Plaignant
M. Jean-Claude Gingras
Mis en cause
M. Éric Thibault, journaliste
Le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. Jean-Claude Gingras dépose une plainte le 12 septembre 2017 contre le journaliste Éric Thibault et le quotidien Le Journal de Montréal concernant un article publié le 25 août 2017, « Riposte salée d’un chef de police ». Le plaignant déplore des informations inexactes, des informations incomplètes, un manque d’équilibre, du sensationnalisme et un refus de publier un rectificatif.
Le journaliste relate les démêlés judiciaires entre le chef de police de L’Assomption et l’ancien maire de cette ville, le plaignant dans ce dossier. L’article rapporte que l’ex-maire poursuit le chef de police pour diffamation.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 alinéa a du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a produit de l’information inexacte en écrivant que la requête du chef de police « vient » d’être déposée, que M. Gingras (le plaignant) réclame 85 000 $ et que l’UPAC l’a arrêté pour abus de confiance.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’informations inexactes, car il juge que les informations visées par la plainte sont fidèles à la réalité tel que l’énonce l’article 9 a) du Guide.
Analyse
1.1 Dépôt d’une requête par le chef de police
Le plaignant considère inexact que « la requête du chef de police “vient” d’être déposée ». Il assure que « la requête a été signée dans sa première version en janvier 2017, pour être modifiée en avril 2017 suite à une demande en rejet de [sa] part, puis modifiée très légèrement de nouveau le 11 juillet 2017 […] De prétendre qu’il s’agit là d’un fait récent est une présentation inexacte des faits … »
Le Conseil estime qu’un amendement peut équivaloir à un nouveau dépôt et qu’il ne lui revient pas de déterminer à quelle durée correspond le mot « vient ». Par ailleurs, il est d’avis que l’emploi de cette tournure de phrase n’interfère pas dans la compréhension de l’article.
1.2 Montant réclamé au chef de police
Bien que le plaignant affirme qu’il est inexact d’écrire qu’il « réclame 85 000 $ » au chef de police de la Ville de l’Assomption, soulignant que ce n’est plus le cas depuis le 23 mars 2017, le Conseil n’est pas en mesure de valider cette information.
Le Conseil note avoir pour seule preuve une décision de la Cour du Québec que le plaignant a transmise au Conseil et qui est postérieure à la publication de l’article. Il se peut que le montant avancé dans l’article ait été le bon au moment de sa parution. Ainsi, le Conseil ne peut reprocher de manquement déontologique au journaliste.
1.3 Les raisons de l’arrestation
Le plaignant réfute que l’UPAC l’ait appréhendé pour abus de confiance à l’été 2014, comme écrit dans l’article. Il note qu’il est exact qu’il ait été arrêté pour entrave à la justice, mais que le DPCP n’a pas donné suite à cette arrestation. Il ajoute avoir finalement été accusé – et non arrêté – d’abus de confiance.
Le plaignant n’ayant fourni aucune preuve de ce qu’il affirme, le Conseil ne peut s’appuyer sur aucun élément probant pour trancher et rejette donc ce grief.
Grief 2 : informations incomplètes
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 alinéa e du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a produit de l’information incomplète en omettant de mentionner que la requête du chef de police est elle-même visée par un recours en rejet de la part de M. Gingras et qu’il y a eu « désistement » de la part du gouvernement qui avait demandé d’« évincer » M. Gingras de ses fonctions de maire.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’informations incomplètes, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 e) du Guide.
Analyse
2.1 Recours au sujet de la requête du chef de police
Bien que le plaignant considère qu’il était important de mentionner « que la requête du chef de police est elle-même visée par un recours en rejet de [s]a part », le Conseil est d’avis que mentionner cet élément n’était pas essentiel à la bonne compréhension de l’article. Par ailleurs, le Conseil note que le journaliste écrit que le maire réfute toutes les allégations du chef de police.
