Plaignant
Nicole Durand, chef du parti Équipe Nicole Durand
Mis en cause
Yvon Blondin, journaliste collaborateur
Michel Fortier, rédacteur en chef
Le mensuel Le Journal des citoyens
Résumé de la plainte
Nicole Durand dépose une plainte le 22 mai 2018 contre le rédacteur en chef Michel Fortier, le journaliste Yvon Blondin et Le Journal des citoyens concernant les articles « Les échos du conseil municipal de Prévost! – Séance ordinaire du conseil municipal de Prévost tenue le 12 mars 2018 » et « Les échos du conseil municipal de Prévost! – Séance ordinaire du conseil municipal de Prévost tenue le 9 avril 2018 », publiés les 15 mars 2018 et 9 avril 2018. La plainte vise également le texte « Vente d’immeuble par “assumation” : des risques mal connus » publié en deux parties les 15 mars 2018 et 9 avril 2018. La plaignante déplore un manque d’indépendance, un manque de distinction entre publicité et information ainsi que de l’information incomplète.
Analyse
Grief 1 : manque d’indépendance : influence des préoccupations politiques, idéologiques et commerciales
Principes déontologiques applicables
Indépendance et intégrité – « Les journalistes doivent éviter, autant dans leur vie professionnelle que personnelle, tout comportement, engagement, fonction ou tâche qui pourrait les détourner de leur devoir d’indépendance et d’intégrité. » (article 6 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Influence des préoccupations politiques, idéologiques et commerciales – « Les médias d’information ne laissent, en aucun cas, leurs intérêts commerciaux, politiques, idéologiques ou autres primer sur l’intérêt légitime du public à une information de qualité, ni ne restreignent l’indépendance professionnelle des journalistes. » (article 6.2 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le rédacteur en chef du Journal des citoyens a enfreint son devoir d’indépendance en siégeant à un comité mis sur pied par la municipalité.
Décision
Le Conseil de presse du Québec juge que le rédacteur en chef a enfreint les articles 6 et 6.2 du Guide et il retient le grief de manque d’indépendance.
Analyse
La plaignante déplore que le rédacteur en chef du mensuel Le Journal des citoyens siège au comité ad hoc sur l’accès à la rivière, dont les membres sont nommés par le conseil municipal de Prévost. Elle considère « inconvenable et inapproprié [pour M. Fortier] d’endosser des causes particulières; organismes, OSBL ou autres ».
Bien que le représentant des mis en cause affirme que M. Fortier siège au comité à titre personnel et que « son implication dans un tel comité au service de ses concitoyens mêmes ne le rend nullement complaisant face aux comportements et décisions des élus dans la municipalité de Prévost ou dans les autres municipalités », le Conseil observe que les lecteurs ne peuvent en avoir l’assurance. Dans la décision D2011-03-064, le Conseil a souligné qu’il « ne suffit évidemment pas qu’un journaliste se sente lui-même à l’abri d’une telle influence pour effacer les risques de dérive : d’abord parce que l’apparence de conflit d’intérêts, aux yeux du public, est en elle-même extrêmement dommageable, mais aussi parce qu’il existe une possibilité bien réelle que les journalistes n’aient pas eux-mêmes conscience de l’emprise qu’une telle situation peut avoir sur leur indépendance ». De la même façon, dans le cas présent, le Conseil fait valoir qu’un conflit d’intérêts peut très bien se manifester par une forme d’autocensure, laquelle est évidemment indétectable, sans pour autant que ses effets soient moins préjudiciables pour le droit du public à l’information.
Tout comme dans le dossier D2016-04-130, où le Conseil avait jugé que le directeur du journal avait manqué d’indépendance face aux autorités politiques locales en participant à de nombreuses instances de l’administration municipale, le Conseil juge que Michel Fortier s’est placé en situation de conflit d’intérêts en acceptant de siéger au comité ad hoc sur l’accès à la rivière, dont les membres sont nommés par le conseil municipal de Prévost.
