Plaignant
Jean Archambault
Mis en cause
Le quotidien Le Devoir
Résumé de la plainte
Jean Archambault dépose des plaintes les 27 février et 5 mars 2019 contre le quotidien Le Devoir concernant deux textes du chroniqueur Konrad Yakabuski, « Le greffier qui parle trop » et « Fissures libérales », publiés respectivement les 23 février et 2 mars 2019. Le plaignant déplore une apparence de conflit d’intérêts, de l’information incomplète et un refus de publier une contribution du public.
CONTEXTE
La plainte vise la façon dont Le Devoir identifie le chroniqueur Konrad Yakabuski. Le média a indiqué dans la chronique « Le greffier qui parle trop » que le chroniqueur collabore également au quotidien The Globe and Mail. Selon le plaignant, cette mention devrait apparaître au bas de chacune des chroniques de M. Yakabuski.
Analyse
Grief 1 : apparence de conflit d’intérêts
Principe déontologique applicable
Conflit d’intérêts : « 1) Les journalistes évitent tout conflit d’intérêts ou apparence de conflit d’intérêts. En toute situation, ils adoptent un comportement intègre. (2) Les médias d’information veillent à ce que leurs journalistes ne se trouvent pas en situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts. » (article 6.1 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si le média s’est placé dans une situation d’apparence de conflit d’intérêts en ne mentionnant pas que le chroniqueur Konrad Yakabuski collabore également au Globe and Mail.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’apparence de conflit d’intérêts.
Analyse
Le plaignant déplore qu’au bas de la chronique « Le greffier qui parle trop » publiée dans l’édition du 23-24 février 2019, on précise que M. Yakabuski est chroniqueur au Globe and Mail, alors que cette mention ne se retrouve pas dans la chronique « Fissures libérales » parue la semaine suivante. Il estime qu’afin d’éviter une apparence de conflit d’intérêts, cette précision aurait dû être faite dès les premières chroniques de M. Yakabuski dans Le Devoir, en 2017.
La rédactrice en chef du Devoir, Marie-Andrée Chouinard, fait valoir que M. Yakabuski pratique tout simplement son métier pour deux médias. « Son statut de chroniqueur là-bas n’explique, ne justifie, ni ne colore le contenu de son propos au Devoir », ajoute-t-elle.
Dans un cas similaire visant La Presse (D2018-04-042), le Conseil avait également rejeté le grief de conflit d’intérêts parce que la plaignante n’avait pas apporté de preuve démontrant en quoi la journaliste aurait profité du fait qu’une de ses sources avait déjà été conseillère publicitaire pour La Presse.
Le plaignant ne démontre pas en quoi le fait de ne pas mentionner que le chroniqueur travaille pour un autre média aurait placé Le Devoir en situation d’apparence de conflit d’intérêts. Or, les plaignants ont la responsabilité de fournir les preuves de ce qu’ils allèguent.
Grief 2 : information incomplète
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet en n’indiquant pas que le chroniqueur travaille aussi pour un autre quotidien.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information incomplète.
Analyse
Bien que le plaignant considère que la mention indiquant que Konrad Yakabuski est également chroniqueur au Globe and Mail aurait dû se retrouver au bas de toutes ses chroniques, dont celle intitulée « Fissures libérales », les médias n’ont pas l’obligation de présenter la liste des autres médias avec qui collaborent leurs journalistes. La chronique « Le greffier qui parle trop » portait sur les critiques du greffier du Conseil privé adressées au Globe and Mail au sujet d’articles rapportant les pressions exercées par le bureau du premier ministre sur la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, dans l’affaire SNC-Lavalin. Le média a donc choisi, par souci de transparence, de faire état du lien de M. Yakabuski avec le Globe and Mail, mais il n’avait pas l’obligation déontologique de le faire.
Comme le rappelle le préambule du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec, « les médias d’information et les journalistes jouissent d’une liberté éditoriale et donc […] les choix relatifs au contenu, à la forme, ainsi qu’au moment de publication ou de diffusion de l’information relèvent de la prérogative des médias d’information et des journalistes ».
Dans le cas présent, le Conseil estime que la mention que le plaignant aurait souhaité voir ajouter aux chroniques de M. Yakabuski n’est pas essentielle à la compréhension des sujets dont il traite. Le plaignant n’apporte d’ailleurs pas d’arguments expliquant en quoi cette information serait essentielle.
Grief 3 : refus de publier une contribution du public
Principe déontologique applicable
Refus de publication : « Les médias d’information peuvent refuser de publier ou de diffuser une contribution reçue du public, à condition que leur refus ne soit pas motivé par un parti pris ou le désir de taire une information d’intérêt public. » (article 16.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a commis un manquement déontologique en refusant de publier la lettre aux lecteurs soumise par M. Archambault.
Décision
Le Conseil rejette le grief de refus de publier une contribution du public
Analyse
Le plaignant déplore le refus du Devoir de publier sa lettre aux lecteurs, dans laquelle il déplorait la décision du Devoir de ne pas avoir mentionné dès sa première chronique que Konrad Yakabuski est également chroniqueur au Globe and Mail. Le directeur du Devoir, Brian Myles, avait pourtant expliqué au plaignant, dans leurs échanges par courriel, que la décision était basée sur la pertinence de cette lettre pour le public.
Le plaignant n’apportant aucune preuve de quelconque parti pris du média ou désir de taire une information d’intérêt public, le Conseil ne constate pas de manquement déontologique dans le refus de publier cette lettre.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Jean Archambault contre Le Devoir concernant les griefs d’apparence de conflit d’intérêts, d’information incomplète et de refus de publier une contribution du public.
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Luc Grenier
Renée Lamontagne
Représentants des journalistes :
Maxime Bertrand
Marie-Josée Paquette-Comeau
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux