 211, par. 105)
Dans sa réplique, le journaliste du Journal de Québec, Nicolas Saillant, explique que la victime ne cachait pas qui était son père.
Le Conseil constate effectivement que la victime affichait publiquement qui était son père, notamment en partageant sur sa page Facebook des photos d’elle en compagnie de son père. La mention de ce lien ne pouvait donc manquer « au respect que [la victime se devait] à elle-même », comme l’entend la définition de la Cour suprême.
De plus, le journaliste considère que, vu la notoriété du père de la victime, un criminel connu, la nouvelle « gagnait elle-même en importance » et qu’elle était d’intérêt public.
Le Conseil juge en effet que cette information était d’intérêt public puisque Raymond Bouchard est une « personnalité publique » en raison des crimes pour lesquels il a été incarcéré et qui ont été largement médiatisés. Sa libération avait d’ailleurs été couverte par les médias quelques semaines auparavant.
Grief 2 : sensationnalisme
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (sensationnalisme – article 14.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a fait preuve de sensationnalisme dans le traitement de l’information.
Décision
Le Conseil rejette le grief de sensationnalisme, car il juge que le journaliste a respecté l’article 14.1.
Analyse
Bien que le plaignant considère que l’information concernant le père de la victime « n’avait absolument aucun rapport avec la nouvelle » et qu’il « n’accepte pas » cette « soif de sensationnalisme », le Conseil estime que le contenu de l’article ne déforme pas la réalité, n’exagère ou n’interprète pas abusivement la portée réelle des faits en rapportant que la défunte était la fille du criminel Raymond Bouchard.
Le Conseil note, par ailleurs, que l’article de Nicolas Saillant faisait preuve de nuance en rapportant les réactions de l’entourage de Sandra Bouchard et les « hommages sentis » à son égard.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Steve Blouin contre le journaliste Nicolas Saillant et Le Journal de Québec pour les griefs d’atteinte à la dignité et de sensationnalisme.
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Ericka Alnéus
M. Luc Grenier
Mme Renée Lamontagne
M. Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Mme Lisa -Marie Gervais
M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
M. Jed Kahane
Mme Nicole Tardif