Plaignant
Josée Goudreau
Mis en cause
Gilles Lévesque, rédacteur en chef et éditorialiste
Le Canada Français
Résumé de la plainte
NOTE : La décision finale de la commission d’appel se trouve au bas de la décision de première instance. À la suite de la décision d’appel, la plainte d’un plaignant – qui était confidentiel – a été retirée. |
RÉSUMÉ DE LA PLAINTE
Josée Goudreau dépose une plainte le 6 février contre Gilles Lévesque et Le Canada Français concernant l’éditorial « Mais qu’est-ce que ça va prendre? » publié le 6 février 2019 sur le site web du média et le 7 février 2019 dans sa version papier. La plaignante déplore des informations inexactes et des informations incomplètes.
CONTEXTE
L’éditorial traite de l’assemblée spéciale du conseil municipal de Saint-Jean-sur-Richelieu qui s’est tenue le 29 janvier 2019 et qui a porté sur plusieurs points, notamment sur le dossier du Carrefour Saint-Eugène, un projet de centre commercial qui doit être construit sur un terrain appartenant à la fille et ancienne associée de Vincenzo Jimmy Di Maulo également connu comme un mafieux au lourd passé criminel.
Dans son éditorial, Gilles Lévesque critique le maire de la ville, Alain Laplante, en l’accusant de faire de la « désinformation » et d’abuser de son droit de veto dans ce projet. L’éditorialiste déplore la façon dont le maire traite les principaux intervenants dans ce dossier, à savoir le promoteur Gilles Dumouchel et la fille de Jimmy Di Maulo, Nathalie Di Maulo, tous deux financièrement impliqués dans le projet.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : « (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. » (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEFS DE LA PLAIGNANTE
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si l’éditorialiste a manqué à son devoir d’exactitude.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief d’informations inexactes, car il juge que l’éditorialiste a contrevenu à l’article 9 a) du Guide.
Analyse
1.1 Lien de parenté
La plaignante avance qu’il est faux d’écrire que Nathalie Di Maulo est la fille de feu Joseph Di Maulo, puisqu’elle est plutôt la fille de « Vincenzo (Jimmy) Di Maulo toujours vivant ». Ils visent l’extrait suivant : « […] Nathalie Di Maulo, la fille de feu Joseph Di Maulo, un mafioso abattu devant chez lui ».
À la lecture des deux articles du Journal de Montréal fournis en preuve par la plaignante, le Conseil constate que Nathalie Di Maulo n’est pas la fille de Joseph Di Maulo, assassiné en 2012, mais plutôt de Jimmy Di Maulo, son frère, un autre membre de la mafia condamné plusieurs fois à la prison, notamment pour meurtre. De plus, Gilles Lévesque a 29admis au Conseil qu’il a « mentionné, par erreur, que Nathalie Di Maulo était la fille de feu Joseph Di Maulo, un membre influent de la mafia qui a été assassiné par au moins deux projectiles à la tête en novembre 2012. Joseph Di Maulo est plutôt le frère de Vincenzo Di Maulo, père de Nathalie Di Maulo. C’est également un criminel notoire ».
1.2 Prononciation du nom Di Maulo
La plaignante soutient que l’éditorialiste a « induit les citoyens en erreur » en écrivant que, lors de l’assemblée du 29 janvier 2019, « le maire Laplante s’est moqué d’une autre personne impliquée financièrement dans ce projet en prononçant son nom comme s’il venait d’être frappé par un AVC. Di Maulooohhh, Di Maulooohhh, en faisant référence à Nathalie Di Maulo […] »
À l’écoute de la séance extraordinaire de l’assemblée municipale en question, le Conseil constate que le maire n’accentue pas la prononciation du nom de famille de Nathalie Di Maulo. Le Conseil remarque que c’est plutôt un conseiller de l’opposition, Jean Fontaine qui prononce ce nom en le déformant avec insistance, affirmant que le maire aime le prononcer de façon exagérée.
Ainsi, le Conseil constate que Gilles Lévesque prête des intentions au maire, en lui attribuant un ton moqueur qu’on ne constate pas à l’écoute de la séance.
Grief 2 : informations incomplètes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si l’éditorialiste a manqué à son devoir de complétude.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’informations incomplètes.
Analyse
2.1 Opposition citoyenne
Josée Goudreau déplore de l’information incomplète en raison du « silence » du rédacteur en chef concernant « l’opposition citoyenne » dans le dossier du Carrefour Saint-Eugène, « l’utilisation d’un stratagème par la majorité des élus de Saint-Jean-sur-Richelieu pour bloquer une demande référendaire relative à ce projet » et « la posture du conseiller municipal du district visé par le développement [Jean Fontaine] ».