Le Conseil a souligné à plusieurs reprises, notamment dans la décision D2011-03-064, que les journalistes doivent avoir un regard critique et s’assurer « de garder une saine distance à l’égard de tout organisme, groupe, parti politique ou gouvernement ». Dans le cas présent, cela signifie qu’il est incompatible pour M. Fortier de siéger à un comité dont son journal pourrait couvrir les activités, d’autant plus qu’en tant que rédacteur en chef, il prend les décisions de couverture éditoriale.
En résumé, le Conseil juge ici que le journaliste n’a pas maintenu une « saine distance » à l’égard du milieu politique et que la présente plainte est bien fondée.
Grief 2 : manque de distinction entre publicité et information
Principe déontologique applicable
Distinction claire entre publicité et information – « Les médias d’information établissent une distinction claire entre l’information journalistique et la publicité afin d’éviter toute confusion quant à la nature de l’information transmise au public. » (article 14.2 du Guide)
Le Conseil doit déterminer s’il y a confusion quant à la nature journalistique ou publicitaire des deux parties du texte intitulé : « Vente d’immeuble par “assumation” : des risques mal connus ».
Décision
Le Conseil juge à la majorité (7/8 membres) que les mis en cause ont enfreint le principe déontologique 14.2 et il retient le grief de manque de distinction entre publicité et information.
Analyse
La plaignante déplore que la nature publicitaire du texte sur le droit notarial signé par Paul Germain ne soit pas suffisamment identifiée.
Les décisions antérieures du Conseil, notamment D2014-12-061 et D2014-12-070, établissent qu’« un contenu publicitaire doit pouvoir, à première vue, être identifié comme tel. Le lecteur moyen doit être en mesure de faire cette constatation au premier coup d’oeil, sans que ne soit requise de sa part une recherche ou une action quelconque ». De la même façon, dans le cas présent, la majorité des membres juge qu’il y a risque de confusion pour le public étant donné qu’il n’y a pas de mention du caractère publicitaire de la part du média.
Le Conseil constate que la confusion est également entretenue dans le texte en tant que tel puisque l’auteur donne l’impression qu’il s’agit d’un article de type journalistique. Il écrit : « Vous trouverez dans cet article » et il conclut en indiquant : « Dans la prochaine chronique ».
Un membre est en désaccord, considérant pour sa part que le caractère publicitaire de ce texte ne fait aucun doute parce qu’il est accompagné d’une publicité présentant notamment les coordonnées du notaire.
Les membres majoritaires estiment que les coordonnées du notaire ne suffisent pas à établir au premier coup d’oeil que l’article en question représente du contenu publicitaire.
Grief 3 : information incomplète
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet par les lecteurs dans deux articles portant sur les séances du conseil municipal de Prévost.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information incomplète.
Analyse
Alors qu’elle déplore que les questions posées par les partisans du parti Équipe Nicole Durand lors des séances du conseil municipal de Prévost soient omises dans les comptes-rendus publiés dans le mensuel, la plaignante n’a pas pointé les interventions qui auraient dû être rapportées. Le Conseil ne peut donc pas évaluer si les articles présentaient de l’information incomplète.
Tout comme dans la décision D2017-03-033, le Conseil rejette le grief puisque la plaignante ne fait pas la démonstration de la faute alléguée.
Grief non traité : diffamation
« La plainte ne peut constituer une plainte de diffamation, viser le contenu d’une publicité ou exprimer une divergence d’opinions avec l’auteur d’une publication ou d’une décision. » (Règlement No 2, article 13.03)
La plaignante déplore de la diffamation, un grief que le Conseil ne traite pas, car la diffamation n’est pas considérée comme étant du ressort de la déontologie journalistique et relève plutôt de la sphère judiciaire.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Nicole Durand et blâme Michel Fortier et Le Journal des citoyens concernant un grief touchant le manque d’indépendance : l’influence des préoccupations politiques, idéologiques et commerciales et un grief de manque de distinction entre publicité et information. Cependant, le Conseil rejette le grief d’information incomplète visant des articles d’Yvon Blondin.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Paul Chénard
Renée Lamontagne
Michel Loyer
Linda Taklit
Représentantes des journalistes :
Lisa-Marie Gervais
Noémi Mercier
Représentants des entreprises de presse :
Marie-Andrée Prévost
Éric Trottier