Plaignant
Jean-Philippe Déry
Mis en cause
Nicolas Lachance, journaliste
Le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
Jean-Philippe Déry dépose une plainte le 8 avril 2018 contre le journaliste Nicolas Lachance et le quotidien Le Journal de Québec concernant le titre de une « Extincteurs remplis de poivre de Cayenne et pistolets pouvant enflammer les policiers – Plus dangereux que jamais pour le G7 » et l’article « Manifestants prêts à la guerre », publiés le 7 avril 2018. Le plaignant déplore des informations inexactes.
CONTEXTE
À quelques semaines du Sommet du G7 prévu dans Charlevoix les 8 et 9 juin 2018, le journaliste présente dans son article les armes dont pourraient être équipés les manifestants.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
1.1 Extincteurs
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont transmis de l’information inexacte en faisant état d’« extincteurs remplis de poivre de Cayenne » dans le titre de une, ainsi que d’« extincteurs remplis de poivre de Cayenne anti-ours » et de « liquides irritants aspergés avec des extincteurs » dans l’article.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point en raison d’un manque de preuve.
Analyse
Bien que le plaignant affirme qu’il n’existe aucun extincteur rempli de poivre de Cayenne puisqu’il serait impossible, selon lui, de remplir des extincteurs de cette substance irritante, le Conseil n’a pas été en mesure de valider son affirmation.
Dans son reportage, le journaliste affirme : « Les manifestants ont aussi raffiné les produits volatils, irritants et puissants utilisés contre les policiers. Les extincteurs remplis de poivre de Cayenne anti-ours en sont un exemple parfait. Lors de la dernière manifestation du Collectif contre la brutalité policière (COBP), le 15 mars, à Montréal, les policiers ont été aspergés par l’un de ces produits provenant d’un extincteur. »
Joint par le Conseil, le Service de police de la Ville de Montréal n’a pas souhaité infirmer ni confirmer que ce type d’objet ait déjà été utilisé par des manifestants, pour des raisons stratégiques. Le Service de police de la Ville de Québec n’a pas été en mesure de répondre au Conseil non plus.
Le Conseil se trouve donc devant deux versions contradictoires à propos de l’utilisation possible « d’extincteurs remplis de poivre de Cayenne ». Dans un tel cas, il donne le bénéfice du doute aux mis en cause et rejette le grief du plaignant, comme il l’a fait dans ses décisions antérieures, notamment dans le dossier D2015-10-051. Dans cette décision, le Conseil n’avait pas retenu le grief d’information inexacte en faisant valoir que « le fardeau de la preuve incombe au plaignant, et que ce dernier n’a pas été en mesure de démontrer les faits qu’il avançait ».
1.2 Fusil
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a transmis de l’information inexacte en écrivant « des fusils tirant des cartouches de détresse ».
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Analyse
Le plaignant affirme qu’un « fusil est une arme à feu n’étant ni une carabine, ni un pistolet, ni un revolver, tirant des cartouches pouvant aller du calibre […] .410 au calibre 10 ». Le Conseil constate que certains sites Internet, où ce type de matériel est vendu, désignent l’instrument servant à lancer des cartouches de détresse comme étant un fusil ou un pistolet. Les deux termes étant utilisés, le Conseil ne constate pas d’information inexacte.
Certains peuvent considérer que l’information est imprécise, mais cela ne constitue pas pour autant un manquement à la déontologie journalistique. Dans la décision D2017-10-125, le Conseil avait rejeté l’un des points d’un grief d’informations inexactes en soulignant que même si la formulation du journaliste était imprécise, « elle n’est pas inexacte et qu’elle n’interfère pas dans la compréhension du sujet ». De la même façon, dans le cas présent, le Conseil conclut qu’il ne s’agit pas d’une inexactitude, mais plutôt d’une imprécision qui n’interfère pas dans la compréhension du sujet.
1.3 Guerre
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont transmis de l’information inexacte en titrant : « Manifestants prêts à la guerre ».
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point parce qu’il ne constate aucune inexactitude.
Analyse
Alors que le plaignant affirme que l’utilisation du mot « guerre » est inexacte parce qu’il « n’y a eu aucune déclaration de guerre (la guerre comportant des armes militaires, des morts et un gouvernement en place, étatique ou non) proclamée à l’ONU », le Conseil ne constate aucune inexactitude puisque le terme peut également être utilisé au sens figuré.
Le dictionnaire Larousse offre plusieurs définitions du mot « guerre » dont une qui a un sens figuré : « Lutte entre des personnes, hostilité ». Le journaliste pouvait donc utiliser le mot « guerre ».
Tout comme dans le cas présent, le Conseil avait rejeté un grief d’information inexacte dans la décision D2017-03-051 en se basant sur les différentes définitions d’un verbe : « … Le Conseil a maintes fois statué qu’il n’a pas à établir de lexique des termes que les médias ou les professionnels de l’information doivent employer ou éviter, les décisions à cet égard relevant de leur autorité et de leur discrétion rédactionnelles. »
1.4 Munitions
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a transmis de l’information inexacte dans l’extrait suivant : « Les manifestants se préparent des munitions pour faire la guerre en marge du Sommet du G7. »
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes sur ce point.
Analyse
Bien que le plaignant considère qu’il y a « présupposition que les manifestants sont actuellement en train de se préparer des munitions, ce qui est un a priori sans preuve présentée, et qui ne peut être confirmé que lorsque les faits auront lieu », le Conseil est d’avis que le journaliste utilise le terme « munition » au sens figuré.
Le dictionnaire Le Petit Robert définit notamment le terme « munition » comme étant l’« ensemble des moyens de subsistance et de défense dont on munit une troupe, une place ». Dans le contexte de l’article, on pouvait comprendre que « munition » était utilisée pour parler des moyens qu’envisageaient les manifestants.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Québec qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Jean-Philippe Déry contre le journaliste Nicolas Lachance et le quotidien Le Journal de Québec concernant le grief d’informations inexactes.
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Ericka Alneus
Paul Chénard
Michel Loyer
Richard Nardozza
Représentant des journalistes :
Simon Chabot
Représentantes des entreprises de presse :
Marie-Andrée Prévost
Nicole Tardif