Plaignant
Luc Boissonneault
Mis en cause
Francine Pelletier, chroniqueuse
Le Devoir
Résumé de la plainte
Luc Boissonneault dépose une plainte le 30 janvier 2019 contre Francine Pelletier et Le Devoir concernant la chronique « En beau fusil », publiée le 30 janvier 2019. Le plaignant dénonce des informations inexactes et de la partialité.
CONTEXTE
Dans sa chronique du 30 janvier 2019 publiée dans Le Devoir, Francine Pelletier déplore le faible pourcentage de propriétaires d’armes à feu qui ont enregistré leurs armes depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immatriculation des armes à feu. Elle indique avoir reçu un courriel d’un homme qui s’est insurgé contre des propos qu’elle a tenus à RDI le 27 janvier 2019, où elle a qualifié le « combat » contre le registre des armes à feu de « macho ».
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEFS DU PLAIGNANT
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide)
1.1 Permis de possession d’armes
Le Conseil doit déterminer si la chroniqueuse a manqué à son devoir d’exactitude en écrivant que le « PPA » est un « permis de port d’armes ».
Décision
Le Conseil de presse retient le grief d’information inexacte, car il juge que la chroniqueuse a contrevenu à l’article 9 a) du Guide. Cependant, il absout les mis en cause, étant donné qu’ils ont corrigé leur erreur le jour même.
Analyse
Comme le souligne le plaignant, le PPA est un permis de possession et d’acquisition d’armes à feu, tel que mentionné sur le site Internet de la Gendarmerie royale du Canada, et non un permis de port d’armes. Le PPA autorise son détenteur à posséder et à enregistrer une arme à feu et à obtenir des munitions.
À la lumière de ces informations, le Conseil constate que l’information concernant le PPA était inexacte. Il note cependant que le média a corrigé son erreur le jour même et en a fait mention au bas de l’article.
1.2 « Angry white male » et « macho »
Le Conseil doit déterminer si la chroniqueuse a manqué à son devoir d’exactitude en qualifiant le combat des opposants au registre des armes à feu de « macho » et de « angry white male » dans les passages suivants :
- « C’est la première fois qu’on voit au Québec un phénomène comparable aux “angry white males” révélé aux États-Unis avec l’arrivée de Donald Trump. Ces hommes (en majorité, du moins) se considèrent comme les victimes d’un système obtus et mal avisé, indifférent au “vrai monde” et dirigé par des valeurs de moumounes »;
- « Je vous cite les propos d’un chasseur qui s’insurge contre l’obligation d’inscrire son arme, et contre moi depuis que j’ai qualifié ce combat de “macho” sur les ondes de RDI dimanche dernier […] »;
- « L’entêtement des insurgés à mettre leurs petits griefs devant ces responsabilités collectives, ce “vivre-ensemble” pour reprendre l’expression à la mode, laisse pantois. C’est un repli sur soi qui n’augure rien de bon — et, oui, qui suinte le machisme. »
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Analyse
Bien que le plaignant déplore que Francine Pelletier « qualifie un groupe de macho ou angry white male quand plus de 25 % […] de ses membres sont des femmes », le Conseil estime que la chroniqueuse avait toute la latitude d’employer le terme « macho » pour qualifier une attitude, même si le groupe dont elle parle est aussi composé de femmes. Le Conseil considère également qu’elle pouvait faire référence au « angry white male » pour faire un parallèle avec un phénomène qu’elle juge comparable au Québec.
Le Conseil a statué à plusieurs reprises qu’il n’avait pas à établir de lexique des termes que les médias ou les professionnels de l’information doivent employer ou éviter. Dans le dossier D2016-12-072, le plaignant estimait que l’expression « un climat de guerre civile » dans la chronique était inexacte puisqu’il n’y avait pas d’attaques « envers des personnes physiques ». Le Conseil a jugé que l’utilisation qu’avait faite le chroniqueur des termes « guerre civile » n’était pas inexacte et a ajouté que « le rôle du journaliste d’opinion est d’exprimer son point de vue et de prendre position, ce que fait le chroniqueur dans les limites que lui impose la déontologie journalistique ».
De la même façon dans l’article mis en cause, la chroniqueuse a partagé son opinion concernant le débat entourant les armes à feu. Son choix des mots « macho » et « angry white male » lui revenait et le Conseil n’y voit pas d’information inexacte.
Grief non traité : partialité
Le plaignant considère que le chroniqueur fait preuve de partialité dans son traitement de l’information. Le Conseil ne traite pas ce grief puisque les journalistes d’opinion sont exemptés de cette obligation déontologique, comme stipulé à l’article 10.2 (3) du Guide.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Luc Boissonneault contre Francine Pelletier et Le Devoir pour le sous-grief d’information inexacte concernant le PPA. Étant donné que l’erreur en question a été corrigée avec diligence, comme le recommande l’article 27.1 du Guide, le Conseil absout les mis en cause. Il rejette par ailleurs le sous-grief d’information inexacte lié à l’emploi des termes « angry white male » et « macho ».
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Michel Loyer
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Simon Chabot
Martin Francoeur
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Pierre-Paul Noreau