Plaignant
Éliane Gamache Latourelle
Mis en cause
Sophie Durocher, chroniqueuse
Le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Éliane Gamache Latourelle dépose une plainte le 19 avril 2018 contre la chroniqueuse Sophie Durocher et Le Journal de Montréal concernant une chronique intitulée « La millionnaire trop cute pour être vraie », publiée le 24 janvier 2018. La plaignante dénonce l’entretien d’un préjugé et une inexactitude.
CONTEXTE
Éliane Gamache Latourelle est connue sous le nom de la « jeune millionnaire » en raison de ses deux livres intitulés La Jeune Millionnaire et les secrets parfois tristes de son succès (2014) et La Jeune Millionnaire en affaires (2015). Mme Gamache Latourelle s’y présentait comme une « pharmacienne, propriétaire de cinq pharmacies, partie avec “moins de 20 000 $” » et « devenue millionnaire avant ses 30 ans ». Elle dirigeait également une entreprise de « coaching d’affaires » et donnait des conférences.
En janvier 2018, Nathalie Petrowski, à ce moment chroniqueuse à La Presse, a dévoilé que Mme Gamache Latourelle « croula[it] sous les dettes » et avait « laissé des associés et des clients déçus et désenchantés par la “fausse représentation” dont ils s’estim[ai]ent victimes ». Par la suite, le dossier a été traité par plusieurs médias et chroniqueurs, dont Sophie Durocher, chroniqueuse au Journal de Montréal.
Dans le texte présent, Mme Durocher soutient que « quand une histoire est trop belle pour être vraie, c’est qu’elle est … trop belle pour être vraie » et se demande si autant de gens auraient « donné l’heure de la journée » à Mme Gamache Latourelle et « cru à son histoire » si elle avait été un « pichou » ou un homme. Elle termine sa chronique en dénonçant le fait qu’un événement nommé Glambition Québec soit réservé aux filles : « Pourquoi ne pas avoir présenté aux gars et aux filles des modèles d’entrepreneurs, hommes et femmes, qui ont travaillé fort pour en arriver où ils sont? Autrement dit, pourquoi on n’aurait pas envoyé le message clair que, homme ou femme, la clé de la réussite, c’est l’effort? »
Analyse
Grief 1 : entretien d’un préjugé
Principes déontologiques applicables
Discrimination : « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. » (article 19 (1) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Journalisme d’opinion : « Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. » (article 10.2 (1) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la chroniqueuse a contrevenu à l’article concernant la discrimination.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’entretien d’un préjugé, car il juge que la chroniqueuse n’a pas contrevenu à l’article 19 (1) du Guide.
Analyse
Mme Gamache Latourelle déplore que Sophie Durocher prétende qu’elle a réussi parce qu’elle était une femme et parce qu’elle était « cute ». Elle fait référence au titre « La millionnaire trop cute pour être vraie » et aux extraits suivants :
« Si la pharmacienne millionnaire avait eu l’air d’un pichou au lieu d’avoir l’air d’un pétard, pensez-vous que tant de gens auraient cru à son histoire? »
« Désolée de dire ça comme ça, mais si la pharmacienne millionnaire avait été un gars au lieu d’être une fille, personne ne lui aurait donné l’heure de la journée. »
Le Conseil ne constate pas de motif discriminatoire ni de termes qui tendent à entretenir les préjugés. Ainsi, le Conseil considère que la chroniqueuse n’a pas outrepassé les limites permises par la déontologie journalistique, car, en tant que chroniqueuse, Mme Durocher dispose d’une grande latitude pour exprimer son opinion.
Grief 2 : inexactitude
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide)
Journalisme d’opinion : « Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. » (article 10.2 (1) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la chroniqueuse a manqué à son devoir d’exactitude.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’inexactitude.
Analyse
La plaignante soutient qu’il était faux d’écrire « que l’histoire était trop belle pour être vraie », car elle « était vraie du début à la fin ». Elle vise la phrase suivante : « Quand une histoire est trop belle pour être vraie, c’est qu’elle est … trop belle pour être vraie. »
Le Conseil estime que la locution « trop beau pour être vrai », qui signifie qu’il « faut se méfier de ce qui nous apparaît trop beau », témoigne de l’opinion de la chroniqueuse, qui dispose d’une grande latitude pour l’exprimer.
Dans la décision D2016-10-047, le Conseil s’était également penché sur un grief d’inexactitude dans des propos de Luc Lavoie qui exprimait son opinion sur Martine Ouellet. Il affirmait : « Non, je l’aime pas beaucoup, parce qu’en plus, elle dit pas mal de conneries. » De façon similaire, dans le cas présent, le Conseil considère que les propos en cause relèvent du journalisme d’opinion, ce qui permet une grande latitude dans le choix du ton ou du style qu’il adopte.
De plus, le Conseil souligne que la plaignante n’apporte pas les preuves venant appuyer que « l’histoire était vraie du début à la fin ».
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte d’Éliane Gamache Latourelle contre la chroniqueuse Sophie Durocher et Le Journal de Montréal concernant les griefs d’entretien d’un préjugé et d’inexactitude.
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Ericka Alneus
Paul Chénard
Michel Loyer
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Simon Chabot
Martin Francoeur
Représentantes des entreprises de presse :
Marie-Andrée Prévost
Nicole Tardif