Plaignant
Samuel Dussault
Jason Keays
Touhami Rachid Raffa
Jean-Paul Plante
Sylvain Leclerc
François Gosselin
Mathieu Marion
Billel Djema
Salim Haouari
William Korbatly
69 appuis
Mis en cause
Marie-Pier Cloutier, journaliste
L’émission « TVA Nouvelles »
Le site Internet www.tvanouvelles.ca
TVA
Résumé de la plainte
Samuel Dussault, Jason Keays, Touhami Rachid Raffa, Jean-Paul Plante, Sylvain Leclerc, François Gosselin, Mathieu Marion, Billel Djema, Salim Haouari, William Korbatly et 69 autres personnes déposent une plainte contre la journaliste Marie-Pier Cloutier, le site Internet www.tvanouvelles.ca, l’émission « TVA Nouvelles » et le réseau de télévision TVA concernant l’article web « Des femmes exclues d’un chantier près de mosquées » et le reportage « “Non” aux femmes sur le chantier de la mosquée ».
CONTEXTE
Le 12 décembre 2017, « TVA Nouvelles » diffuse un reportage affirmant que les dirigeants de deux mosquées situées dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, ont exercé des pressions sur un entrepreneur pour qu’il n’y ait pas de femmes qui travaillent sur le chantier de construction à proximité de ces lieux de culte le vendredi, « pour ne pas nuire à la prière des fidèles ». Le patron de MAP Signalisation, Marc-Alexandre Perreault, affirme dans un témoignage à la caméra que l’une des deux femmes qu’il emploie sur le chantier a été réaffectée et que l’autre a été privée d’une journée de travail et de salaire, ajoutant qu’on lui avait dit que l’une d’elles aurait été menacée et intimidée. À la fin du reportage, la journaliste indique : « On va tenter d’aller aux réactions, de s’entretenir avec les propriétaires. »
Le 13 décembre 2017, à la suite de réfutations médiatisées des faits présentés dans le reportage et de vérifications publiées par d’autres médias, « TVA Nouvelles » effectue un suivi dans ce dossier. La journaliste Marie-Pier Cloutier mentionne que, « contrairement à ce qu’alléguait l’entrepreneur » la veille, « il semble qu’il n’y ait pas eu de demande écrite en ce sens, prévue dans le contrat ». Elle affirme que des travailleurs sur le chantier maintiennent toutefois avoir reçu une demande, verbale et non écrite, concernant la présence de femmes sur le chantier le vendredi. Ensuite, le reportage présente une entrevue réalisée la veille avec le contremaître du chantier, Jean-Sébastien Samson, qui assure « qu’au début » dans le contrat, ils ont reçu des demandes de la part des mosquées afin qu’il n’y ait pas de femmes sur le chantier le vendredi midi. La journaliste précise que le contremaître « n’a pas souhaité émettre de commentaires additionnels ». Le président du syndicat CSD Construction, Daniel Laterreur, confirme que ses membres affirment avoir reçu des demandes verbales en ce sens. On mentionne également que les dirigeants des deux mosquées ont engagé un avocat, Me William Korbatly, pour gérer le dossier. La journaliste termine en soulignant que la Commission de la construction du Québec (CCQ) poursuit son enquête.
Le 14 décembre 2017, à la suite du dépôt du rapport d’enquête de la CCQ, « TVA Nouvelles » présente un autre suivi, rapportant que puisque les dirigeants des mosquées ont nié que des demandes aient été faites concernant les femmes, la CCQ a mené une enquête afin de faire la lumière sur cette histoire. La présidente de l’organisme, Diane Lemieux, présente les conclusions de l’enquête selon lesquelles il n’y a aucune indication, aucun témoignage, aucun élément qui permettrait d’affirmer que les mosquées ont demandé ce genre d’aménagement. Par la suite, la journaliste Marie-Pier Cloutier indique que les versions des intervenants, recueillies et présentées en ondes, ont évolué, ce qui fait en sorte que « TVA Nouvelles » n’est plus en mesure d’affirmer que ces demandes ont été formulées. Elle conclut que « la situation semble plutôt découler d’un important imbroglio entre les divers intervenants ».
