Plaignant
Ricardo Lamour
Mis en cause
Guy Fournier, chroniqueur
Le quotidien Journal de Montréal
Le site Internet journaldemontreal.com
Résumé de la plainte
NOTE : La décision de la commission d’appel se trouve à la suite de la décision de première instance. |
Ricardo Lamour dépose une plainte le 9 octobre 2018 contre le chroniqueur Guy Fournier, le quotidien Journal de Montréal et le site Internet journaldemontreal.com concernant la chronique intitulée « On a tiré sur SLĀV à l’aveugle », publiée le 10 juillet 2018. Le plaignant reproche des informations inexactes, du sensationnalisme, de la discrimination et une absence de correction des erreurs.
CONTEXTE
À la suite de l’annulation, par le Festival international de jazz de Montréal, de la pièce SLĀV mise en scène par Robert Lepage, le journaliste Guy Fournier publie une chronique dans laquelle il critique vertement ceux qui ont lancé et attisé la polémique autour de ce spectacle. Les protestataires jugeaient que la pièce, qui mettait en scène des chants d’esclaves afro-américains, représentait de l’appropriation culturelle de l’héritage noir par des blancs. Dans la présente chronique, Guy Fournier vise notamment l’artiste et militant Ricardo Lamour, le plaignant dans ce dossier, pour des propos que ce dernier a tenus en entrevue à Radio-Canada alors qu’il commentait l’annulation du spectacle.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : « (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. » (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEFS DU PLAIGNANT
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 du Guide)
1.1 L’ancêtre de Philippe Couillard
Le Conseil doit déterminer si Guy Fournier rapporte une information inexacte en écrivant au sujet du plaignant : « [Ricardo Lamour] a laissé entendre que si le premier ministre Philippe Couillard se montre aussi tiède à l’égard de la décennie 2015-2024 consacrée par les Nations unies aux personnes “afrodescendantes”, c’est qu’à l’époque, son ancêtre, Philippe [sic] Couillard, a eu un esclave à son service. »
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 a) du Guide.
Analyse
Dans sa plainte, Ricardo Lamour affirme que le chroniqueur du Journal de Montréal a « déformé » les propos qu’il a tenus à l’émission « 24/60 » de Radio-Canada. Il écrit au Conseil : « Jamais n’ai-je affirmé que M. Couillard se montrait tiède à l’égard de la décennie 2015-2024 consacrée par les Nations unies aux personnes afrodescendantes. Jamais, non plus, n’ai-je affirmé qu’une telle posture serait la conséquence du fait que Philippe Couillard a eu un esclave à son service. »
Contrairement à l’affirmation de Ricardo Lamour selon laquelle le journaliste a « décontextualisé [ses] propos et les a déformés », le Conseil juge que Guy Fournier n’a pas dénaturé les paroles du plaignant ni interprété leur sens. D’abord, l’adjectif « tiède » tel qu’employé par le mis en cause peut désigner une personne qui manque d’ardeur ou qui est indifférente, selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL). Deux sens qui sont appropriés pour qualifier une personne qui n’accorde pas de financement, observe le Conseil.
Ensuite, à l’écoute de l’entrevue accordée par M. Lamour à l’émission « 24/60 », le Conseil constate que celui-ci laisse effectivement entendre, comme l’affirme le chroniqueur, qu’il y a un lien entre le fait que l’ancêtre de M. Couillard ait eu un esclave et la position du premier ministre du Québec vis-à-vis de la décennie 2015-2024 consacrée aux personnes afrodescendantes. Il laisse entendre cela lorsqu’il affirme à l’animateur : « Pour ce qu’il s’agit des communautés afrodescendantes vivant sur le territoire québécois, comment se fait-il qu’alors que la Ville de Montréal fait une motion le 19 février pour reconnaître la décennie internationale des personnes afrodescendantes comme étant 2015-2024, la résolution 68237 de l’ONU, Monsieur Trudeau, au fédéral, fait la même chose le 30 janvier 2018, mais qu’au niveau provincial Philippe Couillard, dont l’ancêtre Guillaume Couillard possédait lui-même un esclave du nom d’Olivier Lejeune, comment se fait-il qu’il tarde à faire en sorte qu’il y ait des soutiens, du soutien au niveau du financement qui puisse percoler notamment au Conseil des Arts et Lettres du Québec et au niveau de nos autres sociétés d’État, comme Télé-Québec et etc. »
1.2 Liberté d’oppression
Le Conseil doit déterminer si Guy Fournier rapporte une information inexacte en écrivant que Ricardo Lamour « explique sans broncher que la liberté d’expression que revendiquent les auteurs du spectacle SLĀV n’est que la “liberté d’oppression” ».
