Plaignant
Sylvio Le Blanc
Mis en cause
Sophie Langlois, journaliste
Émission « Le Téléjournal 22h »
ICI Radio-Canada
Résumé de la plainte
Sylvio Le Blanc dépose une plainte le 10 mars 2019 contre la journaliste Sophie Langlois, l’émission « Le Téléjournal 22h » et ICI Radio-Canada concernant le reportage « Juger ou réhabiliter? » diffusé le 6 mars 2019. Le plaignant déplore un manque d’équilibre, de la partialité et de l’information incomplète.
CONTEXTE
Le reportage mis en cause s’inscrit dans une série de quatre reportages abordant le sort qui attend les Canadiens partis faire le djihad en Syrie. Dans le reportage visé par la plainte, Sophie Langlois présente le point de vue de personnes qui croient que ces ressortissants canadiens devraient être incarcérés et celui de ceux qui sont plutôt en faveur de la réinsertion sociale.
Analyse
Grief 1 : manque d’équilibre
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence. » (article 9 d) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a manqué d’équilibre dans sa présentation des points de vue quant au retour des jeunes Canadiens partis faire le djihad.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de manque d’équilibre.
Analyse
Bien que le plaignant considère que le reportage accorde « beaucoup de temps » aux intervenants en faveur d’un retour des jeunes partis faire le djihad et « très peu » de temps « à ceux qui en veulent un conditionnel et aucun à ceux qui le refusent et qui appellent plutôt à la déchéance de leur nationalité canadienne », le Conseil juge qu’en fonction de l’angle choisi par les mis en cause, la journaliste n’avait pas à présenter le point de vue de ceux qui réclament que ces jeunes soient déchus de leur citoyenneté canadienne. Contrairement à ce qu’aurait souhaité le plaignant, le reportage ne portait pas sur la déchéance de nationalité des Canadiens partis faire le djihad en Syrie. Le reportage évalue plutôt de quelle façon doit être géré leur retour au pays. Dans le cadre de l’angle adopté, la journaliste donne la parole à des intervenants présentant des points de vue différents. Le reportage présente les témoignages de la mère d’un Canadien décédé en Syrie, qui prône le retour au Canada des enfants des djihadistes, du porte-parole conservateur en matière de sécurité publique et de protection civile, qui est en faveur d’un retour conditionnel à un emprisonnement, du responsable de l’Équipe de prévention et d’intervention de la GRC, qui souligne les difficultés rencontrées pour juger ces ressortissants canadiens à leur retour, et d’une pédopsychiatre qui étudie, entre autres, l’impact des politiques migratoires. Son équipe et elle sont en faveur de la réhabilitation et de la réinsertion des djihadistes.
Tout comme dans la décision antérieure D2018-07-078, dans laquelle le Conseil rappelait « que la liberté éditoriale accordée aux médias et aux journalistes leur permet de choisir l’angle de traitement de leur sujet », il s’avère qu’en fonction de l’angle de traitement du sujet — comment gérer le retour au pays des Canadiens partis faire le djihad — la journaliste a présenté une juste pondération des points de vue.
Grief 2 : partialité
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. » (article 9 c) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a pris parti en faveur d’un point de vue en particulier dans le reportage.
Décision
Le Conseil rejette le grief de partialité.
Analyse
Alors qu’il considère que la Dre Cécile Rousseau, pédopsychiatre et directrice de l’équipe Recherche et actions sur les polarisations sociales, manque de professionnalisme en « posant un semblant de diagnostic médical » sans avoir vu la djihadiste britannique dont il est question dans le reportage, le plaignant estime que la journaliste a fait preuve de partialité en diffusant son point de vue « sans le critiquer ». Pour sa part, le Conseil ne décèle pas de partialité dans le reportage de Sophie Langlois. Présenter le point de vue d’une personne n’équivaut pas à prendre parti en faveur de ce point de vue.
Les récriminations de M. Le Blanc s’apparentent à celles du plaignant dans le dossier D2017-12-147. Il considérait que « le choix des interlocuteurs sembl[ait] avoir été orienté pour livrer un témoignage concordant avec l’avis personnel du journaliste ». Le journaliste avait rapporté les commentaires de quatre experts. « Étant donné que plusieurs sources crédibles ont été citées et que le plaignant ne démontre pas que ces intervenants ont été sélectionnés pour orienter ou nuire à la candidate, le Conseil ne voit pas de partialité de la part du journaliste », peut-on lire dans la décision.
De la même façon, dans le reportage visé par la présente plainte, la journaliste a présenté des points de vue multiples pour illustrer l’enjeu qui était le thème de son reportage : Que fait-on avec les djihadistes qui reviennent au pays? Pour que la journaliste soit jugée partiale, il aurait fallu démontrer qu’elle avait commenté les faits, en émettant une opinion, par exemple, ce qui n’est pas le cas.
Grief 3 : information incomplète
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information incomplète.
Analyse
Le plaignant estime qu’au moment d’évoquer le sort de Shamima Begum, une jeune britannique partie rejoindre le groupe armé État islamique en Syrie en 2015, on aurait dû mentionner que la Grande-Bretagne l’avait déchue de sa nationalité. Cependant, l’angle du reportage n’était pas la déchéance de nationalité et l’information qu’aurait souhaité voir le plaignant n’était pas essentielle à la compréhension du sujet.
La décision antérieure D2016-07-013 souligne que la déontologie journalistique « n’impose pas aux journalistes de couvrir tous les angles d’une nouvelle, mais plutôt de s’assurer d’en présenter les éléments essentiels à la compréhension des faits par le lecteur ».
Le Conseil constate que les mis en cause ont publié une mise au point précisant que Shamima Begum a été déchue de sa nationalité britannique, mais considère qu’ils n’avaient pas l’obligation déontologique de le faire.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Sylvio Le Blanc contre Sophie Langlois, l’émission « Le Téléjournal 22h » et ICI Radio-Canada concernant les griefs de manque d’équilibre, de partialité et d’information incomplète.
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Paul Chénard
Renée Lamontagne
Représentants des journalistes :
Simon Chabot
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jed Kahane
Éric Trottier