Le 15 décembre 2017, le réseau TVA effectue une mise au point. Un lien qui menait au reportage initial et à l’article mène désormais à ce contenu :
« La direction de TVA Nouvelles souhaite faire le point sur le reportage diffusé sur les mosquées cette semaine.
Le reportage était fondé sur les témoignages rapportés à la caméra mardi soir par deux entrepreneurs. Or, les versions que nous avions recueillies auprès de ces intervenants ont changé depuis hier.
« TVA Nouvelles regrette cette situation et tient à s’excuser auprès des différents intervenants et des téléspectateurs qui ont été affectés par cette nouvelle.
« La direction continue de mener son enquête interne pour valider les étapes de la démarche journalistique effectuées dans le cadre de ce reportage. »
Le 21 décembre 2017, « TVA Nouvelles » diffuse un reportage réalisé par le journaliste Félix Séguin dans lequel il explique que jamais les dirigeants des mosquées n’ont formulé les demandes en question. Tout découlerait de la mauvaise interprétation d’une demande verbale provenant d’une ingénieure de la Commission des services électriques de Montréal aux employés de chantier, affirme le journaliste. L’ingénieure avait demandé de « respecter les croyances des gens de la mosquée et de restreindre la présence des travailleurs le vendredi durant la prière ». On voit ensuite une entrevue avec M. Perreault, le patron de MAP Signalisation, qui affirme ne pas avoir vérifié l’information transmise par sa signaleuse. Le reportage se conclut en précisant que « la CCQ affirmait que la controverse découlait d’un mélange de problèmes de gestion sur le terrain et de communication entre les intervenants dans la chaîne de sous-traitance ».
Le 20 décembre 2018, soit un an après la diffusion du reportage initial, « TVA Nouvelles » publie cette mise au point sur son site Internet :
« TVA Nouvelles a diffusé des reportages au mois de décembre 2017 rapportant que les propriétaires de la Mosquée Baitul-Mukkaram et l’Organisation islamique Ahl-ill Bait avaient exigé d’exclure les femmes du chantier le vendredi en raison d’une clause au contrat et que cette situation durait depuis trois semaines.
« Après avoir mené une enquête pour valider la véracité des propos véhiculés par des témoins à la caméra, TVA conclut que l’information diffusée était inexacte et sans fondement.
« TVA offre ses plus sincères excuses à la Mosquée Baitul-Mukkaram et à l’Organisation islamique Ahl-ill Bait ainsi qu’à leurs dirigeants, membres et fidèles pour tous les dommages et inconvénients causés par ces reportages. »
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de Presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste et le média ont manqué à leur devoir d’exactitude.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief d’inexactitude, car il juge que la journaliste et le média ont contrevenu à l’article 9 a) du Guide.
Analyse
Les plaignants déplorent de l’inexactitude dans les passages suivants :
Les dirigeants des deux mosquées ont fait des pressions sur un entrepreneur pour qu’il n’y ait aucune femme sur des chantiers de construction à proximité de ses lieux de culte, le jour de la prière du vendredi.
Les dirigeants des mosquées auraient ensuite réclamé que les femmes ne soient pas visibles les vendredis sur les chantiers à proximité des deux mosquées. Cette clause est d’ailleurs écrite noir sur blanc dans le contrat signé par l’entrepreneur.
La mesure vise cinq femmes, quatre signaleuses et une ingénieure, qui ont dû être réaffectées ailleurs […].
Le Conseil a analysé les résultats de l’enquête de la CCQ, rendus publics le 14 décembre 2017, qui indiquent que plus de dix rencontres ont été réalisées avec des représentants ou des employés des entreprises présentes sur le chantier ainsi qu’avec des représentants des deux mosquées mentionnées dans le reportage de TVA. Le rapport révèle qu’« absolument rien n’indique que les dirigeants ou les représentants des mosquées aient demandé des aménagements concernant la présence des femmes au chantier. Il semble que les mesures décriées découlent d’un mélange de problèmes de gestion sur le terrain et de communications entre les intervenants dans la chaîne de sous-traitance ».
