Plaignant
M. Louis-Philippe Noël
M. Valentin Leduc
Mis en cause
Mme Sophie Langlois, journaliste
Émission « Le Téléjournal »
ICI Radio-Canada Télé
Résumé de la plainte
MM. Louis-Philippe Noël et Valentin Leduc déposent une plainte contre la journaliste Sophie Langlois et ICI Radio-Canada Télé concernant le reportage « Une Québécoise comme les autres », présenté le 4 octobre 2017 dans le cadre de l’émission « Le Téléjournal ». Les plaignants déplorent de l’information inexacte, de la partialité et un manque d’équilibre.
Le reportage visé par la plainte porte sur le débat entourant la tenue d’une commission sur le racisme systémique. Dans ce cadre, la journaliste expose les arguments de groupes réclamant la tenue de cette commission puisque le racisme systémique est, selon eux, bien réel. Le reportage présente également le témoignage d’Émilie Nicolas, de l’organisme Québec inclusif. Mme Nicolas déplore le racisme qu’elle a constaté alors qu’elle vivait à Québec et dénonce l’absence de réaction face aux propos qu’elle juge racistes tenus sur les ondes de certaines stations radiophoniques. Mme Nicolas fait notamment référence à une manifestation en appui à la station CHOI 98,1 Radio X ayant eu lieu à Québec en 2004.
Grief non traité
L’un des plaignants considère que le reportage est diffamatoire à l’endroit de la station radiophonique. La diffamation n’est pas considérée comme étant du ressort de la déontologie journalistique et relève plutôt de la sphère judiciaire.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Principes déontologiques applicables
« Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9, alinéa a du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
« Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Le comité des plaintes doit déterminer si la journaliste a transmis de l’information inexacte en affirmant que la manifestation de 2004, dont il est question dans le reportage, était « en appui à Jeff Fillion, la star de CHOI FM, suspendu pour avoir tenu des propos racistes ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec juge que les mis en cause ont respecté leurs obligations déontologiques.
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte.
Analyse
En affirmant que la manifestation de 2004 était « en appui à Jeff Fillion, la star de CHOI FM, suspendu pour avoir tenu des propos racistes », la journaliste a commis une imprécision puisque la suspension ne visait pas l’animateur, mais plutôt le permis de diffusion de la station. Aux yeux du Conseil, cette imprécision n’a pas d’impact sur la compréhension de la nouvelle. Pour cette raison, le Conseil ne saurait y voir un manquement déontologique d’autant que l’information a été rapidement et complètement corrigée le lendemain de la diffusion du reportage. En plus de modifier la narration du reportage afin de préciser que la manifestation était « en appui à Jeff Fillion, la star de CHOI-FM, qui vient de perdre sa licence de diffusion en raison des propos offensants de ses animateurs », les mis en cause ont publié un rectificatif sur le site Internet et la chef d’antenne, Céline Galipeau, a fait une mise au point lors de l’édition suivante du « Téléjournal ». Les mis en cause se sont donc conformés à l’article 27.1 du Guide.
Grief 2 : partialité
Principe déontologique applicable
« Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. » (article 9, alinéa c du Guide)
Le comité des plaintes doit déterminer si la journaliste a fait preuve de partialité à l’encontre de la station CHOI 98,1 Radio X.
Décision
Le Conseil de presse du Québec juge que la journaliste ne démontre pas de parti pris en faveur d’un point de vue en particulier dans le reportage visé par la plainte.
Le Conseil rejette le grief de partialité.
Analyse
Comme le précise la décision D2015-02-089 du Conseil, pour établir qu’un journaliste a fait preuve de partialité, il faut « montrer qu’il a commenté les faits, en émettant une opinion, par exemple ». Dans sa décision, le Conseil soulignait que « dans le reportage, toutes les affirmations relativement [au sujet traité] sont attribuées aux sources du journaliste. Ce dernier rapporte les faits, témoignages et points de vue de ses sources. Le Conseil ne décèle ainsi aucune apparence de partialité ».
Un plaignant considère que l’entrevue avec Émilie Nicolas concernant le racisme qu’elle perçoit dans les radios de Québec témoigne d’un parti pris de la journaliste à l’encontre de la station radiophonique, CHOI 98,1 Radio X. À cet effet, le Conseil souligne d’abord que l’intervenante ne mentionne pas de stations en particulier, mais de façon plus générale, les radios de Québec. Ensuite, le Conseil observe que la journaliste n’émet pas d’opinion. Elle se limite à rapporter les propos de Mme Nicolas et à remettre en contexte la manifestation à laquelle Mme Nicolas fait référence. Diffuser les propos de quelqu’un n’équivaut pas à les appuyer. Ainsi, le Conseil n’a pas constaté de partialité de la part de la journaliste et du média.
Grief 3 : manque d’équilibre
Principes déontologiques applicables
« Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence. » (article 9 alinéa d du Guide)
« […] la liberté de presse exige que les médias d’information et les journalistes jouissent d’une liberté éditoriale et donc […] les choix relatifs au contenu, à la forme, ainsi qu’au moment de publication ou de diffusion de l’information relèvent de la prérogative des médias d’information et des journalistes ». (article c du Préambule du Guide)
Le comité des plaintes doit déterminer si la journaliste a manqué d’équilibre à l’endroit de la station CHOI 98,1 Radio X dans son reportage.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de manque d’équilibre.
Analyse
Bien que l’un des plaignants considère que les mis en cause auraient dû donner la possibilité aux responsables de la station CHOI 98,1 Radio X de faire valoir leur point de vue, le Conseil juge que cela n’était pas nécessaire puisque le reportage portait essentiellement sur la polémique autour de la tenue d’une commission sur le racisme systémique et non sur le travail de certains animateurs de cette station radiophonique. La liberté éditoriale accordée aux médias et aux journalistes leur permettait de choisir l’angle de traitement de leur sujet.
Dans une décision antérieure au sujet d’un article portant sur la commémoration de la tragédie de l’École Polytechnique, le Conseil faisait valoir qu’étant donné l’angle de traitement de l’article, les mis en cause n’avaient pas l’obligation de présenter le point de vue du lobby des armes à feu. L’article portait sur la promesse électorale du gouvernement de Justin Trudeau concernant le contrôle des armes à feu et sa réaction aux critiques formulées par le groupe Polysesouvient. La journaliste mise en cause a fait valoir : « Il ne s’agissait pas de présenter la promesse électorale, son utilité ou sa sagesse, et de faire réagir ceux que la promesse allait réjouir ou enrager. La promesse a été faite. L’article du 6 décembre servait à souligner qu’elle n’a pas été livrée. »
Dans le cas présent, les propos tenus par les animateurs de cette station de Québec n’étaient pas l’élément central du reportage. Une des personnes citées dans le reportage a évoqué ces propos parce qu’elle jugeait qu’il y avait du racisme systémique au Québec. Le débat central présenté dans le reportage est la tenue d’une commission sur le racisme systémique. Dans ce cadre, la journaliste expose les arguments de groupes réclamant la tenue de cette commission.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette les plaintes de MM. Louis-Philippe Noël et Valentin Leduc contre la journaliste Sophie Langlois et ICI Radio-Canada Télé concernant les griefs d’information inexacte, de partialité et de manque d’équilibre.
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
M. Paul Chénard
Mme Renée Lamontagne
M. Michel Loyer
Mme Linda Taklit
Représentantes des journalistes :
Mme Lisa-Marie Gervais
Mme Johanna Pellus
Représentant des entreprises de presse :
M. Éric Trottier