Plaignant
Mme Priscilla Franken, ex-directrice de contenu multiplateforme, magazine Conseiller
Mis en cause
M. Ulysse Bergeron, journaliste
Les émissions télévisées « RDI Économie » et « Le Téléjournal de 22h »
L’émission radiophonique « L’heure du monde »
Le site Internet ici.radio-canada.ca
Compte Facebook de RDI Économie
ICI RDI
ICI Radio-Canada Télé
ICI Radio-Canada Première
Résumé de la plainte
Mme Priscilla Franken, ex-directrice de contenu multiplateforme au magazine Conseiller, dépose une plainte le 11 septembre 2017 contre le journaliste Ulysse Bergeron, le site Internet ici.radio-canada.ca, ICI RDI, ICI Radio-Canada Télé, ICI Radio-Canada Première ainsi que les émissions « RDI Économie », « Le Téléjournal de 22h » et « L’heure du monde » concernant l’article « Assurances : les laissés-pour-compte de la course aux commissions » et les reportages « Un assureur poursuivi » et « Course aux commissions dans le secteur de l’assurance », diffusés le 14 juin 2017. La plainte vise également un statut Facebook publié le même jour sur la page RDI Économie. La plaignante déplore du plagiat, une absence d’identification d’une source, des informations inexactes et un refus de rectificatif.
L’article et les reportages rapportent une poursuite déposée contre une filiale de la compagnie BMO-Assurance, AIG-BMO, pour ne pas avoir surveillé adéquatement l’un de ses représentants, Jacques-André Thibault. L’article et les reportages font également état du mécontentement d’anciens clients de M. Thibault qui estiment avoir été floués par cet homme qui leur a vendu des assurances-vie inadaptées à leurs besoins. Ces clients affirment avoir perdu entre 100 000 $ et plusieurs millions de dollars. Le journaliste rappelle que M. Thibault a été condamné par la Cour supérieure et qu’il a été radié par les autorités financières pour une période de 11 ans en raison de manquements déontologiques majeurs.
Analyse
Grief 1 : plagiat
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information ne se livrent pas au plagiat. » (article 14.6 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le comité des plaintes doit déterminer si le journaliste et le média ont plagié les articles de la plaignante dans ses reportages.
Décision
Le Conseil de presse du Québec juge que le journaliste n’a pas plagié les articles publiés par la plaignante.
Le Conseil rejette le grief de plagiat.
Analyse
La plaignante considère que, dans 10 extraits des reportages, M. Bergeron a plagié des passages d’articles qu’elle a publiés dans Le Conseiller, un magazine spécialisé en finances. En comparant ces extraits, le Conseil a constaté que l’information présentée pouvait parfois être similaire, mais que les passages n’étaient pas écrits de la même façon et n’étaient pas non plus paraphrasés. C’est le cas du passage suivant publié par M. Bergeron : « En 2003, dans son premier jugement, la CSF [Chambre de la sécurité financière] estime que “les chances de récidives nous paraissent existantes” » qui rapporte le même élément d’information que le passage rédigé par la plaignante : « Le comité fera alors la mise en garde suivante : “l’intimé n’a pas compris le message que nous lui transmettons dans notre décision de culpabilité. Le danger de récidive est donc manifeste” ») sans en reprendre la forme.
Le Conseil constate que, tout comme l’information présentée dans les deux passages ci-dessus, plusieurs des extraits visés par la plainte faisaient état de jugements rendus à l’encontre de Jacques-André Thibault. Ceux-ci étaient publics au moment de la diffusion des reportages. D’autres extraits rapportaient des informations que le journaliste a obtenues grâce aux entrevues réalisées dans le cadre de son reportage. Le Conseil observe également que des informations ont fait l’objet de communiqués officiels et ont été rapportées par d’autres médias que celui de la plaignante.
Le Conseil estime que le fait pour un journaliste de lire, de se documenter ou de s’inspirer d’information déjà rendue publique n’est pas synonyme de plagiat.
Grief 2 : absence d’identification d’une source
Principe déontologique applicable
« Les journalistes identifient leurs sources d’information, afin de permettre au public d’en évaluer la valeur, sous réserve des dispositions prévues à l’article 12.1 du présent Guide. » (article 12 du Guide)
Le comité des plaintes doit déterminer si les mis en cause avaient l’obligation déontologique d’identifier la plaignante comme source des reportages.
Décision
Le Conseil juge que les mis en cause n’avaient pas à identifier la plaignante comme source des reportages.
