Plaignant
Kristian Fortin Chartier
Représentant du mis en cause
David Prince, journaliste
Le site Internet www.journaldemontreal.com
Le site Internet www.tvanouvelles.ca
Agence QMI
Groupe TVA
Résumé de la plainte
Kristian Fortin Chartier dépose une plainte le 20 février 2018 contre le journaliste David Prince, journaldemontreal.com et tvanouvelles.ca, ainsi que contre l’agence QMI et le Groupe TVA. La plainte vise l’article « Un pompier criminel reviendra au travail », publié le 4 février 2018 sur les sites Internet du Journal de Montréal, de TVA Nouvelles et sur leur page Facebook respective. Le plaignant déplore des informations inexactes, un manque de rigueur de raisonnement, de la partialité, un manque d’équilibre et une présentation injustifiée des antécédents judiciaires.
Dans sa plainte, M. Fortin Chartier demande également que les médias visés lui présentent des excuses. Le Conseil n’a pas traité cette requête, car il ne rend pas de décisions en cette matière. Son rôle se limite à déterminer s’il y a eu un manquement à la déontologie journalistique.
CONTEXTE
L’article visé par la plainte rapporte une décision du Tribunal d’arbitrage qui ordonne la réintégration dans ses fonctions d’un pompier (le plaignant) reconnu coupable en août 2015 de voies de fait graves lors d’une altercation survenue en dehors de ses heures de travail.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
1.1 En dehors des heures de service
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a transmis de l’information inexacte en écrivant : « Un pompier qui s’est acharné à coups de poing et de pied sur une victime au point de la rendre inerte ».
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que le journaliste respecte l’article 9 a) du Guide.
Analyse
Bien que le plaignant estime que la référence à son métier dans le passage « Un pompier qui s’est acharné à coups de poing et de pied sur une victime au point de la rendre inerte » laisse croire aux lecteurs qu’il était en service au moment de l’altercation, le Conseil considère que l’information est fidèle à la réalité, puisqu’il était bel et bien pompier de métier au moment des faits, même s’il n’était pas en service lors des événements.
Le Conseil remarque par ailleurs que dès le paragraphe suivant, le journaliste précise que « les voies de fait de graves perpétrées par le pompier de Val-d’Or Kristian Fortin-Chartier, à l’extérieur de ses heures de travail, ne l’empêchent pas d’être pompier », évitant ainsi toute confusion possible. La phrase visée par la plainte se trouve dans le chapeau de l’article qui sert à résumer l’essentiel de l’article. Le journaliste ne peut pas y présenter toutes les nuances d’un dossier, note le Conseil.
1.2 Âge du pompier
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a produit de l’information inexacte en écrivant : « Le 23 novembre 2012, M. Fortin-Chartier, 27 ans, qui est alors pompier à temps partiel depuis un an à Val-d’Or ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec juge que le journaliste respecte l’article 9 a) du Guide et rejette à la majorité (5/7 membres) le grief d’information inexacte sur ce point.
Analyse
Le plaignant considère que le passage suivant : « Le 23 novembre 2012, M. Fortin-Chartier, 27 ans, qui est alors pompier à temps partiel depuis un an à Val-d’Or » laisse croire, à tort, qu’il était âgé de 27 ans au moment de l’altercation, alors qu’il avait 21 ans. La majorité (5/7) des membres estime que le passage pointé par le plaignant n’est pas inexact, même s’il aurait pu être plus clair. Les membres majoritaires interprètent le passage comme faisant référence à l’âge du plaignant au moment de la publication de l’article.
Les deux autres membres sont d’avis quant à eux que la formulation de la phrase induit le lecteur en erreur et laisse croire que le plaignant avait 27 ans au moment de la bagarre.
1.3 Temps de verbe
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a transmis de l’information inexacte dans le passage suivant : « “L’état du patient démontre hors de tout doute raisonnable qu’il y a eu violence excessive et acharnement sur une personne devenue incapable de se défendre”, affirme le juge. »
Décision
Le Conseil juge que le journaliste respecte l’article 9 a) du Guide et rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Analyse
Même si le plaignant estime que l’utilisation du verbe « affirmer » au présent de l’indicatif porte à confusion dans la phrase citée plus haut, le Conseil n’y voit pas d’information inexacte. Le Conseil constate un manque de cohérence dans l’utilisation des temps de verbe dans l’article, mais il estime que le contexte, à savoir les informations qui précèdent et qui suivent la phrase en cause, permet au lecteur de comprendre que la phrase, même avec un verbe au présent, référait à un événement du passé. L’indicatif présent est ici utilisé comme du présent narratif.
Grief 2 : manque de rigueur de raisonnement
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : b) rigueur de raisonnement. » (article 9 b) du Guide)
Liberté éditoriale – « […] la liberté de presse exige que les médias d’information et les journalistes jouissent d’une liberté éditoriale et donc […] les choix relatifs au contenu, à la forme, ainsi qu’au moment de publication ou de diffusion de l’information relèvent de la prérogative des médias d’information et des journalistes ». (Préambule c) du Guide)
Le comité des plaintes doit déterminer si le journaliste a manqué de rigueur de raisonnement en écrivant : « Un pompier qui s’est acharné à coups de poing et de pied sur une victime au point de la rendre inerte pourra tout de même continuer d’exercer son métier, au grand désarroi de son chef. »
Décision
Le Conseil juge que le passage visé respecte le principe 9 b) du Guide et il rejette le grief de manque de rigueur de raisonnement.