Par ailleurs, le 20 décembre 2018, un an après la diffusion du reportage et de l’article visés par les plaintes, TVA a admis l’inexactitude des informations rapportées en publiant une mise au point sur son site Internet, où on peut lire qu’« après avoir mené une enquête pour valider la véracité des propos véhiculés par des témoins à la caméra, TVA conclut que l’information diffusée était inexacte et sans fondement ».
Le Conseil retient les trois inexactitudes pointées par les plaignants, soit celle concernant les pressions effectuées par les dirigeants, celle au sujet de la clause écrite et celle concernant la réaffectation de cinq femmes du chantier.
Grief 2 : partialité
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. » (article 9 c) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste et le média ont manqué à leur devoir d’impartialité.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de partialité.
Analyse
Bien qu’un des plaignants dénonce de « la subjectivité abjecte » et un « biais anti-immigrant éhonté », le Conseil ne peut se pencher sur le grief de partialité, car aucun extrait précis n’a été ciblé dans la plainte.
Ainsi, le Conseil ne constate pas de manquement déontologique en matière de partialité.
Grief 3 : manque d’équilibre
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération des points de vue des parties en présence. » (article 9 d) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste et le média ont manqué à leur devoir d’équilibre.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief de manque d’équilibre pour le reportage en direct présenté le 12 décembre 2017, mais rejette le grief de manque d’équilibre pour l’article publié sur le site Internet de « TVA Nouvelles ».
Analyse
Les plaignants déplorent que la réaction des responsables des mosquées n’ait pas été présentée dans l’intervention en direct de la journaliste, le 12 décembre 2017.
À la fin du reportage, la journaliste conclut son intervention de la manière suivante :
On va tenter d’aller aux réactions, de s’entretenir avec les propriétaires [des deux mosquées], mais je peux vous dire c’est une nouvelle qui fait vraiment vivement réagir dans le secteur.
En raison de la sensibilité du sujet et de la gravité des accusations visant les dirigeants des mosquées, le Conseil estime que la journaliste devait leur permettre de réagir avant d’aller en ondes. Rien ne justifiait de présenter cette nouvelle sans avoir obtenu l’autre version des faits, souligne-t-il.
Dans la décision D2016-01-085 (2), confirmée en appel, le Conseil a considéré qu’étant donné l’enjeu réputationnel, le journaliste se devait de laisser au plaignant un délai raisonnable pour réagir. Il a estimé que « rien ne justifiait de diffuser le reportage aussi rapidement » et que les mis en cause avaient manqué à leur devoir d’équilibre. Le journaliste était allé en ondes dans le bulletin du midi sans avoir recueilli la réaction du plaignant, dont le nom et celui de son entreprise étaient mentionnés. Le journaliste soulignait dans son reportage être en attente d’une réaction, alors que les documents fournis par le plaignant montraient que le courriel de demande d’entrevue lui avait été envoyé à 12 h 33, soit peu de temps avant ou peut-être même après la diffusion du reportage, puisque le journaliste amorce sa conversation avec le lecteur de nouvelles en indiquant qu’il est « ce midi […] en direct de Brossard ». De la même façon, dans le cas présent, le Conseil considère que rien ne justifiait que la journaliste aille en ondes sans avoir tenté de recueillir la version des faits de l’autre partie.
Le Conseil rejette cependant le grief de manque d’équilibre pour l’article publié sur le site de « TVA Nouvelles », car dans la version obtenue par le Conseil, on peut y lire que :
Les responsables des mosquées se défendent d’avoir demandé aux entreprises d’empêcher les femmes de travailler sur le chantier le vendredi et parlent d’un coup monté : il y a quelqu’un qui est derrière ça, qui veut du mal à la mosquée. Je ne sais pas, moi.
