Plaignant
David Brett Normandeau
Mis en cause
Steve Sauvé, journaliste
La Voix Régionale Vaudreuil-Soulanges
Résumé de la plainte
David Brett Normandeau dépose une plainte le 26 juillet 2019 contre le journaliste Steve Sauvé, le journal La Voix Régionale Vaudreuil-Soulanges et le site Internet viva-media.ca concernant les articles intitulés « Accusé d’avoir battu gravement un bébé de 17 jours » et « L’avocat de David-Brett Normandeau demande de faire sa plaidoirie par écrit », respectivement publiés les 29 mai et 4 juin 2019. Le plaignant reproche des informations inexactes, un manque d’équilibre, des informations incomplètes, une absence d’identification d’une source, un manque de vérification des informations transmises par une source, une absence de correctif ainsi que de la diffamation (non traitée).
CONTEXTE
Dans les deux articles en cause, le journaliste Steve Sauvé fait le compte-rendu du procès de David Brett Normandeau – le plaignant dans le présent dossier – qui s’est déroulé entre le 6 mai 2019 et le 4 juin 2019 au palais de justice de Salaberry-de-Valleyfield. M. Normandeau était accusé de voies de fait ayant causé des lésions corporelles à un bébé de 17 jours.
Dans l’article publié le 29 mai 2019, le journaliste fait le résumé des sept premières journées d’audience du procès de M. Normandeau durant lesquelles plusieurs experts ont été appelés à témoigner. Dans l’article publié le 4 juin 2019, il relate la dernière journée d’audiences qui devait être consacrée aux plaidoiries de la Couronne et de la défense, mais qui n’ont finalement pas eu lieu, l’avocat de M. Normandeau ayant demandé de plaider par écrit.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec).
1.1 Titre de l’article
Le Conseil de presse doit déterminer si le média rapporte une information inexacte dans le titre de l’article du 29 mai 2019 : « Accusé d’avoir battu gravement un bébé de 17 jours ». Le journaliste n’est pas mis en cause pour ce sous-grief qui concerne le titre, parce que les titres sont de la responsabilité du média.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief de titre inexact, car il juge que le média a contrevenu à l’article 9 alinéa a du Guide. Cependant, ayant jugé que l’erreur a été corrigée promptement, le Conseil n’adresse pas de blâme au média.
Analyse
David Brett Normandeau estime que le titre de l’article l’accuse publiquement d’actes qu’il n’a pas commis et dont il n’a pas été accusé. La définition du mot « battu » est « qui a reçu des coups », souligne le plaignant, or « à aucun moment au cours des sept dernières années, il n’a été mentionné que j’ai frappé le bébé, de quelque manière que ce soit : ni durant le procès, ni dans le jugement. »
L’avis d’appel de la décision rendue à l’endroit de M. Normandeau, apporté en preuve par ce dernier, confirme qu’il a été accusé d’avoir commis des « voies de fait ayant causé des lésions corporelles sur un enfant ». L’emploi de l’expression « accusé d’avoir battu » dans le titre de l’article était incorrect puisque les voies de fait, selon l’article 265 du Code criminel, recouvrent un éventail d’actes répréhensibles qui pourraient comprendre, mais ne sont pas équivalents à « battre ».
Steve Sauvé affirme que les voies de fait causant des lésions corporelles peuvent se définir comme « les gestes qui causent des blessures, ou qui nuisent à la santé ou au bien-être de la personne. Donc, comme il est question d’une voie de fait ayant causé des lésions, il est légitime d’employer le terme battu », explique le journaliste qui n’est pas responsable du titre, celui-ci relevant du média. Le Conseil ne souscrit pas à cette argumentation, car il considère qu’il y a une différence, et aucune équivalence, entre être « accusé de voie de fait ayant causé des lésions corporelles sur un enfant » et « être accusé d’avoir battu un enfant ». De plus, cette différence est accentuée par la juxtaposition de l’adverbe « gravement » dans l’expression « battu gravement » alors qu’aucune mention à cet effet n’a été relatée dans les documents de cour.