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 a) du Guide.
Analyse
Le Conseil estime que les propos de Ricardo Lamour n’ont pas été déformés. M. Lamour prononce les deux phrases suivantes lors de son entrevue à « 24/60 » : « Je pense que des fois on utilise le terme liberté d’expression pour un peu dire, de manière camouflée, liberté d’oppression. Donc, je pense qu’on ne peut pas dire ce qu’on veut sur les communautés autochtones. » En utilisant la conjonction « donc », le plaignant fait un lien entre la « liberté d’oppression » et les créateurs du spectacle SLĀV, considère le Conseil.
De la même façon, dans le dossier D2012-01-042, le Conseil avait rejeté un grief d’information inexacte, car il a jugé que le chroniqueur en cause n’avait pas déformé la pensée du plaignant. Après écoute des entrevues accordées par ce dernier, le Conseil avait estimé que sa pensée était « imprécise » et que le journaliste n’avait « pas commis de faute déontologique en la résumant comme il l’a fait ».
Étant donné que M. Lamour était invité à « 24/60 » pour se prononcer au sujet de la polémique autour de SLĀV, on peut supposer que son propos sur la liberté d’oppression s’appliquait aussi aux auteurs du spectacle. Le Conseil considère donc que le chroniqueur n’a pas commis de faute déontologique en écrivant que Ricardo Lamour « explique sans broncher que la liberté d’expression que revendiquent les auteurs du spectacle SLĀV n’est que la “liberté d’oppression” ».
Grief 2 : sensationnalisme
Principe déontologique applicable
Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide)
2.1 Militant extrémiste
Le Conseil doit déterminer si le passage suivant de la chronique en cause interprète abusivement la portée réelle des faits et des événements rapportés : « Les militants extrémistes tirent sur tout ce qui bouge si c’est blanc. »
Décision
Le Conseil rejette le grief de sensationnalisme sur ce point, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 14.1 du Guide.
Analyse
Bien que Ricardo Lamour estime que le passage en cause l’associe à « un mouvement de haine raciale et à l’extrémisme frisant le terrorisme », Guy Fournier y exprime un point de vue général sans viser le plaignant ni faire un quelconque lien avec lui, constate le Conseil. Le journaliste ne déforme donc pas la réalité pas plus qu’il n’interprète abusivement la portée réelle des faits au sujet du plaignant.
Guy Fournier a certes choisi le champ sémantique de la guerre pour parler d’une question explosive, mais le Conseil estime qu’en tant que journaliste d’opinion, il bénéficie d’une grande latitude dans le ton et le style.
2.2 Fausse image
Le Conseil doit déterminer si le passage et les termes suivants interprètent abusivement la portée réelle des faits et des événements rapportés : « Espérons seulement que ce triste épisode de fascisme ne découragera ni Betty Bonifassi ni Robert Lepage (…) », « snipers de l’appropriation culturelle », « véritable assassinat politique », « chacun a tiré à l’aveugle », « la meute des réseaux sociaux ».
Décision
Le Conseil rejette le grief de sensationnalisme sur ce point, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 14.1 du Guide.
Analyse
Ricardo Lamour affirme que l’article en cause contient des « métaphores qui [l]’associent au fascisme, à l’extrémisme et au terrorisme (…) Toutes ces expressions dépeignent ainsi une image fausse [et] déformant carrément la réalité » à son sujet. Le Conseil note toutefois que ces métaphores ne le visent pas personnellement.
Le Conseil convient que Guy Fournier emploie un langage guerrier pour donner son avis tranché sur un sujet brûlant, mais il estime que la phrase « les militants extrémistes tirent sur tout ce qui bouge si c’est blanc » ne correspond pas à du sensationnalisme. Il s’agit plutôt d’une figure de style que le chroniqueur utilise pour illustrer son opinion.
Grief 3 : discrimination
Principe déontologique applicable
Discrimination : « (1) Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. » (article 19 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si Guy Fournier emploie à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser le mépris ou à entretenir les préjugés dans l’extrait suivant : « Les militants extrémistes tirent sur tout ce qui bouge si c’est blanc. »
Décision
Le Conseil rejette le grief de discrimination, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 19 (1) du Guide.
Analyse
Ricardo Lamour reproche à Guy Fournier d’avoir « utilisé à [son] endroit, du fait qu[‘il soit] Noir, des termes qui tendent à susciter le mépris à [son] endroit et à entretenir les préjugés ». Le Conseil constate cependant que le chroniqueur ne vise pas le plaignant pas plus qu’il ne cible les Noirs.
