Plaignant
M. Yannick Stromei
Mis en cause
Mme Karine Gagnon, chroniqueuse
Le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
CONTEXTE
Dans la chronique visée par la plainte, la journaliste d’opinion commente la nouvelle parue la veille voulant que le maire de Québec, Régis Labeaume, soit en faveur d’un projet de tramway.
En 2011, la Ville de Québec avait déjà étudié la possibilité de développer une ligne de tramway. En 2015, l’administration municipale a plutôt envisagé la mise en place d’un Service rapide par bus (SRB) avant d’abandonner cette option au printemps 2017. Dans les jours précédant la chronique visée par la plainte, le maire a remis de l’avant le projet de tramway.
RÉSUMÉ DE LA PLAINTE
M. Yannick Stromei dépose une plainte le 19 décembre 2017 contre la chroniqueuse Karine Gagnon et le quotidien Le Journal de Québec concernant la chronique « Réflexion avancée » publiée le même jour. Le plaignant déplore l’absence d’identification d’une source et des informations inexactes.
Analyse
Grief 1 : absence d’identification d’une source
Principes déontologiques applicables
Identification des sources – « Les journalistes identifient leurs sources d’information, afin de permettre au public d’en évaluer la valeur, sous réserve des dispositions prévues à l’article 12.1 du présent Guide. » (article 12 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Journalisme d’opinion – « Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. » (article 10.2 (2) du Guide)
Le comité des plaintes doit déterminer si la chroniqueuse devait identifier les sondages auxquels elle fait référence dans la chronique visée par la plainte.
Décision
Le Conseil retient le grief d’absence d’identification d’une source.
Analyse
Le plaignant reproche à la chroniqueuse de ne pas « démontrer ses sources avec chiffres à l’appui » dans le passage suivant : « Depuis 2010, de nombreux sondages ont aussi démontré l’appui très clair d’une majorité de gens de la grande région de Québec à des projets de transport structurant, que ce soit un tramway ou même le défunt SRB. Sauf pour les plus récalcitrants, la preuve n’est plus à faire. »
Le Conseil de presse du Québec juge que la chroniqueuse, en omettant d’identifier les sondages utilisés pour construire son opinion, n’a pas permis au public d’en évaluer la valeur.
Un journaliste d’opinion doit s’appuyer sur des faits vérifiables pour construire son argumentaire. Dans le cas présent, le Conseil constate que la chroniqueuse ne précise pas à quels sondages elle réfère, alors qu’ils étaient pourtant au coeur de sa chronique. Les recherches du Conseil ont permis de constater que les sondages qui étaient dans le domaine public au moment du reportage ne démontrent pas un positionnement clair de la population sur la question du transport en commun dans la grande région de Québec. Par exemple, un sondage rendu public le 19 avril 2017 contredit ce qu’affirme la journaliste dans sa chronique. Alors qu’elle soutient que des sondages ont « démontré l’appui très clair d’une majorité de gens […] à des projets de transport structurant », ce sondage – réalisé pour Le Journal de Québec, le 17 avril 2017, par la firme Léger auprès de 703 répondants – indique que l’appui de la population à un service rapide par bus (SRB) est passé de 74 % en septembre 2016 à 49 % en avril 2017. Les résultats de ce sondage, dont la marge d’erreur est de 3,7 %, 19 fois sur 20, contredisent donc son affirmation voulant que « la preuve n’est plus à faire » en ce qui concerne l’appui favorable de la population pour un projet de transport en commun dit « structurant ».
Le Conseil estime que sans l’identification des sondages utilisés, la journaliste n’expose pas les faits les plus pertinents sur lesquels elle fonde son opinion. Il était souhaitable pour le public de savoir sur quels sondages reposait sa thèse, d’autant plus qu’au moins un sondage concluait le contraire.
Grief 2 : informations inexactes
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité » (article 9 a) du Guide)
Journalisme d’opinion – « (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. » (article 10.2 du Guide)
Le comité des plaintes doit déterminer si la chronique visée par la plainte comporte des informations inexactes.
Décision
Le Conseil juge que la chronique ne contrevient pas aux articles 9 a) et 10.2.
Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes.
Analyse
Dans un premier temps, le plaignant fait valoir qu’il est inexact d’affirmer que « de nombreux sondages ont aussi démontré l’appui très clair d’une majorité de gens de la grande région de Québec à des projets de transport structurant, que ce soit un tramway ou même le défunt SRB ». Les sondages dont il est question « ne ciblaient pas de façon précise le moyen de transport », argumente le plaignant.
Le plaignant n’a pas su fournir au Conseil de sondages démontrant ce qu’il avance. Les recherches du Conseil n’ont pas, non plus, permis d’en trouver. Devant cette absence de preuves, le Conseil rejette le grief sur ce point, tout comme il l’avait fait dans la décision D2015-11-064 où il faisait valoir que le plaignant n’avait pas démontré qu’il y avait eu des inexactitudes. De plus, dans la décision D2015-08-023, le Conseil rappelle que, dans un cas de versions contradictoires, il revient au plaignant de démontrer ce qu’il allègue.
Dans un deuxième temps, le plaignant estime inexact le passage faisant référence à la position du chef de l’opposition à l’hôtel de ville de Québec, Jean-François Gosselin. Dans la chronique, on peut lire : « M. Gosselin s’est peinturé dans le coin en balayant du revers de la main tout projet de transport structurant. » Le plaignant affirme que M. Gosselin « a répété à maintes reprises, lors de la période électorale, qu’il n’était pas contre, mais priorisait un troisième lien entre la rive-nord et la rive-sud de Québec ».
À la suite de ses recherches, le Conseil constate que la position de M. Gosselin au sujet des transports en commun, telle que décrite par la chroniqueuse, est fidèle à celle qu’il a défendue lors d’entrevues accordées dans le cadre de la campagne électorale. Dans une vidéo diffusée sur le site Internet du quotidien Le Devoir, M. Gosselin affirme : « Le SRB, en fait le tramway, et finalement le SRB qui va finalement devenir un tramway, on l’a vu dans les consultations publiques au printemps, ça, à Québec on n’en veut pas. »
Quelques semaines plus tôt, Jean-François Gosselin écrivait sur le site du Huffpost : « C’est d’ailleurs en partie pour contrer le projet frivole de Service Rapide par Bus (SRB) que j’ai décidé de me lancer dans la course à la mairie. » À la lumière de ces affirmations, le Conseil constate que la chroniqueuse a présenté avec exactitude la position de M. Gosselin dans ce dossier.
Note
Les mis en cause n’ont soumis aucune réplique à la présente plainte. Le Conseil regrette le manque de collaboration du Journal de Québec.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Yannick Stromei et blâme la chroniqueuse Karine Gagnon et Le Journal de Québec en ce qui concerne le grief d’absence d’identification d’une source. Cependant, le grief d’informations inexactes est rejeté.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que « lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Ericka Alnéus
Mme Renée Lamontagne
M. Michel Loyer
M. Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
M. Simon Chabot
M. Martin Francoeur
Représentants des entreprises de presse :
M. Pierre-Paul Noreau
Mme Nicole Tardif