Grief 4 : manque de vérification de la fiabilité des informations transmises par les sources
Principe déontologique applicable
Fiabilité des informations transmises par les sources : « Les journalistes prennent les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par leurs sources, afin de garantir au public une information de qualité. » (article 11 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste et le média ont manqué à leur devoir de vérification de la fiabilité des informations transmises par les sources.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief de manque de vérification de la fiabilité des informations transmises par les sources.
Analyse
Plusieurs plaignants déplorent que le reportage ait été réalisé à la suite « d’accusations et d’allégations sans fondement » et qu’aucune « précaution supplémentaire (vérifier les sources) n’a[it] été prise ».
Interviewé à la caméra lors du reportage en direct, Marc-Alexandre Perreault, le patron de signaleuses de chantier, dont le travail consiste à diriger la machinerie et les véhicules lourds, qui auraient été visées par les demandes des dirigeants des mosquées, affirme à la journaliste qu’il était absent lors des événements :
J’étais absent pendant les deux dernières semaines. Suite à mon retour, j’ai eu l’information, donc hier, on m’a averti que vendredi je ne devais pas envoyer une femme. Je trouvais ça tout à fait inacceptable.
Le Conseil constate que M. Perreault constituait la seule source présentée par la journaliste dans son reportage. Comme M. Perreault le précise d’ailleurs à la journaliste, il n’était pas témoin des faits allégués puisqu’il n’était pas présent sur le chantier en question. Il rapporte de l’information indirecte avec des termes tels que « on m’a averti que vendredi je ne devais pas envoyer une femme », « on m’a dit via ma signaleuse directement », « à ce qu’on m’a dit ». À la lumière de ces informations, le Conseil considère que la journaliste devait obtenir les informations à la source afin de contre-vérifier les faits rapportés par la seule personne interviewée dans son reportage.
Grief 5 : manque d’équité
Principe déontologique applicable
Équité : « Les journalistes et les médias d’information traitent avec équité les personnes et les groupes qui font l’objet de l’information ou avec lesquels ils sont en interaction. » (article 17 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste et le média ont manqué à leur devoir d’équité.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief de manque d’équité.
Analyse
Un plaignant dénonce un manque d’équité envers les dirigeants des mosquées et déplore qu’en entrevue, la journaliste ait « menti de façon éhontée, en rajoutant qu’elle [aurait filmé la clause], pour mettre dans l’embarras les dirigeants de la mosquée ». Il soutient que ce reportage donne l’impression que « la journaliste cherche, en mentant devant la caméra, à prendre en faute les dirigeants d’une mosquée ».
Dans une vidéo amateur, filmée durant l’entrevue de la journaliste avec deux représentants d’une des mosquées, diffusée sur YouTube, et mise en preuve par un plaignant, on peut entendre l’échange suivant entre la journaliste et ses deux interlocuteurs :
Marie-Pier Cloutier : Semble-t-il que vous avez fait la demande par écrit à la Commission électrique de Montréal.
Représentant : Donnez-nous une copie de ceci. C’est ça.
Marie-Pier Cloutier : Ouais, mais ça c’est des contrats publics, ça va être facile à trouver là, c’est à la Ville.
Représentant : Non, on veut une copie de cette demande.
Marie-Pier Cloutier : Parfait, dès qu’ils me la font parvenir je vous l’envoie, moi je l’ai filmée, je vais la montrer ce soir.
Représentant : Oui, avant de dire n’importe quoi on veut lire cette demande… Qui a écrit cette demande? C’est heureusement qu’elle a été écrite, c’est pas verbal.
Marie-Pier Cloutier : Non, c’est écrit.
Le Conseil considère que la journaliste a induit en erreur les représentants de l’une des mosquées en affirmant qu’elle détenait une preuve écrite alors qu’il n’en existait pas, les privant ainsi de la possibilité de s’exprimer en connaissance de cause.
Grief 6 : entretien de préjugés attisant la haine et le mépris
Principe déontologique applicable
Discrimination : « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. » (article 19 (1) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste et le média ont contrevenu à l’article 19 (1) du Guide.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’entretien de préjugés attisant la haine et le mépris.
