Plaignant
Dr Georges Girard, dentiste généraliste
Mis en cause
Éric-Yvan Lemay, journaliste
Hugo Duchaine, journaliste
Le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Georges Girard, un dentiste généraliste, dépose une plainte le 4 juillet 2019 contre les journalistes Éric-Yvan Lemay et Hugo Duchaine ainsi que contre le quotidien Le Journal de Montréal concernant l’article « Les patients ne devraient pas se fier aveuglément à leur dentiste », publié le 11 juin 2019. Le plaignant déplore de l’information inexacte, un manque de vérification des sources, une absence de correction et une atteinte à la réputation.
CONTEXTE
L’article visé par la plainte s’inscrit dans le cadre d’un dossier intitulé « Des dentistes qui font mal ». Dans ces articles, des patients témoignent des problèmes rencontrés à la suite d’interventions dentaires ayant mal tourné et de procédures judiciaires entreprises par des patients mécontents. L’un des articles fait notamment état d’une augmentation de plaintes déposées auprès de l’Ordre des dentistes du Québec.
Dans l’article mis en cause, la présidente de la Fédération des dentistes spécialistes du Québec, Véronique Benhamou, ainsi que deux orthodontistes, suggère aux patients de faire preuve de prudence lors du choix d’un dentiste pour des soins complexes.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont transmis de l’information inexacte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte.
Analyse
Selon le plaignant, deux passages de l’article laissent faussement sous-entendre que « les dentistes généralistes ne sont pas habilités ou n’ont pas les compétences nécessaires pour effectuer les traitements plus complexes qui y sont décrits ».
Le plaignant vise le passage suivant de l’article : « Il y a des dentistes généralistes et des dentistes spécialistes, un peu comme en médecine. “Le médecin de famille ne peut pas faire de chirurgie cardiaque. Tout le monde comprend ça. C’est un peu la même chose en dentisterie”, explique la Dre Benhamou. »
Il vise aussi le texte de complément d’information présentant les différentes spécialités de la médecine dentaire. On peut notamment y lire :
« Orthodontie
L’orthodontie vise à régler les problèmes d’alignement des dents et les problèmes de malocclusion. Pour y parvenir, l’orthodontiste utilise différents appareils. En plus d’améliorer l’aspect esthétique de la bouche, ce genre de traitement peut aider à la mastication et réduire les risques de carie et de maladie des gencives. »
Le Conseil constate que le plaignant interprète la signification de ces deux extraits. Le premier extrait présente l’opinion de la présidente de la Fédération des dentistes spécialistes du Québec, la Dre Véronique Benhamou. Pour illustrer son point de vue, elle établit une comparaison entre la dentisterie et la médecine. Il n’est affirmé nulle part dans ce passage que les dentistes généralistes ne peuvent pas pratiquer certaines interventions spécialisées.
Cette situation est similaire à celle décrite dans la décision antérieure D2019-04-060. Dans ce dossier, le Conseil devait déterminer si la journaliste avait rapporté une information inexacte en laissant entendre qu’un contrat entre la Ville de Terrebonne et un cabinet d’avocats était lié à la présence d’une avocate, Me Yolanta Petrowsky, qui était plaignante dans le dossier. En rejetant le grief, le Conseil a fait valoir que « les plaignants interprètent le texte et reprochent à la journaliste une information inexacte qui ne s’y trouve pas. Nulle part il n’est en effet écrit que le contrat entre la Ville de Terrebonne et le cabinet d’avocats Champagne Perreault était lié à la présence de Me Petrowsky. »
Tout comme dans le cas présent, l’inexactitude alléguée par le plaignant n’était pas présente dans le texte, mais relevait plutôt de son interprétation de l’article.
En ce qui concerne le passage de l’article décrivant chacune des spécialités de la dentisterie, il ne permet pas de conclure que les dentistes généralistes ne peuvent pas effectuer des traitements plus complexes ou qu’il s’agit de champs de pratique exclusifs aux dentistes spécialistes, comme l’avance le plaignant.
Grief 2 : manque de vérification des sources
Principe déontologique applicable
Fiabilité des informations transmises par les sources : « Les journalistes prennent les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par leurs sources, afin de garantir au public une information de qualité. » (article 11 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont manqué à leur devoir de vérification des informations transmises par les sources.
Décision
Le Conseil rejette le grief de manque de vérification des sources.
Analyse
Bien que le plaignant considère que les journalistes ont transmis de l’information sans avoir vérifié les affirmations de la Dre Véronique Benhamou ce qui amènerait, selon lui, à « faussement décrire la réalité professionnelle de toute une profession », le Conseil ne constate aucune faute dans le fait de rapporter l’opinion de la présidente de la Fédération des dentistes spécialistes du Québec.
Par ailleurs, les journalistes mis en cause rapportent les points de vue de deux autres dentistes spécialistes, qui viennent corroborer l’opinion de la Dre Benhamou. Ces orthodontistes recommandent eux aussi la prudence au moment de choisir un dentiste pour un traitement spécialisé.
Grief 3 : absence de correction
Principe déontologique applicable
Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont manqué à leur devoir de correction.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’absence de correction.
Analyse
Le Conseil n’ayant constaté aucun manquement aux griefs précédents, le grief est rejeté.
Grief non traité : atteinte à la réputation
Le plaignant considère qu’à titre de dentiste généraliste, l’article porte atteinte à sa réputation, un grief que le Conseil ne traite pas, car l’atteinte à la réputation n’est pas considérée comme étant du ressort de la déontologie journalistique et relève plutôt de la sphère judiciaire.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal qui n’est pas membre du Conseil de presse, et n’a pas répondu à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Georges Girard contre Éric-Yvan Lemay, Hugo Duchaine et Le Journal de Montréal concernant les griefs d’information inexacte, de manque de vérification des sources et d’absence de correction.
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Michel Loyer
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Martin Francoeur
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Marie-Andrée Prévost