Steve Sauvé indique que le titre de l’article a été modifié à la demande du plaignant et qu’il a été reformulé ainsi : « Accusé de voie de fait sur un bébé de 17 jours ». Désormais, il se lit plutôt ainsi sur le site Internet viva-media.ca : « Accusé d’utilisation d’une force excessive sur un bébé de 17 jours ». Le Conseil considère que, dans le cas présent, les changements apportés au titre original témoignent de la volonté du média de corriger sa faute.
1.2 Accusation portée contre le plaignant
Le Conseil de presse doit déterminer si Steve Sauvé rapporte une information inexacte dans le passage suivant de l’article du 29 mai 2019 : « Une fois à l’Hôpital Sainte-Justine, des examens ont révélé, qu’en plus d’une fracture au fémur, que l’enfant avait 8 côtes de fracturées, le frein de la langue sectionné, le frein de la lèvre supérieure sectionné ainsi qu’une importante ecchymose au niveau du visage ».
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’information inexacte, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 alinéa a du Guide.
Analyse
David Brett Normandeau reproche à Steve Sauvé d’avoir écrit qu’il est « accusé d’un bleu, d’une déchirure du frein de la langue et de fractures des côtes. » Le plaignant insiste sur le fait qu’il n’a été poursuivi que pour la fracture au fémur, et non pas pour ces autres blessures mentionnées dans le passage visé. Il avance : « Le juge a demandé au procureur de la Couronne de quoi j’étais accusé et il a précisé que je n’ai jamais été – à partir du moment où j’ai été arrêté, pendant l’audience préliminaire ou durant le procès – accusé des autres blessures. » Toutefois, dans l’article en cause, il n’est pas écrit que Brett Normandeau était accusé de ces autres blessures, comme l’allègue ce dernier.
Le journaliste explique que « dans l’article, il est inscrit que malgré ces signes, que les experts ont qualifiés de signes pouvant laisser croire à de la maltraitance, Brett Normandeau n’a pas été accusé pour cela puisque le ministère public ne peut le prouver sans doute raisonnable. » Effectivement, dans le paragraphe reproduit ci-dessous, on peut y lire que « Brett Normandeau n’est pas accusé en lien avec ces blessures » (soulignement du Conseil) :
« Une fois à l’Hôpital Sainte-Justine, des examens ont révélé, qu’en plus d’une fracture au fémur, que l’enfant avait 8 côtes de fracturées, le frein de la langue sectionné, le frein de la lèvre supérieure sectionné ainsi qu’une importante ecchymose au niveau du visage. Cependant, Brett Normandeau n’est pas accusé en lien avec ces blessures puisque Me Mylène Brown précise qu’il est impossible pour le ministère public de prouver hors de tout doute raisonnable qui a commis ces blessures. Mais que ce sont effectivement des blessures que les experts de la poursuite associent à de la maltraitance. »
Le Conseil a maintes fois rejeté des plaintes où les plaignants interprétaient des passages de reportages, ou voyaient des choses qui ne s’y trouvaient tout simplement pas. Dans le dossier D2019-04-060, le Conseil devait déterminer si la journaliste a rapporté une information inexacte en laissant entendre que le contrat entre la Ville de Terrebonne et le cabinet d’avocats Champagne Perreault était lié à la présence de Me Petrowsky. Le Conseil a rejeté le grief d’information inexacte en constatant « que les plaignants interprètent le texte et reprochent à la journaliste une information inexacte qui ne s’y trouve pas. Nulle part il n’est en effet écrit que le contrat entre la Ville de Terrebonne et le cabinet d’avocats Champagne Perreault était lié à la présence de Me Petrowsky. »
Pareillement, dans le cas présent, Steve Sauvé n’écrit pas que M. Normandeau était « accusé d’un bleu, d’une déchirure du frein et de fractures des côtes », comme celui-ci le prétend; cela relève de l’interprétation du plaignant.
1.3 Citation du juge Dubois
Le Conseil de presse doit déterminer si Steve Sauvé rapporte une information inexacte dans le passage suivant de l’article du 4 juin 2019 : « C’est une preuve que je qualifie de complexe ».