De plus, comme le souligne le Conseil dans la décision D2016-07-013, « la jurisprudence du Conseil n’impose pas aux journalistes de couvrir tous les angles d’une nouvelle, mais plutôt de s’assurer d’en présenter les éléments essentiels à la compréhension des faits par le lecteur ».
2.2 Éviction du maire
Le plaignant déplore également que le journaliste mentionne que le gouvernement a demandé aux tribunaux de l’évincer en 2015, alors qu’il était maire, sans mentionner que depuis il y avait eu désistement.
Le Conseil ne disposant pas des éléments de preuve confirmant les arguments du plaignant conclut que le journaliste n’a pas commis de manquement à la déontologie.
Grief 3 : manque d’équilibre
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération des points de vue des parties en présence. » (article 9 alinéa d du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste manqué à ses obligations d’équilibre en ne présentant pas la version de M. Gingras.
Décision
Le Conseil de presse rejette, à la majorité (6/8 membres), le grief de manque d’équilibre, car il considère que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 d) du Guide.
Analyse
Le plaignant considère que le journaliste aurait dû communiquer avec lui ou son avocat pour obtenir sa version des faits avant de publier l’article. Le Conseil constate que le journaliste écrit : « Le maire déchu soutient que les déclarations du chef de police sont “fausses”. » Par ailleurs, le Conseil note que le sujet principal de l’article porte sur la poursuite intentée par le chef de police et que le journaliste n’avait pas à rapporter la position du plaignant sur chaque point rapporté dans l’article. Le Conseil est d’avis que le journaliste a respecté son obligation d’équilibre.
Deux membres dissidents estiment pour leur part qu’on ne retrouve pas dans l’article une juste pondération des parties en présence.
Grief 4 : sensationnalisme
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a transmis une information sensationnaliste en utilisant le terme « motard ».
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de sensationnalisme, car il juge que l’information publiée n’a pas déformé la réalité ni exagéré la portée des faits rapportés.
Analyse
Selon le plaignant, en employant le terme « motard », dans la section « Les motards devaient être bienvenus » le journaliste a fait preuve de sensationnalisme, car cette expression sous-entend, selon lui, qu’il s’agit de « motards crimin[el]s», alors qu’il n’en est rien. Il souligne que « les motards visés dans cette section de [l’] article ne font partie d’aucun groupe de motards crimin[el]s ». De son avis, « l’expression “motocycliste” aurait permis [aux] lecteurs de faire la distinction entre un motard crimin[el] et un simple conducteur de motocyclette ».
Le Conseil constate que le mot motard a un sens plus large que celui associé aux criminels, tel qu’on peut l’observer dans les définitions suivantes :
Larousse en ligne : 1. Motocycliste, en particulier motocycliste passionné de moto. (On emploie parfois le féminin motarde.) 2. Agent de police, gendarme, soldat qui exerce son service à moto.
Antidote : 1. Motocycliste de la police, de la gendarmerie, de l’armée. Cortège présidentiel escorté par des motards. 2. Québec, spécialement – Membre d’une bande de motocyclistes se livrant à des activités criminelles. Un gang de motards impliqué dans le trafic de drogue. Guerre de motards.
Dans le présent cas, le Conseil juge que le journaliste pouvait utiliser le terme motard sans exagérer la portée réelle des faits
Grief 5 : refus de publier un rectificatif
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Décision
Le Conseil de presse n’ayant pas relevé de faute déontologique, il juge que les mis en cause n’avaient pas à publier de rectificatif.
Note
Les mis en cause n’ont soumis aucune réplique à la présente plainte. Le Conseil regrette le manque de collaboration du Journal de Montréal.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Jean-Claude Gingras contre le journaliste Éric Thibault et Le Journal de Montréal pour les griefs d’informations inexactes, d’informations incomplètes, de manque d’équilibre, de sensationnalisme et de refus de publier un rectificatif.
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Ericka Alnéus
M. Luc Grenier
Mme Renée Lamontagne
M. Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Mme Lisa-Marie Gervais
M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
M. Jed Kahane
Mme Nicole Tardif