Plaignant
Philippe de Grosbois
Mis en cause
Le quotidien Le Devoir
Résumé de la plainte
Philippe de Grosbois dépose une plainte le 1er février 2019 contre le quotidien Le Devoir concernant l’article « Laïcité : des professeurs se posent en censeurs », publié le 25 janvier 2019. Le plaignant déplore de la partialité, un manque d’équilibre et de l’information incomplète.
CONTEXTE
L’article rapporte que l’Alliance des professeurs de Montréal a annulé la participation de la professeure Nadia El-Mabrouk à un colloque organisé par le syndicat. Lors de cet événement, Mme El-Mabrouk, qui s’oppose au port de signes religieux, devait donner une conférence sur la laïcité et participer à une table ronde sur le féminisme. La décision du syndicat a été prise à la suite d’un vote lors de l’assemblée des délégués. L’article fait état de la réaction de certains enseignants déplorant cette décision. À la fin de son article, le journaliste indique que ce sont les positions de Mme El-Mabrouk sur la question de l’identité de genre qui ont officiellement entraîné l’annulation de sa participation au colloque.
Le Conseil de presse du Québec considère qu’un journaliste ne peut être tenu responsable du titre d’un reportage puisque les titres et les sous-titres, tout comme les photographies, les graphiques, les légendes ou les citations en exergue, notamment, relèvent du média en général et peuvent avoir été ajoutés au texte ou modifiés par un chef de pupitre ou un rédacteur en chef, par exemple. C’est pourquoi le journaliste qui a rédigé l’article n’est pas visé par la présente plainte qui porte uniquement sur le titre.
Analyse
GRIEFS DU PLAIGNANT
Grief 1 : partialité
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier ». (article 9 c) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a fait preuve de partialité dans le titre « Laïcité : des professeurs se posent en censeurs ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette à la majorité (5/6 membres) le grief de partialité.
Analyse
Bien que le plaignant considère que le passage « des professeurs se posent en censeurs » témoigne d’un parti pris de la part du média, le Conseil juge qu’il s’agit plutôt d’une information factuelle reflétant, notamment, les réactions de certains enseignants qui qualifient de censure la décision des délégués syndicaux de retirer l’invitation faite à Nadia El-Mabrouk au colloque qu’ils organisaient. L’article rapporte également les propos de cette dernière qui affirme qu’il s’agit de censure à son égard. Le Conseil estime que l’utilisation du terme « censeur » est conforme à la définition qu’en donne le Larousse en ligne : « Personne chargée par une autorité de contrôler les productions artistiques (littérature, cinéma) avant d’en permettre la publication ou la représentation. »
Similairement, dans la décision antérieure D2016-11-050, le Conseil a également expliqué sa décision de rejeter un grief de partialité en faisant valoir que tous les éléments du titre « Un jeune de 18 ans accusé du meurtre d’un pédophile à Québec » correspondaient aux faits. Ainsi, « le titre ne laisse transparaître aucun parti pris », a conclu le Conseil.
De plus, dans le cas présent, le Conseil constate que le titre précise que « des professeurs se posent en censeurs », ce qui indique clairement que ce ne sont pas tous les professeurs.
Grief 2 : manque d’équilibre
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence ». (article 9 d) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le titre « Laïcité : des professeurs se posent en censeurs » manque d’équilibre.
Décision
Le Conseil rejette le grief de manque d’équilibre.
Analyse
Le plaignant estime que l’article expose plusieurs points de vue différents, cependant, il déplore que le titre ne présente pas le même équilibre. Le Conseil n’y voit aucun manquement dans le choix du titre. Le principe déontologique d’équilibre n’exige pas qu’un titre, qui a pour but de résumer un article de façon concise, fasse état des différents points de vue défendus dans l’article.
Par ailleurs, le Conseil observe que le titre « Laïcité : des professeurs se posent en censeurs » emploie le déterminant indéfini « des », ce qui laisse entendre que ce ne sont pas tous les professeurs qui partagent cette position. Le lecteur comprend qu’il existe d’autres points de vue dans ce débat.
Grief 3 : information incomplète
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Liberté éditoriale – « […] la liberté de presse exige que les médias d’information et les journalistes jouissent d’une liberté éditoriale et donc […] les choix relatifs au contenu, à la forme, ainsi qu’au moment de publication ou de diffusion de l’information relèvent de la prérogative des médias d’information et des journalistes ». (Préambule, paragraphe c)
Le Conseil doit déterminer si le média a transmis de l’information incomplète dans le titre « Laïcité : des professeurs se posent en censeurs ».
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information incomplète.
Analyse
Le plaignant déplore que le titre « Laïcité : des professeurs se posent en censeurs » n’indique pas la raison réelle pour laquelle l’invitation faite à Nadia El-Mabrouk a été retirée. Le Conseil juge que le média n’avait pas l’obligation de présenter toutes les raisons et les nuances expliquant l’annulation de la conférence de Mme El-Mabrouk. La liberté éditoriale permettait au média de ne pas exposer toutes les raisons expliquant l’annulation de la conférence.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Philippe de Grosbois contre le quotidien Le Devoir concernant les griefs de partialité, manque d’équilibre et d’information incomplète.
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Luc Grenier
Renée Lamontagne
Richard Nardozza
Représentante des journalistes :
Maxime Bertrand
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Nicole Tardif