Le Conseil constate que l’éditorial traite de la séance extraordinaire du 29 janvier 2019 et non de l’ensemble du projet du Carrefour Saint-Eugène. Il estime que, même si le texte ne couvre pas les éléments souhaités par la plaignante, l’éditorialiste n’avait pas à le faire puisqu’il est libre de choisir son angle de couverture. M. Lévesque exprime son opinion sur le déroulement de la séance et l’absence des informations relevées par Mme Goudreau ne nuit pas à la compréhension du sujet de l’article par les lecteurs.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Josée Goudreau et blâme l’éditorialiste Gilles Lévesque et Le Canada Français pour le grief d’informations inexactes. Cependant, il rejette le grief d’informations incomplètes.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Luc Grenier
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Richard Nardozza
Linda Taklit
Représentant des journalistes :
Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Nicole Tardif
Date de l’appel
29 September 2020
Appelant
Renel Bouchard, président Icimédias, au nom du journal Le Canada Français
Décision en appel
RÔLE DE LA COMMISSION D’APPEL
La commission peut confirmer ou infirmer en tout ou en partie la décision du comité des plaintes. Dans tous les cas, elle rend la décision appropriée.
CONTEXTE
En première instance, le Conseil a retenu la plainte de deux plaignants et blâmé l’éditorialiste Gilles Lévesque et Le Canada Français pour un grief d’informations inexactes. Il a rejeté un grief d’informations incomplètes. Un grief de partialité n’a pas été traité puisqu’il s’agissait d’un article d’opinion.
L’un des plaignants a demandé la confidentialité au Conseil de presse, craignant pour sa sécurité. Le comité des plaintes a accordé la confidentialité à cette personne, tant aux yeux du public qu’aux yeux des mis en cause, le journal Le Canada Français et son éditorialiste, Gilles Lévesque.
MOTIF DE L’APPELANT
L’appelant conteste la décision de première instance relativement à la décision d’octroyer la confidentialité à l’un des deux plaignants.
Grief 1 : octroi de la confidentialité
Règlement applicable
Inscription d’un appel : Une décision finale du comité des plaintes peut faire l’objet d’un appel devant la commission d’appel. (article 28.01 du Règlement No 2 du Conseil de presse)
Identification du plaignant : « Un plaignant peut, pour des raisons exceptionnelles qu’il doit motiver, demander à ce que son nom ne soit pas divulgué publiquement. Sur recommandation du comité des plaintes, le Conseil peut s’y engager et recommander aux mis en cause de faire de même. » (article 9.02 du Règlement No 2)
Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelant apporte des éléments qui démontrent que la première instance, qui a accordé la confidentialité à un plaignant, a mal appliqué l’article du Règlement No 2 sur l’identification du plaignant.
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 9.02 du Règlement No 2 n’a pas été appliqué correctement en première instance.
La commission d’appel infirme la décision de première instance relativement à l’octroi de la confidentialité à l’un des deux plaignants.
Analyse
L’appelant, Le Canada Français, ne conteste pas la décision de première instance sur le fond, mais s’« objecte à la recevabilité d’une plainte anonyme » et soulève que « le comité des plaintes a accepté cette plainte anonyme sans justifier sa décision. »
Il avance que « cela laisse tout simplement entendre auprès des lecteurs qu’il peut être dangereux de porter plainte contre Le Canada Français, pouvant être victime d’éventuelles représailles » et que « cela est totalement inacceptable ».
L’intimée affirme qu’elle souhaitait maintenir son anonymat non par crainte de représailles de la part du journal, mais plus spécifiquement des personnes concernées dans l’article en cause, « entre autres un mafieux notoire reconnu pour blanchir l’argent du crime organisé et le recycler dans l’immobilier et qui […] fait des affaires en or à Saint-Jean-sur-Richelieu, notamment dans un projet domiciliaire à St-Eugène ».
La commission d’appel juge que l’article du règlement No 2 sur l’identification du plaignant a mal été appliqué puisqu’il y est prévu qu’un plaignant peut demander, pour des raisons exceptionnelles, que son nom ne soit pas divulgué publiquement. Le mot publiquement signifiant envers le public et non à l’égard du média mis en cause.
Les rares fois où le Conseil a accordé à un plaignant la confidentialité à l’égard du public, il avait considéré les conséquences de la révélation publique de son identité. Dans un cas, par exemple, la divulgation publique de l’identité du plaignant aurait permis l’identification de mineurs. Dans un autre cas, le dévoilement public de l’identité d’un plaignant aurait pu avoir des conséquences sur son emploi. Dans tous les cas, cependant, l’identité des plaignants était connue du média et du journaliste en cause.
Dans un contexte de déontologie, en matière d’équité procédurale, le plaignant doit s’identifier au Conseil et les journalistes et les médias doivent être en mesure de savoir qui sont les personnes qui portent plainte contre eux.
CONCLUSION
Après examen, les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité d’infirmer la décision rendue en première instance, relativement à l’octroi de la confidentialité à un plaignant. L’appelant n’ayant pas fait appel de la décision de première instance sur le fond, celle-ci est maintenue, étant donné qu’il y avait une autre plaignante, Josée Gaudreau, et que les griefs de cette dernière font l’objet de la décision de première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier est clos.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales. L’article 31.02 s’applique aux décisions de la commission d’appel : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentant du public :
Jacques Gauthier (président)
Représentant des journalistes :
Vincent Larouche
Représentant des entreprises de presse :
Gilber Paquette