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 alinéa a du Guide.
Analyse
David Brett Normandeau reproche à Steve Sauvé de n’avoir pas cité les propos du juge avec exactitude. Selon lui, ce dernier aurait déclaré : « On peut dire que la preuve de la fragilité osseuse peut se qualifier de très complexe. » Cependant, le plaignant n’apporte pas la preuve que la citation rapportée par le journaliste est erronée. Or, le Conseil a plusieurs fois rappelé qu’« il revient au plaignant de faire la preuve des accusations qu’il formule », tel que mentionné dans la décision D2004-07-006.
Par ailleurs, David Brett Normandeau et Steve Sauvé font tous deux référence à l’enregistrement audio de la lecture du jugement – qui a été rendu près de six mois après l’article en cause – pour appuyer leur propos. Au demeurant, face à ces versions contradictoires, le Conseil se voit dans l’obligation de rejeter le grief d’information inexacte – comme ce fut le cas dans le dossier D2018-04-037 -, car il n’a pas les preuves nécessaires pour trancher à propos de l’inexactitude alléguée. Dans ces circonstances, le Conseil donne le bénéfice du doute au journaliste, comme il l’a fait dans ses décisions antérieures, notamment dans le dossier D2015-10-051.
Grief 2 : manque d’équilibre
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence » (article 9 d) du Guide)
Le Conseil de presse doit déterminer si Steve Sauvé a manqué à son devoir d’équilibre en ne contactant pas le plaignant ni ses avocats avant la publication des articles en cause.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de manque d’équilibre, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 alinéa d du Guide.
Analyse
David Brett Normandeau reproche à Steve Sauvé de ne pas l’avoir contacté, ni ses avocats, pour valider les informations rapportées dans l’article. Un journaliste n’a cependant pas l’obligation déontologique de contacter les parties lors d’un procès, puisqu’elles s’y expriment déjà à travers leur témoignage ou celui de leur avocat devant la cour. Dans le cadre des audiences au procès de M. Normandeau, Steve Sauvé a rapporté les informations débattues devant la cour, comme il est de coutume lors de la couverture d’un procès.
Le plaignant ajoute que si le journaliste l’avait sollicité, lui ou ses avocats, « nous lui aurions expliqué que je suis accusé de la seule fracture du fémur et que nos experts médicaux ont témoigné que la fragilité osseuse due au trouble du collagène du nourrisson en était la cause réelle. » Comme expliqué au grief précédent, le journaliste a écrit que M. Normandeau était uniquement accusé de la fracture du fémur. Le journaliste n’a pas manqué à son devoir d’équilibre puisqu’il a présenté une juste pondération des points de vue des parties en présence.
En effet, dans son article, le journaliste rapporte d’abord la position de M. Normandeau : « L’accusé a prétendu pendant son procès qu’il procédait à un changement de couche lorsqu’il a entendu un craquement ». Il relate ensuite les faits et écrit notamment que des examens effectués à l’Hôpital Sainte-Justine ont révélé d’autres blessures, dont le plaignant n’est pas accusé (voir grief 1.2). Ensuite, le journaliste rapporte les positions de la Couronne et de la défense quant à ces blessures, en indiquant qu’un expert cité par l’avocat de M. Normandeau a déclaré que « la victime serait atteinte d’une ostéogenèse imparfaite, appelée aussi maladie des os de verre. » Dans la foulée, le journaliste consacre deux paragraphes à l’un des experts qui a témoigné pour la défense en remettant en question sa crédibilité. Au regard de ces différents éléments d’information, le Conseil estime que Steve Sauvé a fait preuve d’équilibre dans son traitement du procès de M. Normandeau.
Dans un précédent dossier (D2015-05-138) qui concernait la couverture journalistique d’un procès, il était reproché au journaliste de n’avoir pas accordé le même poids au point de vue de la défense qu’à celui de la Couronne. L’accusé estimait que ses arguments étaient moins étayés que ceux de la poursuite. Le Conseil avait statué qu’en dépit de la présence moins importante des points de vue de la défense, aucun élément essentiel à la compréhension du public n’avait été omis dans l’article et que, donc, le journaliste avait traité l’information de façon équilibrée et complète. Pareillement, dans le cas présent, Steve Sauvé a présenté une juste pondération du point de vue des parties en présence.