Les propos du journaliste sont certes cinglants envers ceux qui protestaient contre la pièce de théâtre, mais le Conseil estime qu’ils ne sont pas discriminatoires et qu’ils ne suscitent pas le mépris ni n’entretiennent les préjugés à l’endroit du plaignant ou des Noirs.
Grief 4 : corrections des erreurs
Principe déontologique applicable
Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont manqué à leur devoir de corriger avec diligence leurs manquements et erreurs.
Décision
Le Conseil rejette le grief de correction des erreurs, car il juge que le journaliste et le média n’ont pas contrevenu à l’article 27.1 du Guide.
Analyse
Dans la décision D2016-05-145, le Conseil rappelle que « pour qu’un grief d’absence de rétractation soit retenu, le média doit au préalable avoir été averti d’une erreur, et celle-ci doit être fondée ». Dans le cas présent, Ricardo Lamour a signifié au Journal de Montréal les erreurs qu’il allègue dans sa plainte, mais considérant que le Conseil a jugé que les mis en cause n’ont commis aucune faute déontologique, il affirme que ceux-ci ne peuvent être tenus de les corriger.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Ricardo Lamour contre le journaliste Guy Fournier, le quotidien Journal de Montréal et le site Internet journaldemontreal.com concernant les griefs d’informations inexactes, de sensationnalisme, de discrimination et d’absence de correction des erreurs.
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne
Michel Loyer
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Simon Chabot
Noémi Mercier
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Marie-Andrée Prévost
Date de l’appel
29 September 2020
Appelant
Ricardo Lamour
Décision en appel
RÔLE DE LA COMMISSION D’APPEL
Lors de la révision d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
CONTEXTE
À la suite de l’annulation, par le Festival international de jazz de Montréal, de la pièce SLĀV mise en scène par Robert Lepage, le journaliste Guy Fournier publie une chronique dans laquelle il critique ceux qui ont lancé et attisé la polémique autour de ce spectacle. Les protestataires jugeaient que la pièce, qui mettait en scène des chants d’esclaves afro-américains, représentait de l’appropriation culturelle de l’héritage noir par des blancs. Dans la présente chronique, Guy Fournier vise notamment l’artiste et militant Ricardo Lamour, le plaignant dans ce dossier, pour des propos que ce dernier a tenus en entrevue à Radio-Canada alors qu’il commentait l’annulation du spectacle. M. Lamour porte la décision du comité des plaintes en appel.
MOTIF DE L’APPELANT
L’appelant conteste la décision de première instance relativement aux griefs d’informations inexactes, de sensationnalisme et de discrimination.
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide)
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelant apporte des éléments qui démontrent que la première instance, qui a rejeté le grief d’informations inexactes du plaignant, a mal appliqué le principe déontologique qui s’y rattache.
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 9 a) du Guide a été appliqué correctement en première instance.
La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.
Analyse
L’appelant avance que, pour la première inexactitude alléguée, le comité des plaintes a commis une erreur en concluant qu’il a laissé entendre qu’il y avait quelque lien entre le fait que l’ancêtre de M. Couillard ait eu un esclave et la position du premier ministre du Québec. « Les propos que j’ai tenus à cet égard présentent le fait que Guillaume Couillard possédait un esclave de façon juxtaposée et indépendante à l’inaction de Philippe Couillard face à la décennie 2015-2024 consacrée aux personnes afrodescendantes. »
Il allègue aussi que l’analyse du comité des plaintes est inexacte dans l’analyse de la deuxième inexactitude avancée et mène à une décontextualisation du sens de ses propos dans le cadre de l’entrevue accordée à « 24/60 » lorsque le Conseil écrit que « M. Lamour prononce les deux phrases suivantes lors de son entrevue : “Je pense que des fois on utilise le terme liberté d’expression pour un peu dire, de manière camouflée, liberté d’oppression. Donc, je pense qu’on ne peut pas dire ce qu’on veut sur les communautés autochtones”. »
Le comité des plaintes a estimé qu’en utilisant la conjonction « donc » lors de son entrevue à l’émission « 24/60 », M. Lamour « fait un lien entre la “liberté d’oppression” et les créateurs du spectacle SLĀV. » L’appelant affirme que le chroniqueur qui critiquait les propos de M. Lamour à l’émission « 24/60 » a fait fi des soins qu’il a pris lors de cette entrevue pour déclarer, sans parler des auteurs du spectacle SLAV, que « des fois on utilise le terme liberté d’expression pour un peu dire, de manière camouflée, liberté d’oppression. »
Concernant la première inexactitude alléguée, celle visant le lien entre le fait que l’ancêtre de Philippe Couillard aurait eu un esclave et la position du premier ministre de l’époque vis-à-vis de la décennie 2015-2024 consacrée aux personnes afrodescendantes, la commission juge que l’appelant n’apporte pas d’élément démontrant que le principe d’exactitude a mal été appliqué. L’argument de M. Lamour ne vient pas contredire le rejet de la première inexactitude. Le chroniqueur a d’ailleurs écrit que Ricardo Lamour « laisse entendre que » si le premier ministre Philippe Couillard se montre aussi tiède à l’égard de la décennie 2015-2024 consacrée par les Nations unies aux personnes « afrodescendantes », c’est qu’à l’époque, son ancêtre, Philippe Couillard, a eu un esclave à son service.