Analyse
Bien que le plaignant affirme que le journaliste a manqué de rigueur de raisonnement, le Conseil constate, à la lecture de la plainte, que le plaignant aurait souhaité que le journaliste rédige son article sous un angle différent. Le plaignant argue que le journaliste n’aurait pas dû commencer son article par cette phrase : « Un pompier qui s’est acharné à coups de poing et de pied sur une victime au point de la rendre inerte pourra tout de même continuer d’exercer son métier, au grand désarroi de son chef ». Selon lui, la nouvelle se trouvait plutôt dans le deuxième paragraphe : « Un arbitre du travail vient de décider que les voies de fait graves perpétrées par le pompier de Val-d’Or Kristian Fortin-Chartier, à l’extérieur de ses heures de travail, ne l’empêchent pas d’être un pompier et ne nuisent pas à la réputation du service des incendies. »
Comme stipulé dans le Guide, les choix concernant le contenu d’un article relèvent de la prérogative des médias et des journalistes qui jouissent d’une liberté éditoriale, souligne le Conseil. Ainsi, une divergence d’opinions quant à l’angle à donner à un sujet ne signifie pas que le journaliste a manqué de rigueur de raisonnement.
Grief 3 : partialité
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. » (article 9 c) du Guide)
Liberté éditoriale – « […] la liberté de presse exige que les médias d’information et les journalistes jouissent d’une liberté éditoriale et donc […] les choix relatifs au contenu, à la forme, ainsi qu’au moment de publication ou de diffusion de l’information relèvent de la prérogative des médias d’information et des journalistes ». (Préambule c) du Guide)
Le comité des plaintes doit déterminer si le journaliste a fait preuve de parti pris en faveur d’un point de vue dans le passage suivant : « Un pompier qui s’est acharné à coups de poing et de pied sur une victime au point de la rendre inerte pourra tout de même continuer d’exercer son métier, au grand désarroi de son chef. »
Décision
Le Conseil juge que le journaliste respecte l’article 9 c) du Guide et il rejette le grief de partialité.
Analyse
Alors que le plaignant considère que l’expression « tout de même » a une connotation négative dans l’extrait mentionné ci-haut, le Conseil est d’avis que l’emploi de ces mots sert plutôt à souligner le désarroi du chef des pompiers et que ce choix de mots relève de la liberté éditoriale.
Grief 4 : manque d’équilibre
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence. » (article 9 d) du Guide)
Le comité des plaintes doit déterminer si le journaliste a contrevenu à l’article 9 d).
Décision
Le Conseil juge que le journaliste respecte l’article 9 d) du Guide et il rejette le grief de manque d’équilibre.
Analyse
Le Conseil constate que l’article rapporte la réaction du chef des pompiers de Val-d’Or et du plaignant, soit deux parties impliquées dans le dossier soumis au Tribunal d’arbitrage.
Bien que le plaignant considère qu’il n’a eu droit « qu’à une toute petite place dans l’article, à la toute fin », le Conseil souligne que l’équilibre dans le traitement d’un sujet ne s’évalue pas en termes d’espace alloué à l’un des points de vue ni en nombre de mots. Plusieurs décisions antérieures, dont la décision D2015-10-052, font valoir que « l’équilibre ne se mesure pas seulement de façon quantitative, sur la base d’un nombre de lignes […] Elle doit être évaluée de façon qualitative, en fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public ». Dans le cas présent, il s’agissait de présenter les réactions des parties impliquées à la décision du tribunal, ce que le journaliste a fait avec juste pondération.
Grief 5 : présentation injustifiée des antécédents judiciaires
Principes déontologiques applicables
Information judiciaire – « Les journalistes et les médias d’information font preuve de prudence et d’équité en matière de couverture des affaires judiciaires et policières, étant donné l’importance des conséquences qui peuvent résulter de cette couverture. » (article 20 du Guide)
Liberté éditoriale – « […] la liberté de presse exige que les médias d’information et les journalistes jouissent d’une liberté éditoriale et donc […] les choix relatifs au contenu, à la forme, ainsi qu’au moment de publication ou de diffusion de l’information relèvent de la prérogative des médias d’information et des journalistes ». (Préambule c) du Guide)
Le comité des plaintes doit déterminer si le journaliste a présenté de façon injustifiée les antécédents judiciaires du plaignant.
Décision
Le Conseil juge que le journaliste a respecté l’article 20 et rejette le grief de présentation injustifiée des antécédents judiciaires.
Analyse
Afin que les lecteurs soient en mesure de comprendre les enjeux sur lesquels le Tribunal d’arbitrage a statué, le Conseil considère qu’il était nécessaire de faire état de la condamnation pour voies de fait graves du plaignant puisqu’elle avait été invoquée par la Ville de Val-d’Or pour justifier le congédiement du plaignant. La tâche de l’arbitre consistait à déterminer si cette décision de l’employeur avait respecté la Charte des droits et libertés de la personne.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal, de l’Agence QMI et du Groupe TVA, qui ne sont pas membres du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Kristian Fortin Chartier contre le journaliste David Prince, les sites Internet journaldemontreal.com et tvanouvelles.ca, ainsi que contre l’agence QMI et le Groupe TVA concernant les griefs d’informations inexactes, de manque de rigueur de raisonnement, de partialité, de manque d’équilibre et de présentation injustifiée des antécédents judiciaires.
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Luc Grenier
Renée Lamontagne
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Maxime Bertrand
Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Jed Kahane