Plaignant
Jacques Lalonde
Mis en cause
Francine Pelletier, chroniqueuse
Le quotidien Le Devoir
Résumé de la plainte
NOTE : La décision de la commission d’appel se trouve à la suite de la décision de première instance. |
Jacques Lalonde dépose une plainte le 27 février 2019 contre la chroniqueuse Francine Pelletier et le quotidien Le Devoir concernant la chronique « Scandales sexuels : sortir des ténèbres », publiée le même jour. Le plaignant déplore de la discrimination.
CONTEXTE
La chronique mise en cause est parue dans les jours suivant la fin d’un sommet organisé par le Vatican à propos des abus sexuels commis par des membres de l’Église catholique et la parution du livre Sodoma qui porte sur l’homosexualité au sein de l’Église catholique.
Dans sa chronique, la journaliste d’opinion déplore les conclusions tirées lors de ce sommet et estime qu’il faut mettre un terme au culte du secret qui règne, selon elle, au sein du clergé.
Analyse
Grief 1 : discrimination
Principe déontologique applicable
Discrimination : « (1) Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. » (article 19 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la chroniqueuse a utilisé à l’endroit des homosexuels des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à entretenir les préjugés dans les extraits suivants :
- « Si le Saint-Siège est incapable d’évincer tous les prêtres agresseurs, un strict minimum pour une organisation qui veut tourner la page, comment en viendrait-il à admettre cette situation complexe et camouflée qu’est l’homosexualité répandue dans ses rangs? »
- « Il faut voir l’Église catholique tel un énorme jeu de dominos : derrière les abus à répétition se terre une homosexualité répandue et réprimée… »
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de discrimination.
Analyse
Bien que le plaignant considère que la chroniqueuse « amalgame homosexualité et pédophilie », ce qui entretiendrait le préjugé que les homosexuels sont des pédophiles, le Conseil ne constate pas de généralisation de la sorte. La chronique visée par la plainte traite de l’homosexualité et de la pédophilie spécifiquement au sein de l’Église catholique et non dans la société en général. Dans les passages visés par le plaignant, la chroniqueuse précise le milieu auquel elle s’attarde. La première phrase débute par : « Si le Saint-Siège… » et la deuxième précise d’emblée : « Il faut voir l’Église catholique… »
La chroniqueuse dénonce le caractère malsain régnant au sein de cette institution qui maintient une culture du secret autour de l’homosexualité et des agressions sexuelles, largement répandues au sein de l’Église. Elle expose différentes théories avancées par d’autres penseurs qui expliqueraient les abus sexuels, notamment une homosexualité « réprimée » par la culture du silence et « l’exclusion des femmes dans les rangs ecclésiastiques ». Par ailleurs, la chroniqueuse critique le fait que l’homosexualité « est toujours perçue comme un “travers” selon la doctrine officielle de l’Église ». Mais en aucun cas, elle n’insinue que les homosexuels sont plus de nature à être des pédophiles que d’autres personnes. Le préjugé perçu par le plaignant relève ici de son interprétation.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Jacques Lalonde contre Francine Pelletier et Le Devoir concernant le grief de discrimination.
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Luc Grenier
Renée Lamontagne
Représentants des journalistes :
Maxime Bertrand
Marie-Josée Paquette-Comeau
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Jeanne Dompierre
Date de l’appel
14 April 2021
Appelant
Jacques Lalonde
Décision en appel
RÔLE DE LA COMMISSION D’APPEL
Lors de la révision d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
CONTEXTE
La chronique mise en cause est parue dans les jours suivant la fin d’un sommet organisé par le Vatican à propos des abus sexuels commis par des membres de l’Église catholique et la parution du livre Sodoma qui porte sur l’homosexualité au sein de l’Église catholique.
Dans sa chronique, Francine Pelletier déplore les conclusions tirées lors de ce sommet et estime qu’il faut mettre un terme au culte du secret qui règne, selon elle, au sein du clergé.