Grief 3 : informations incomplètes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
3.1 Fragilité osseuse
Le Conseil de presse doit déterminer si Steve Sauvé a manqué à son devoir de complétude en ne mentionnant pas que les experts cités par la défense ont témoigné durant le procès que la fracture du fémur subie par le bébé a été causée par la fragilité osseuse de ce dernier.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’incomplétude sur ce point, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 alinéa e du Guide.
Analyse
David Brett Normandeau reproche à Steve Sauvé de n’avoir pas mentionné que les experts médicaux cités par la défense « ont témoigné [au sujet de la fracture du fémur] que la fragilité osseuse due au trouble du collagène du nourrisson en était la cause réelle. M. Sauvé ne mentionne pas non plus le témoignage du neuroradiologue selon lequel les rayons X indiquaient également une fragilité osseuse. »
Force est de constater que les informations que le plaignant aurait souhaité retrouver dans les articles en cause s’y trouvent déjà. Dans l’article du 29 mai 2019, Steve Sauvé écrit que « la défense a fait entendre le docteur Michael Holick, endocrinologue à l’Université de Boston. Selon son témoignage, la victime serait atteinte d’une ostéogenèse imparfaite, appelée aussi maladie des os de verre. » Le journaliste fait valoir qu’il rapporte, dans l’article du 4 juin 2019, que « cinq experts ont été entendus pendant les sept jours du procès. Alors que ceux de la défense indiquent que le poupon est atteint d’un trouble génétique rare, le syndrome Ehlers-Danlos de type 3 dit hypermobile. Ceci est une pathologie qui affecte les tissus conjonctifs de la peau, des os et des articulations, les médecins, convoqués par la poursuite, parlent de blessures associées à de la maltraitance. » Le Conseil ne saurait donc voir un manque de complétude alors que les informations supposément manquantes figurent dans les articles en cause.
3.2 Diagnostic du Dr Holick
Le Conseil de presse doit déterminer si Steve Sauvé a manqué à son devoir de complétude en n’indiquant pas que « le Dr Holick a examiné le dossier médical complet et les radiographies, et a également lu le rapport de la biopsie de la peau avant de parvenir à ses conclusions d’expert », comme le prétend le plaignant.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’incomplétude sur ce point, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 alinéa e du Guide.
Analyse
David Brett Normandeau déplore que Steve Sauvé mentionne que « l’un de mes experts, le Dr Michael Holick, a fait des diagnostics sans voir l’enfant personnellement », mais qu’il n’explique pas que « le Dr Holick a examiné le dossier médical complet et les radiographies, et a également lu le rapport de la biopsie cutanée avant d’arriver à ses conclusions d’expert. » Le journaliste répond qu’il écrit dans l’article que « le syndrome Ehlers-Danlos de type 3 dit hypermobile est une pathologie qui affecte les tissus conjonctifs de la peau, des os et des articulations. Inévitablement, pour qu’un expert arrive à cette conclusion, il y a expertise. »
Dans l’article du 29 mai 2019, Steve Sauvé écrit que le « Dr Holick a déjà posé un diagnostic [de] syndrome Ehlers-Dankos de type 3 à un enfant sans pour autant le voir en vrai. » Il ne rapporte pas que le Dr Holick n’a pas vu l’enfant dont M. Normandeau est accusé d’avoir brisé le fémur, mais que par le passé, il a déjà posé un diagnostic sans voir le patient en personne. Ceci dit, l’information que le plaignant aurait souhaité voir dans l’article n’était pas primordiale pour en comprendre le sujet, à savoir le compte-rendu des sept premières audiences du procès de M. Normandeau.