Le Conseil rejette le grief d’absence d’identification d’une source.
Analyse
Bien que la plaignante reproche aux mis en cause de ne pas avoir mentionné qu’elle était l’auteure d’une enquête journalistique concernant Jacques-André Thibault, le Conseil juge que les mis en cause n’avaient pas à le faire. Un courriel mis en preuve par la plaignante démontre qu’elle a contacté Ulysse Bergeron pour l’inciter à traiter du cas de M. Thibault dans un média grand public, mais aux yeux du Conseil cette intervention fait de la plaignante une source intermédiaire que M. Bergeron n’avait pas l’obligation d’identifier.
Au fil des ans, le média pour lequel travaillait la plaignante n’est pas le seul à avoir fait état des condamnations visant M. Thibault. Depuis 2012, plusieurs médias en ont fait mention, notamment La Presse, La Tribune et Le Journal de Montréal.
Le fait que Mme Franken ait partagé ses contacts avec M. Bergeron n’obligeait pas ce dernier à l’identifier comme source du reportage. En consultant l’article et les reportages, le Conseil constate qu’au cours de son enquête, le journaliste a, entre autres, réalisé des entrevues avec d’anciens clients de Jacques-André Thibault, la présidente de la Chambre de la sécurité financière et une ex-dirigeante d’institution.
De plus, le Conseil note que le reportage de Radio-Canada ne traite pas des mêmes aspects que les articles de la plaignante, notamment en faisant état de la poursuite judiciaire contre AIG-BMO. Bien que la plaignante soutienne avoir transmis cette information à M. Bergeron, et même si elle en avait apporté la preuve, le Conseil est d’avis qu’en tant que source intermédiaire qui informait le journaliste d’un sujet, M. Bergeron n’avait pas à la nommer.
Grief 3 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 alinéa a du Guide)
Décision
Le Conseil juge que les informations visées par la plainte fidèles à la réalité tel que l’énonce l’article 9 a) du Guide et rejette donc le grief d’informations inexactes.
Analyse
3.1 Exclusif
Contrairement à la plaignante, le Conseil juge que l’utilisation des termes « exclusif » et « exclusivité » dans un statut Facebook publié par le compte RDI Économie et dans l’introduction de l’émission RDI Économie est fidèle à la réalité. Le Conseil observe qu’il y avait en effet un caractère d’exclusivité à la nouvelle rapportant le dépôt de la poursuite contre AIG-BMO puisqu’aucun autre média ne l’avait traité. L’information concernant la poursuite était d’ailleurs présentée dès le début du reportage.
3.2 Conseillers en finances
Bien que la plaignante considère comme inexact le fait d’opposer les termes « conseiller en finances » et « représentants » dans l’extrait suivant : « Contrairement aux conseillers en finances personnelles, les représentants ne sont pas dans l’obligation de révéler le montant de leurs commissions », le Conseil constate que ces deux termes ne sont pas utilisés comme des synonymes. Afin de ne pas alourdir le reportage, les mis en cause ont choisi d’utiliser le diminutif « représentant » au lieu de l’expression « représentant en assurance ». Ce choix concordait d’ailleurs avec le terme employé dans les documents juridiques sur lesquels s’est appuyé le journaliste dans son enquête. Les deux termes sont donc fidèles à la réalité qu’ils décrivent, juge le Conseil.
3.3 Montant de 2,5 millions $
Alors que la plaignante considère comme inexact le montant de la condamnation chiffrée à 3 millions de dollars par le journaliste, le Conseil estime que le montant présenté dans le reportage n’est pas inexact puisqu’il s’agit du montant incluant les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue dans le jugement de la Cour supérieure rendu contre M. Thibault en 2010.
Grief 4 : refus de publier un rectificatif
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Décision
Le Conseil n’ayant pas relevé de faute déontologique, il juge que les mis en cause n’avaient pas à apporter de correctif.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Mme Priscilla Franken contre le journaliste Ulysse Bergeron et Radio-Canada concernant les griefs de plagiat, d’absence d’identification d’une source, d’informations inexactes et de refus de publier un rectificatif.
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
M. Paul Chénard
Mme Renée Lamontagne
M. Michel Loyer
Mme Linda Taklit
Représentantes des journalistes :
Mme Lisa-Marie Gervais
Mme Johanna Pellus
Représentants des entreprises de presse :
M. Jed Kahane
M. Éric Trottier