Analyse
Des plaignants considèrent que la nouvelle jouait « sur la perception et le préjugé [voulant] que les musulmans sont misogynes », incitait « à la haine et à l’ostracisation des musulmans du Québec » et qu’elle a soulevé « une vague haineuse et dangereuse et permis à un groupe raciste comme La Meute de s’affirmer de nouveau sur la place publique avec un message antimusulman ».
Bien que le Conseil reconnaisse que le reportage ait été réalisé dans un contexte sensible, il n’a pas constaté de propos discriminatoires qui entretiennent les préjugés et incitent à la haine et au mépris dans les produits journalistiques mis en cause. Considérant le fait que Marie-Pier Cloutier n’a pas utilisé de termes discriminatoires, le Conseil estime qu’elle ne peut être tenue responsable du contexte dans lequel son reportage a été réalisé ni des réactions du public.
Grief 7 : correctif inadéquat
Principe déontologique applicable
Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste et le média ont manqué à leur devoir de correction des erreurs.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief de correctif inadéquat.
Analyse
Plusieurs plaignants déplorent que les manquements et erreurs n’aient pas été corrigés avec diligence. Selon l’un d’entre eux, « le non-respect des règles mentionnées à l’article 27.1 se manifeste par le fait de ne pas corriger l’erreur de la journaliste, de ne rectifier les faits que trop tard et de ne pas s’excuser clairement ».
Le Conseil considère que la journaliste et le média devaient réparer un manquement si grave à la déontologie journalistique en se rétractant et en s’excusant rapidement auprès du public et des personnes lésées. Il estime que les reportages de suivi réalisés n’avaient pas lieu d’être; ils ont plutôt contribué à faire vivre une fausse histoire. Les termes employés dans ces suivis, tels que « les versions ont évolué » et « imbroglio », montrent que le média et la journaliste ont plutôt tenté d’éviter d’admettre leurs erreurs.
Par ailleurs, les modifications que TVA a apportées à son article sur Internet le jour même de sa publication, soit le 12 décembre 2017, ont manqué de transparence puisque l’article ne mentionnait pas ce qui avait été modifié ni pour quelle raison. Quant à la « mise au point » diffusée un an plus tard, le 20 décembre 2018, dans laquelle le média admet ses fautes et s’excuse, elle arrive beaucoup trop tard.
Ce manque de diligence à reconnaître et à réparer ses erreurs a notamment laissé suffisamment de temps au groupe identitaire La Meute d’annoncer l’organisation d’une manifestation en réaction à l’histoire de la mosquée qui n’en était pas une et a contribué à alimenter les réseaux sociaux de commentaires haineux envers les musulmans. La conséquence de ce reportage aura été l’exacerbation inutile de tensions dans la société nées d’informations fausses et corrigées de façon inadéquate.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Groupe TVA, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient les plaintes de Samuel Dussault, Jason Keays, Touhami Rachid Raffa, Jean-Paul Plante, Sylvain Leclerc, François Gosselin, Mathieu Marion, Billel Djema, Salim Haouari, William Korbatly et 69 autres personnes concernant les griefs d’informations inexactes, manque d’équilibre, manque de vérification de la fiabilité des informations transmises par les sources, manque d’équité et correctif inadéquat. Il blâme sévèrement la journaliste Marie-Pier Cloutier, l’émission « TVA Nouvelles », le site Internet www.tvanouvelles.com et TVA. Le Conseil rejette toutefois les griefs de partialité et d’entretien de préjugés attisant la haine et le mépris.
Le Conseil prononce la sanction de blâme sévère en raison de la gravité des manquements commis, dans un contexte où ce reportage n’a fait qu’exacerber des tensions dans la société et a eu un impact important sur la communauté musulmane, et par le fait que la journaliste et le média ne se soient pas rétractés et excusés rapidement.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Luc Grenier
Renée Lamontagne
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Maxime Bertrand
Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Jed Kahane