Plaignant
Daniel Gagnon
Mis en cause
Christian Rioux, chroniqueur
Le Devoir
Résumé de la plainte
Daniel Gagnon dépose une plainte le 23 février 2019 contre le chroniqueur Christian Rioux et Le Devoir concernant l’article « Jaune, brun, rouge », publié le 22 février 2019. Le plaignant déplore de la discrimination.
CONTEXTE
Dans ce texte, Christian Rioux partage sa perception de l’évolution du mouvement français des gilets jaunes de novembre 2018 à février 2019, qui est passé d’un groupe sans programme politique à un groupe au « discours organisé et aux mots d’ordre précis ». Il affirme qu’en l’espace de quelques mois, les gilets jaunes ont fui Paris et que les révoltés de février ne sont plus ceux de novembre. Le chroniqueur estime que « le destin d’une révolte spontanée, sans leader et inorganisée, c’est d’être récupérée ». Il dénonce cette récupération du mouvement par des manifestants antisémites.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEF DU PLAIGNANT
Grief 1 : discrimination
Principe déontologique applicable
Discrimination : « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. » (article 19 (1) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si le chroniqueur a fait preuve de discrimination envers le philosophe et écrivain français Alain Finkielkraut dans le passage suivant :
« Lorsqu’on tire la chasse, il reste forcément quelque chose au fond de la cuvette. Et ce n’est pas le plus beau. Ce n’est donc pas tout à fait un hasard si le philosophe Alain Finkielkraut s’est fait traiter samedi dernier en pleine rue de “sale sioniste” »;
Décision
Le Conseil considère ce point irrecevable en regard de l’article 13.01 de son Règlement No 2 qui prévoit qu’une plainte doit « porter sur un manquement potentiel au Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec. Ce manquement doit être significatif et précis ».
Analyse
Le plaignant estime que le chroniqueur a fait preuve de discrimination dans l’extrait reproduit ci-haut en accolant au nom du philosophe Alain Finkielkraut des « images scatologiques » avec les mots « cuvette » et « brun ». Selon M. Gagnon, ces propos incitent au mépris et encouragent « les réflexions racistes ».
Le Conseil constate qu’il y a erreur de lecture de la part du plaignant.
En fait, le chroniqueur affirme dans son texte que le mouvement des gilets jaunes « s’est progressivement étiolé pour être ensuite récupéré par l’extrême gauche et ne plus rassembler qu’une minorité comprenant évidemment des militants sincères, mais surtout beaucoup d’extrémistes ». Dans sa réplique, Christian Rioux ajoute que « c’est par ces mêmes extrémistes que le philosophe s’est fait insulter », comme l’indique cet extrait de sa chronique : « Ce n’est donc pas tout à fait un hasard si le philosophe Alain Finkielkraut s’est fait traiter samedi dernier en pleine rue de “sale sioniste” ». Tel que le chroniqueur l’explique dans sa réplique au Conseil, son texte est « justement consacré à illustrer (et par le fait même dénoncer) ce “nouvel antisémitisme” qui sévit en France et dont a été victime le philosophe ».
Le Conseil constate effectivement que ce que déplore le plaignant en matière de discrimination n’est pas écrit de la chronique. Or, pour qu’un grief déontologique soit traité par le Conseil, la plainte doit contenir un manquement significatif, c’est-à-dire exprimé de façon nette et sans ambiguïté. Puisque le plaignant fait erreur sur ce qui est écrit dans la chronique, il n’y a pas, dans cette plainte, de manquement clairement exposé que le Conseil puisse analyser.
Décision
En l’absence d’un manquement significatif, le Conseil de presse du Québec juge irrecevable la plainte de Daniel Gagnon contre Christian Rioux et Le Devoir concernant le grief de discrimination.
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Luc Grenier
Renée Lamontagne
Représentantes des journalistes :
Maxime Bertrand
Marie-Josée Paquette-Comeau
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Jeanne Dompierre