Plaignant
Mathieu Chabot
Mis en cause
Yves Poirier, journaliste
« TVA Nouvelles »
Le site Internet www.tvanouvelles.ca
Le Groupe TVA
Résumé de la plainte
Mathieu Chabot dépose une plainte le 24 juillet 2018 contre le journaliste Yves Poirier, l’émission « TVA Nouvelles », le site Internet www.tvanouvelles.ca et TVA concernant le reportage « Des commerçants aux prises avec des itinérants vulgaires et agressifs », diffusé le 20 juillet 2018. Le plaignant déplore un manque d’équilibre, de l’information incomplète, de la discrimination et un manque d’équité.
CONTEXTE
Le reportage rapporte le mécontentement de commerçants de l’avenue Mont-Royal Est, à Montréal, envers un groupe d’itinérants originaires notamment du Nord-du-Québec. Selon les commerçants, le comportement de ces itinérants incommoderait leur clientèle.
Analyse
Grief 1 : manque d’équilibre
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence. » (article 9 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si le reportage présente une juste pondération du point de vue des parties en présence.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de manque d’équilibre.
Analyse
Bien que le plaignant aurait souhaité que le reportage présente le point de vue d’organismes travaillant auprès de la communauté inuite ou celui des policiers, le Conseil constate que le journaliste a respecté le principe d’équilibre en présentant la perspective des parties en présence dans son reportage, c’est-à-dire les commerçants mécontents et des itinérants du quartier.
Dans une décision antérieure (D2017-10-118), le Conseil avait jugé, tout comme dans le cas présent, que la liberté éditoriale accordée aux médias et aux journalistes leur permet de choisir l’angle de traitement de leur sujet. Ici, l’angle choisi par le journaliste est d’exposer les problèmes liés à l’itinérance auxquels sont confrontés certains commerçants du Plateau Mont-Royal. Dans le cadre de cet angle précis, le journaliste présente une juste pondération des points de vue.
Grief 2 : information incomplète
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information incomplète.
Analyse
Alors que le plaignant déplore que le reportage ne permette pas de « comprendre l’attitude des Inuits qui sont en état d’ébriété, voire qui utilisent l’alcool comme automédication vis-à-vis [de] leurs traumatismes et qui développent une dépendance », le Conseil juge que ces informations n’étaient pas essentielles à la compréhension du reportage puisqu’il ne s’agit pas de l’angle choisi par le journaliste.
Encore une fois, les décisions antérieures du Conseil, notamment la décision D2016-07-013, soulignent que la déontologie « n’impose pas aux journalistes de couvrir tous les angles d’une nouvelle, mais plutôt de s’assurer d’en présenter les éléments essentiels à la compréhension des faits par le lecteur ». Dans le cas présent, compte tenu de l’angle choisi par le journaliste, les informations souhaitées par le plaignant n’étaient pas essentielles à la compréhension du reportage. Le journaliste n’avait donc pas l’obligation déontologique d’en faire état.
Grief 3 : discrimination
Principe déontologique applicable
Discrimination : « (1) Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. » (article 19 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le reportage entretient des préjugés envers les Inuits, tel que l’allègue le plaignant.
Décision
Le Conseil rejette le grief de discrimination.
Analyse
Bien que le plaignant estime que « le reportage représente ces Inuits comme des parias et les stigmatise davantage », le journaliste ne mentionne à aucun moment l’origine ethnique des itinérants en question. Au contraire, le journaliste prend soin de parler d’un problème lié à certains, et non pas à tous les itinérants ou à une communauté ethnique. Dans ce cadre, le Conseil n’a constaté aucun terme entretenant des préjugés ou tendant à généraliser la situation décriée à l’ensemble d’un groupe qui pourrait faire l’objet de discrimination.
Grief non recevable : manque d’équité
« Une plainte doit viser un journaliste ou un média d’information et porter sur un manquement potentiel au Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec. Ce manquement doit être significatif et précis.
« Une plainte ne doit pas constituer simplement un commentaire ou une critique générale. » (Règlement No 2, articles 13.01 et 13.02)
À l’analyse de la plainte, le Conseil constate que le grief de manque d’équité est non recevable parce qu’il est imprécis. En effet, le plaignant ne pointe aucun passage du reportage qui témoignerait de ce qu’il allègue, soit que le reportage présente les commerçants comme des victimes alors que ce sont « les Inuits eux-mêmes qui historiquement font l’objet de plusieurs décennies de politiques coloniales/postcoloniales ». Or, devant un grief imprécis, le Conseil a déjà statué, notamment dans la décision D2017-01-007, qu’il ne pouvait traiter le grief en faisant valoir qu’« aucun manquement précis n’a[vait] été pointé par le plaignant ».
Note
Le Conseil a tenu compte des explications du journaliste dans son analyse des griefs et sa décision. Il déplore toutefois le refus de collaborer du Groupe TVA, qui n’est pas membre du Conseil de presse.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Mathieu Chabot contre le journaliste Yves Poirier, l’émission « TVA Nouvelles », le site Internet www.tvanouvelles.ca ainsi que le Groupe TVA concernant les griefs de manque d’équilibre, d’information incomplète et de discrimination. Le grief de manque d’équité a été jugé non recevable.
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Ericka Alneus
Renée Lamontagne
Michel Loyer
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Simon Chabot
Noémi Mercier
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Marie-Andrée Prévost