Plaignant
Jerome Tapp
Mis en cause
Isabelle Grignon-Francke, journaliste
Le site Internet lapresse.ca
Résumé de la plainte
Jerome Tapp dépose une plainte le 25 octobre 2018 contre la journaliste Isabelle Grignon-Francke et le site Internet lapresse.ca concernant l’article intitulé « Trudeau interdira-t-il les armes d’assaut et de poing? » publié le même jour. Le plaignant déplore des inexactitudes.
CONTEXTE
L’article en question rapporte les réactions de porte-parole d’associations de victimes de tueries à la suite de leur rencontre avec des représentants du ministère de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé au sujet de l’éventuelle interdiction des armes de poing et d’assaut au Canada.
Analyse
GRIEF DU PLAIGNANT
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9, Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
1.1 Inaction des gouvernements depuis Polytechnique
Le Conseil doit déterminer si la journaliste rapporte une information inexacte dans le passage suivant : « Il s’est également indigné de la répétition des tueries et de “l’inaction des gouvernements” depuis la tuerie de Polytechnique en 1989. »
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que la journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 alinéa a du Guide.
Analyse
Bien que le plaignant estime que le passage en cause est erroné, car il considère que « le gouvernement canadien a complètement réécrit les lois sur les armes à feu » après la tuerie de Polytechnique, le Conseil constate que la journaliste y rapporte les propos du cofondateur de la mosquée de Québec, Boufeldja Benabdallah, en les encadrant par des guillemets et en les paraphrasant. L’affirmation en cause relève de l’interprétation de M. Benabdallah et non de celle de la journaliste.
Dans ses décisions antérieures, notamment D2018-09-090, le Conseil de presse a jugé qu’un journaliste qui rapporte des propos n’est pas responsable de l’opinion émise par la personne. De la même manière, dans le cas présent, le Conseil estime que la journaliste ne saurait être tenue responsable de l’opinion de M Benabdallah. Lorsqu’un journaliste recueille des réactions à un événement, son devoir d’exactitude lorsqu’il rapporte les propos d’une personne est de rapporter fidèlement les paroles de cette dernière et non pas de s’assurer que les propos exprimés sont rigoureusement exacts dans les faits.
1.2 Armes sur les campus
Le Conseil doit déterminer si la journaliste rapporte une information inexacte en mentionnant « les armes sur les campus ».
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que la journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 alinéa a du Guide.
Analyse
Le plaignant avance que « les armes à feu sont déjà interdites sur tout lieu d’enseignement scolaire » au Québec. Le Conseil constate qu’il n’est pas écrit autre chose dans l’article en cause. L’emploi du verbe « maintenir » dans le passage en question : « Des associations étudiantes étaient également sur place pour souligner leur désir de maintenir les campus sans armes » – va dans le sens de l’argument du plaignant. Le Conseil estime que cette information est rigoureusement exacte.
1.3 Enregistrement des armes
Le Conseil doit déterminer si la journaliste rapporte une information inexacte dans le passage suivant : « Depuis le démantèlement du régime des armes à feu, en 2012 par le gouvernement Harper, les armes d’assaut et de poing ne sont pas enregistrées dans aucune des provinces canadiennes. »
Décision
Le Conseil de presse retient le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que la journaliste a contrevenu à l’article 9 alinéa a du Guide.
Analyse
Le Conseil juge, comme l’avance le plaignant et comme l’ont reconnu les mis en cause, que la phrase en question était erronée. Les armes de poing et celles dites d’assaut, qui sont des armes à feu à autorisation restreinte ou prohibées, doivent effectivement être enregistrées au Canada, conformément à la Loi sur les armes à feu. Quant au « régime des armes à feu » mentionné, il s’agit du registre des armes à feu sans restriction aboli en 2012 par le gouvernement de Stephen Harper, registre qui visait les fusils de chasse et les carabines de tir sportif. Il était donc inexact d’écrire que depuis 2012 « les armes d’assaut et de poing ne sont pas enregistrées dans aucune des provinces canadiennes ».
Dans ses explications au Conseil, le représentant de La Presse écrit « la version initiale du texte, qui a été en ligne pendant un peu plus de trois heures, contenait effectivement une inexactitude mineure dans le résumé de la législation existante concernant l’enregistrement des armes de poing. Cette erreur a été corrigée dès qu’elle a été portée à l’attention de La Presse ».
Le passage en cause a été reformulé ainsi : « Depuis le démantèlement du régime des armes à feu, en 2012 par le gouvernement Harper, les armes sans restriction ne sont enregistrées dans aucune des provinces canadiennes, sauf le Québec. »
Bien que les mis en cause considèrent que cette inexactitude était mineure, le Conseil estime au contraire que l’erreur était importante en plus de porter sur un débat public aussi sensible que les armes à feu. La phrase initiale donnait la fausse impression que des armes aussi réglementées au pays que les armes de poing et les armes dites d’assaut, comme les fusils semi-automatiques utilisés dans des tueries de masse, ne doivent pas être enregistrées auprès des autorités.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Jerome Tapp contre la journaliste Isabelle Grignon-Francke et le site Internet lapresse.ca pour un grief d’inexactitude. Cependant, étant donné la rapidité du média à effectuer la correction, le Conseil ne blâme pas La Presse. Un « manquement mineur » lui est toutefois imposé, plutôt que l’absolution, en raison de l’importance de la faute initiale. Le Conseil rejette les deux autres griefs d’inexactitude.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
COMMENTAIRE ÉTHIQUE
Le Conseil tient à souligner que lorsqu’un média apporte des corrections à un article, la bonne pratique veut qu’il fasse preuve de transparence et qu’il indique clairement au public les corrections et les mises à jour significatives apportées aux textes en ligne.
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Luc Grenier
- Renée Lamontagne
- Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
- Maxime Bertrand
- Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
- Pierre Champoux
- Nicole Tardif