Plaignant
Maxime Deck
Stéphane Boucher
Jean-Michel Duchesne-Tanguay
Mis en cause
Agence QMI
Le site Internet www.journaldemontreal.com
Résumé de la plainte
Maxime Deck, Stéphane Boucher et Jean-Michel Duchesne-Tanguay déposent des plaintes les 7 et 8 décembre 2018 contre l’Agence QMI et le site Internet www.journaldemontreal.com concernant l’article « Les propriétaires d’armes à feu ne se bousculent pas pour enregistrer leurs armes », publié le 7 décembre 2018. Les plaignants déplorent de l’information inexacte, une photo inadéquate et du sensationnalisme.
CONTEXTE
L’article visé par la plainte rapporte que moins d’un propriétaire sur cinq a enregistré ses armes d’épaule depuis l’entrée en vigueur, le 29 janvier 2018, de la Loi sur l’immatriculation des armes à feu. La loi accordait un délai d’un an aux Québécois propriétaires d’armes à feu sans restriction pour faire immatriculer leurs fusils et carabines de chasse ou de tir sportif. Au moment de la publication de l’article, il leur restait moins de deux mois pour se conformer à la nouvelle loi.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause rapportent une information inexacte en employant dans l’article les termes « registre » et « enregistrer ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec juge que l’information est fidèle à la réalité et rejette le grief d’information inexacte.
Analyse
Maxime Deck estime que l’emploi des termes « registre » et « enregistrer » peut créer de la confusion avec l’ancien registre fédéral des armes d’épaule. Il observe également que le ministère de la Sécurité publique n’utilise pas ces termes et emploie plutôt les termes « immatriculation » et « immatriculer ».
Le Conseil constate cependant que les mots « registre » et « enregistrer » sont synonymes des termes « immatriculation » et « immatriculer » choisis par le législateur.
Le dictionnaire Larousse définit un registre comme étant un « livre où l’on inscrit les faits, les choses dont on veut garder le souvenir ». Le verbe enregistrer signifie « consigner une information par écrit en vue de la conserver; la mentionner en parlant d’un texte, d’un registre, etc. » Ces termes sont des synonymes de ceux employés dans la loi puisque l’immatriculation est l’« action d’inscrire sur un registre public le nom d’une personne, d’un animal ou d’une chose, ainsi que le numéro qui lui est attribué, en vue de faciliter son identification; résultat de cette action » immatriculer signifie « inscrire sur un registre public ». Bien que le plaignant considère que les mots « registre » et « enregistrement » sont des termes « juridiques très importants », le Conseil constate que même les définitions présentées dans le dictionnaire du Centre d’accès à l’information juridique sont similaires à celles d’un dictionnaire généraliste comme le Larousse.
Dans ses décisions antérieures, le Conseil a statué à plusieurs reprises qu’il n’a pas à établir de lexique des termes que les médias ou les professionnels de l’information doivent employer ou éviter, les décisions à cet égard relevant de leur discrétion rédactionnelle. Dans la décision D2018-05-065, par exemple, le Conseil devait déterminer s’il était inexact d’employer l’expression « volte-face » pour qualifier les changements de sexe de la plaignante. Il a estimé que « l’inexactitude alléguée par [la plaignante] relevait de la marge d’interprétation de la journaliste, qui pouvait utiliser le terme “volte-face” pour illustrer le parcours de la plaignante, qui a changé de sexe à plusieurs reprises ».
Dans le cas présent, même si les termes employés dans l’article ne se retrouvent pas dans la loi, le Conseil juge qu’ils ne sont pas inexacts puisqu’ils sont synonymes. Ils ne changent donc pas le sens de la nouvelle transmise, ne portent pas à confusion et ne nuisent pas à la compréhension du sujet.
Grief 2 : photo inadéquate
Principe déontologique applicable
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la photo associée à l’article en cause reflète l’information à laquelle elle se rattache.
Décision
Le Conseil retient le grief de photo inadéquate.
Analyse
La photo associée à l’article dans les manchettes du site Internet du Journal de Montréal montre une arme de poing. Les armes de poing, comme les revolvers ou les pistolets, sont des armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte. Elles doivent à ce titre être enregistrées auprès du Programme canadien des armes à feu de la Gendarmerie royale du Canada. Or, l’article du Journal de Montréal porte sur l’entrée en vigueur de la loi québécoise imposant l’immatriculation des armes d’épaule, comme les fusils de chasse ou les carabines de tir sportif qui sont des armes à feu sans restriction.
La photo ne reflétant pas l’information à laquelle elle se rattache induit le public en erreur quant aux types d’armes qui doivent être immatriculées au nouveau registre québécois. Par conséquent, le Conseil juge que le média a commis une faute déontologique en associant cette photo à l’article.
Par ailleurs, le média doit s’assurer que les photos illustrant un article respectent le Guide, peu importe la plateforme ou le type d’écran sur lequel l’article est consulté. La photo inadéquate apparaît également lorsque l’article est partagé sur Facebook ou lorsqu’on effectue une recherche Google avec le titre de l’article.
Grief 3 : sensationnalisme
Principe déontologique applicable
Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la photo associée à l’article en cause déforme la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements rapportés dans l’article.
Décision
Le Conseil ne constate aucun manquement et rejette le grief de sensationnalisme.
Analyse
L’un des plaignants considère que le choix de la photo montrant une arme de poing alors que la nouvelle loi porte sur l’immatriculation des armes d’épaule crée « du sensationnalisme et de l’émoi dans la population qui ignore la différence et les enjeux ».
Le Conseil estime ici que le plaignant interprète la raison pour laquelle une mauvaise photo a été publiée. Or, il est possible qu’il s’agisse uniquement d’une erreur de fait de la part du média. Bien que le média ait commis un manquement dans le choix de la photo, le Conseil ne constate pas d’exagération ou de déformation de la réalité, ni d’interprétation abusive de sa part. Contrairement à la décision antérieure D2014-03-101, où le Conseil a jugé que « la publication d’une photographie d’un manifestant lançant une pierre déforme la réalité (…) en associant injustement l’Association pour une solidarité étudiante (ASSÉ) et ses membres à des actes de vandalisme et de grabuge », dans le cas présent le Conseil ne voit pas de sensationnalisme dans la confusion des armes à feu.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer de l’Agence QMI et du site Internet journaldemontreal.com, qui ne sont pas membres du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient les plaintes de Maxime Deck, Stéphane Boucher et Jean-Michel Duchesne-Tanguay et blâme l’Agence QMI et le site Internet journaldemontreal.com concernant le grief de photo inadéquate. Cependant, il rejette les griefs d’information inexacte et de sensationnalisme.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que « lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Paul Chénard
Renée Lamontagne
Michel Loyer
Linda Taklit
Représentants des journalistes :
Simon Chabot
Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Jed Kahane