L’appelant considère que la chroniqueuse a fait preuve de discrimination en entretenant le préjugé que les homosexuels sont des pédophiles.
MOTIF DE L’APPELANT
L’appelant conteste la décision de première instance relativement au grief de discrimination.
Grief 1 : discrimination
Principe déontologique applicable
Discrimination : « (1) Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. » (article 19 (1) du Guide de déontologie journalistique du Québec).
Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelant apporte des éléments qui démontrent que la première instance, qui a rejeté le grief de discrimination du plaignant, a mal appliqué le principe déontologique qui s’y rattache.
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 19 (1) du Guide a été appliqué correctement en première instance.
La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.
Analyse
L’appelant « regrette que l’analyse du Conseil se limite aux faits ponctuels relatés par la chronique de Mme Pelletier. Cette approche restrictive des faits désincarne sa portée au sein de l’électorat. Un texte d’opinion ne se suffit pas en soi, mais trouve sa raison d’être dans l’écho qu’il cherche à susciter. »
Dans sa plainte, Jacques Lalonde considérait que la chroniqueuse entretenait le préjugé que les homosexuels étaient des pédophiles, dans les passages suivants :
« Si le Saint-Siège est incapable d’évincer tous les prêtres agresseurs, un strict minimum pour une organisation qui veut tourner la page, comment en viendrait-il à admettre cette situation complexe et camouflée qu’est l’homosexualité répandue dans ses rangs? »
« Il faut voir l’Église catholique tel un énorme jeu de dominos : derrière les abus à répétition se terre une homosexualité répandue et réprimée… »
Il estime que de « tels propos », provenant « d’un journal qui porte autorité et réputation », « prennent une ampleur dont les risques sont assumés seuls par la communauté visée. Car il ne faut pas s’y tromper, un gay en Église et un gay dans un bar appartiennent tous les deux à la même communauté et fréquentent les mêmes lieux. Cette idée de Mme Pelletier que les gays en Église sont soumis à une forme d’oppression qui conduit au pire montre combien elle ne connaît pas la réalité des faits. Gay d’Église, gay de la construction, gay de bureau, etc. sont autant de facettes poreuses l’une à l’autre. Elle ne saisit pas qu’en s’attaquant à un groupe déterminé, elle s’en prend à l’ensemble. C’est là le fond de ma plainte. »
Comme l’avance le plaignant, il se peut que « les conclusions qu’en tire le lecteur moyen oblitèrent l’extension naturelle du raisonnement vers l’ensemble de la communauté gaie ». Toutefois, le Conseil doit s’arrêter à ce qui a été écrit dans la chronique et non s’attarder sur les interprétations possibles du texte ou l’utilisation qui pourrait en être faite. C’est ce qu’a fait le comité des plaintes.
Dans son application du principe 19 (1) sur la discrimination, le comité des plaintes s’est adéquatement penché sur le motif discriminatoire qui était en jeu : l’homosexualité. La chronique visée par la plainte traitait de l’homosexualité et de la pédophilie spécifiquement au sein de l’Église catholique et non dans la société en général. Le comité a analysé les passages pointés par le plaignant pour voir si le préjugé que celui-ci avançait – que les homosexuels seraient des pédophiles – s’y trouvait. N’ayant pas trouvé de termes qui entretenaient ce préjugé dans la chronique, il a rejeté le grief, comme il se devait de faire.
Finalement, l’appelant avance que « … la chronique de Mme Pelletier ne se fonde sur aucune étude, aucune recherche et brille par son ignorance en matière de pédophilie. L’ensemble de sa chronique énumère des suppositions non démontrées, fait des associations bancales et permissives que rien ne prouve (…) » Il s’agit d’un nouvel argument qui n’avait pas été présenté dans la plainte originale et sur lequel la commission n’a pas à se prononcer.
CONCLUSION
Après examen, les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier est clos.
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentant du public :
Jacques Gauthier, président de la commission d’appel
Représentant des journalistes :
Vincent Larouche
Représentant des entreprises de presse :
Gilber Paquette