Concernant la deuxième inexactitude alléguée, celle qui concerne l’expression « liberté d’oppression », la commission constate que Ricardo Lamour répondait à la question de Sébastien Bovet à l’émission « 24/60 » : « Et qu’est-ce que vous faites, M. Lamour, d’un principe qui est soulevé par certaines personnes, de la liberté d’expression? Est-ce qu’on n’est pas en train de mettre un frein à la liberté d’expression en annulant une pièce comme SLĀV? » La Commission conclut que, même si M. Lamour n’a pas spécifiquement parlé des auteurs du spectacle dans sa réponse, la question à laquelle il répondait visait spécifiquement la pièce SLĀV. La première instance n’a donc pas erré dans sa décision.
Grief 2 : sensationnalisme
Principe déontologique applicable
Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide)
Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelant apporte des éléments qui démontrent que la première instance, qui a rejeté le grief de sensationnalisme du plaignant, a mal appliqué le principe déontologique qui s’y rattache.
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 14.1 du Guide a été appliqué correctement en première instance.
La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.
Analyse
L’appelant estime que « le comité des plaintes a erré en jugeant que les métaphores ne me visent pas personnellement. » Il avance que, « d’une part, je suis dans cette même chronique identifié comme l’un des meneurs des activistes impliqués, et d’autre part, la chronique est largement dédiée à critiquer des propos que j’ai tenus. »
La commission juge que la première instance a bien appliqué le principe déontologique lié au sensationnalisme, car le chroniqueur dénonce la controverse dans son ensemble et ne vise pas spécifiquement M. Lamour, pas plus qu’il n’établit de lien direct entre ce dernier et les passages de la chronique en question.
Même si l’appelant s’est senti visé, il n’y a pas eu d’exagération dans les propos du chroniqueur, qui a employé des termes forts, virulents, pour décrire non un événement, mais une émotion, dans le cadre d’un sujet qui faisait controverse. Le chroniqueur y présente sa vision des choses, tout en restant dans les limites permises par la liberté d’expression.
Grief 3 : discrimination
Principe déontologique applicable
Discrimination : « (1) Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. (article 19 (1) du Guide)
Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelant apporte des éléments qui démontrent que la première instance qui a rejetté le grief de discrimination du plaignant, a mal appliqué le principe déontologique qui s’y rattache.
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 19 (1) du Guide a été appliqué correctement en première instance.
La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.
Analyse
L’appelant prétend qu’« en estimant que le chroniqueur ne vise pas le plaignant pas plus qu’il ne vise les Noirs, le comité des plaintes participe au discours du colour blindness ». Il concède que la phrase « Les militants extrémistes tirent sur tout ce qui bouge si c’est blanc » contient une figure de style, mais « n’empêche qu’elle emprunte au langage de la violence armée pour suggérer que des gens comme M. Lamour ou les personnes noires ayant milité à l’encontre de la pièce SLAV attaquent toute personne blanche. »
La commission juge que la première instance a bien expliqué que la phrase en question ne cible ni M. Lamour ni les Noirs, mais bien les militants extrémistes, quels qu’ils soient, ce qui inclut les Blancs. Bien que l’appelant se soit senti visé, la commission ne voit ni motif discriminatoire ni préjugé entretenu. L’appelant interprète les propos du chroniqueur, extrapole la portée des mots et leur donne un sens, une intention cachée.
Le chroniqueur s’attaque aux opinions d’un groupe de personnes, des militants, avec qui il n’est pas d’accord, mais il ne s’en prend pas à un groupe discriminé, à des personnes aux caractéristiques personnelles particulières.
CONCLUSION
Après examen, les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier est clos.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales.
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentant du public :
Jacques Gauthier, président de la commission d’appel
Représentant des journalistes :
Vincent Larouche
Représentant des entreprises de presse :
Gilber Paquette