Plaignant
Fabrice Vil, chroniqueur au journal Le Devoir
Mis en cause
Lise Ravary, chroniqueuse
La station 98.5 FM
Résumé de la plainte
Fabrice Vil dépose une plainte le 24 avril 2018 devant le Conseil de presse du Québec contre Lise Ravary et la station de radio 98.5 FM concernant la chronique de la journaliste à l’émission « Le Québec maintenant » du 16 mars 2018. Le plaignant reproche de l’information inexacte, incomplète, du sensationnalisme ainsi qu’un refus de correction des erreurs.
CONTEXTE
Dans le cadre de sa chronique à l’émission « Le Québec maintenant », Lise Ravary commente la disparition d’Ariel Jeffrey Kouakou, un enfant noir de 10 ans dont on est alors sans nouvelles depuis 5 jours. La journaliste souligne l’élan de solidarité pour le retrouver, puis fait part de commentaires racistes publiés sur les réseaux sociaux à son endroit. Elle critique ensuite un passage de la chronique de Fabrice Vil publié le jour même dans le quotidien Le Devoir.
Analyse
Principe applicable au journalisme d’opinion
Journalisme d’opinion : « (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. » (article 10.2, Guide)
GRIEFS DU PLAIGNANT
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a), Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a manqué à son devoir d’exactitude en déclarant au sujet de la chronique de Fabrice Vil : « De dire que cet enfant-là, on ne met pas les ressources, les mêmes ressources pour le trouver, qu’on mettrait sur un… »
Décision
Le Conseil de presse retient le grief d’inexactitude, car il juge que la journaliste a contrevenu à l’article 9 alinéa a du Guide.
Analyse
Après lecture de la chronique de Fabrice Vil dans Le Devoir et écoute de la chronique de Lise Ravary à l’antenne du 98.5 FM, le Conseil constate que Mme Ravary fait dire à M. Vil ce qu’il n’a pas écrit, en déformant ses propos.
Le passage en question de la chronique de Fabrice Vil est le suivant : « En 2018, un enfant de 10 ans disparu qui se trouve à être noir ne peut pleinement bénéficier du soutien élémentaire que mérite un enfant de 10 ans disparu. Il doit subir les foudres d’internautes qui formulent à son égard des remarques racistes beaucoup trop violentes pour que je les reproduise ici. » Sur les ondes du 98.5 FM, Lise Ravary cite la première phrase de Fabrice Vil, et affirme que ce dernier, quand il parle de « soutien élémentaire », dénonce un manque de ressources pour retrouver l’enfant. Pourtant, observe le Conseil, la deuxième phrase de Fabrice Vil précise bien ce qu’entend le chroniqueur par « soutien élémentaire », à savoir celui de la population.
Ainsi, lorsque Mme Ravary reproche à M. Vil « de dire que cet enfant-là, on ne met pas les ressources, les mêmes ressources pour le trouver, qu’on mettrait sur un… », elle lui attribue une opinion qu’il n’a pas émise, commettant ainsi une inexactitude majeure qui altère la compréhension du sujet, affirme le Conseil.
Grief 2 : information incomplète
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e), Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a manqué à son devoir de complétude en omettant de présenter les éléments essentiels à la bonne compréhension du sujet.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief d’incomplétude, car il juge que la journaliste a contrevenu à l’article 9 alinéa e du Guide.
Analyse
Comme le Conseil l’a constaté lors de l’analyse du grief précédent, Lise Ravary a rapporté une information tronquée en citant partiellement un extrait de la chronique de Fabrice Vil. Même si elle pratique le journalisme d’opinion, la chroniqueuse est néanmoins tenue de présenter une information complète. En omettant une information essentielle, les auditeurs du 98.5 FM ne peuvent se faire une idée juste du contenu de la chronique du plaignant, considère le Conseil.
Grief 3 : sensationnalisme
Principe déontologique applicable
Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1, Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a déformé la réalité en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle du passage de la chronique de Fabrice Vil qu’elle cite sur les ondes du 98.5 FM.
Décision
Le Conseil de presse retient à la majorité (7/8 membres) le grief de sensationnalisme, car il juge que la journaliste a contrevenu à l’article 14.1 du Guide.
Analyse
Le Conseil constate que Lise Ravary interprète de manière abusive le propos de Fabrice Vil en faisant dire au chroniqueur ce qu’il n’a pas écrit. En déformant le sens de sa chronique, elle exagère la portée réelle de ce qu’avance M. Vil, faisant ainsi preuve de sensationnalisme.
Un membre exprime son désaccord, car il ne voit pas de sensationnalisme dans les propos de Lise Ravary.
Grief 4 : absence de correctif
Principe déontologique applicable
Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1, Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a corrigé avec diligence les propos de Lise Ravary.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief d’absence de correctif, car il juge que le média n’a pas corrigé avec diligence ses erreurs.
Analyse
Le Conseil constate que, malgré les demandes de correctif formulées par le plaignant, ni 98.5 FM ni Lise Ravary n’ont apporté de correction sur les ondes de la station de radio mise en cause.
Note
Dans une version antérieure, le Conseil avait écrit, à tort, regretter le manque de collaboration de la station 98.5 FM. Nous nous en excusons. Cogeco est membre du Conseil de presse et a collaboré au présent dossier par le processus de médiation. |
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Fabrice Vil contre Lise Ravary et la station 98.5 FM pour les griefs d’inexactitude, d’incomplétude, de sensationnalisme ainsi que d’absence de correctif et il blâme sévèrement les mis en cause. Le 98.5 FM a clairement refusé de corriger ses erreurs et a même endossé un article de Lise Ravary, publié deux jours plus tard dans Le Journal Montréal, dans lequel la chroniqueuse persiste et signe dans ses manquements au lieu de les corriger avec diligence.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Paul Chénard
Renée Lamontagne
Michel Loyer
Linda Taklit
Représentants des journalistes :
Noémi Mercier
Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
Marie-Andrée Prévost
Éric Trottier