Plaignant
M. Michel Dufour
Mis en cause
Mme Kathleen Frenette, journaliste
Le quotidien Le Journal de Québec
Le site Internet www.journaldequebec.com
Résumé de la plainte
M. Michel Dufour dépose une plainte au Conseil de presse, le 29 octobre 2017, contre la journaliste Kathleen Frenette, le quotidien Le Journal de Québec et le site Internet www.journaldequebec.com concernant l’article intitulé « Tuerie de la mosquée de Québec : Alexandre Bissonnette a tranquillement soupé avec ses parents le 29 janvier », publié les 27 (sur le site Internet) et 28 octobre 2017. Il leur reproche deux inexactitudes.
Dans son reportage, la journaliste Kathleen Frenette fait le récit des moments précédant la tuerie de la mosquée de Québec, survenue le 29 janvier 2017 en rapportant les déclarations de la mère de l’auteur (alors) présumé de la tuerie, Alexandre Bissonnette, de témoins des événements ainsi que d’informations recueillies par les policiers. La journaliste se base notamment sur des informations provenant de la dénonciation qui a servi aux policiers pour obtenir un mandat de perquisition dans le cadre de leur enquête.
Analyse
Grief 1 : Informations inexactes
Principe déontologique applicable
Guide de déontologie journalistique, article 9 – Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ».
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a produit de l’information inexacte en écrivant que « l’enquête policière a démontré que Bissonnette (…) possédait trois armes » et que ces armes étaient « toutes enregistrées ».
Décision
Le Conseil de presse rejette le premier point d’information inexacte et retient le deuxième.
Analyse
1.1 Enquête policière
Le plaignant considère que la journaliste a rapporté une information inexacte en écrivant que « l’enquête policière a démontré que Bissonnette (…) possédait trois armes ». Il estime que ce ne sont pas les policiers qui ont prouvé qu’Alexandre Bissonnette possédait trois armes, mais que cette information provenait plutôt du témoignage du père de l’auteur de la tuerie de la mosquée de Québec lorsque celui-ci a été interrogé par les enquêteurs.
Le Conseil constate que l’information selon laquelle Alexandre Bissonnette possédait trois armes a été rendue publique dans le cadre de l’enquête policière et que le témoignage du père du suspect a été rapporté dans le cadre de cette même enquête. La journaliste pouvait donc légitimement présenter l’information comme provenant de l’enquête policière.
Même si la formulation est imprécise (il aurait été plus précis de dire que l’information sur les trois armes provenait du témoignage du père dans le cadre de l’enquête policière), le Conseil juge qu’elle n’est pas inexacte et qu’elle n’interfère pas dans la compréhension du sujet, tel qu’illustré dans la décision antérieure du Conseil D2006-06-069, qui conclut que pour qu’un grief d’inexactitude soit retenu, celle-ci doit être majeure et interférer dans la compréhension du sujet. En conséquence, le Conseil rejette à l’unanimité le grief d’inexactitude sur ce point.
1.2 Arme enregistrée
Le plaignant considère qu’il est erroné d’affirmer que les armes que possédait Alexandre Bissonnette étaient « toutes enregistrées ». Il soutient que l’une d’entre elles, l’« arme longue Browning », ne pouvait pas être enregistrée, étant donné que le registre fédéral des armes d’épaule n’existe plus depuis 2015 et que son équivalent québécois n’existait pas encore.
Le Conseil constate que la journaliste s’est appuyée sur un document policier, la dénonciation pour obtenir un mandat de perquisition. Dans ce document, dont le Conseil a obtenu copie, le père d’Alexandre Bissonnette indique aux policiers « qu’à sa connaissance, son fils Alexandre possède des armes, soit un Glock, un Sig Sauer et une arme longue Browning » et qu’« il avait tous les documents requis ». L’enquêteur précise ensuite qu’une « vérification RCAFED [Registre canadien des armes à feu en direct] confirme une arme de poing de marque Sig Sauer modèle P227R ainsi qu’une arme de poing de marque Glock modèle 17 enregistrées au nom de Alexandre George-Henri Bissonnette ».
Le Conseil observe qu’il n’est pas mentionné dans ce document policier que « l’arme longue Browning » qu’Alexandre Bissonnette possédait, selon son père, était enregistrée. En tout état de cause, cette « arme longue Browning » ne pouvait pas être enregistrée en raison de la suppression des données du registre des armes d’épaule en 2015.
La question de l’enregistrement des armes à feu est sensible, d’actualité, et d’intérêt public, souligne le Conseil. Les informations en la matière sont importantes et en l’occurrence l’inexactitude de la journaliste interfère dans la compréhension du sujet, puisqu’elle donne l’impression qu’il existe, à la date de publication de l’article, un registre des armes d’épaule, ce qui n’était pas le cas, et que l’arme ayant servi à la tuerie était enregistrée. Le Conseil retient à l’unanimité le grief d’inexactitude sur ce point.
Note
Les mis en cause n’ont soumis aucune réplique à la présente plainte. Le Conseil regrette le manque de collaboration du Journal de Québec.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient à l’unanimité la plainte de M. Michel Dufour contre Mme Kathleen Frenette, le quotidien Le Journal de Québec et le site Internet www.journaldequebec.com pour un des deux griefs d’information inexacte, celui concernant les armes enregistrées, et blâme à la majorité (5 membres sur 8) les mis en cause. Trois des membres, même s’ils retiennent le grief, estiment que l’inexactitude est d’importance mineure. Le Conseil a rejeté à l’unanimité le grief d’inexactitude relativement à l’enquête policière.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Mme Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Ericka Alnéus
Mme Renée Lamontagne
M. Luc Grenier
M. Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Mme Lisa-Marie Gervais
M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
Mme Nicole Tardif
M. Jed Kahane