Dans la décision D2018-07-078, le Conseil a rappelé que « la déontologie “n’impose pas aux journalistes de couvrir tous les angles d’une nouvelle, mais plutôt de s’assurer d’en présenter les éléments essentiels à la compréhension des faits par le lecteur”. Dans le cas présent, compte tenu de l’angle choisi par le journaliste [le mécontentement de commerçants concernant la présence d’itinérants dans ce quartier], les informations souhaitées par le plaignant [sur les raisons de la dépendance à l’alcool de ces itinérants] n’étaient pas essentielles à la compréhension du reportage. Le journaliste n’avait donc pas l’obligation déontologique d’en faire état. » Pareillement, dans le cas présent, le fait que le Dr Holick ait examiné le dossier médical de l’enfant, ses radiographies ainsi que le rapport de sa biopsie cutanée était un élément périphérique au sujet de l’article; il n’était donc pas essentiel à sa compréhension.
3.3 Dr Alain Sirard
Le Conseil de presse doit déterminer si Steve Sauvé a manqué à son devoir de complétude en ne mentionnant pas le Dr Alain Sirard dans les articles en cause.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’incomplétude sur ce point, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 alinéa e du Guide.
Analyse
David Brett Normandeau reproche à Steve Sauvé de ne pas mentionner dans ses articles « le Dr Alain Sirard, le médecin qui a été le premier à m’accuser d’abus. » Il explique qu’il « est maintenant largement connu que le Dr Sirard a été impliqué dans des dizaines, et peut-être bien plus, de cas de fausses accusations, et qu’il allait faire l’objet d’une enquête du Collège des médecins du Québec lorsqu’il s’est suicidé. »
Le nom du Dr Sirard a bien été évoqué lors de la première journée d’audience du procès de M. Normandeau. Le Dr Sirard était pédiatre à l’Hôpital Sainte-Justine où le bébé a été transféré après sa visite initiale à l’Hôpital du Suroît, à Salaberry-de-Valleyfield. C’est lui qui a alors examiné l’enfant et posé le premier diagnostic de maltraitance. Cependant, cette information n’était pas nécessaire à la compréhension du sujet traité par Steve Sauvé qui faisait un compte-rendu du procès de M. Normandeau.
Dans la décision D2018-07-078, le Conseil a rappelé que « la déontologie “n’impose pas aux journalistes de couvrir tous les angles d’une nouvelle, mais plutôt de s’assurer d’en présenter les éléments essentiels à la compréhension des faits par le lecteur”. Dans le cas présent, le fait que Steve Sauvé n’ait pas mentionné que le Dr Sirard a été le premier à accuser M. Normandeau d’abus n’a pas privé le public d’une information essentielle.
Grief 4 : absence d’identification d’une source
Principe déontologique applicable
Identification des sources : « Les journalistes identifient leurs sources d’information, afin de permettre au public d’en évaluer la valeur, sous réserve des dispositions prévues à l’article 12.1 du présent Guide. » (article 12 du Guide)
Le Conseil de presse doit déterminer si Steve Sauvé a correctement identifié sa source.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’absence d’identification d’une source, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 12 du Guide.
Analyse
David Brett Normandeau affirme que « M. Sauvé n’a jamais été dans la salle d’audience, donc les informations qui figurent dans ses articles ont dû être obtenues par quelqu’un qui y était. Cette source (…) n’est pas identifiée par M. Sauvé », ce qui est contraire à la déontologie journalistique.
Le plaignant émet une hypothèse : Steve Sauvé n’étant pas présent au procès, il a donc dû avoir recours à une source pour obtenir des informations. Toutefois, il ne démontre pas que les informations rapportées par le journaliste lui ont été transmises par une source externe. Steve Sauvé a par ailleurs qu’il a été présent « à une partie du procès ».
Dans les deux articles en cause, rien n’indique que le journaliste ait utilisé une source externe. Dans celui du 29 mai 2019, il rapporte des éléments d’information relatifs aux six premières journées d’audience du procès de M. Normandeau. Dans celui du 4 juin 2019, il cite Me Mylène Brown, la procureure de la Couronne, Me Francis Cloutier, l’avocat de la défense, et le juge Joey Dubois. En l’absence de preuve apportée par M. Normandeau que Steve Sauvé a eu recours à une source, le Conseil de presse ne peut se prononcer.
Dans le dossier D2016-09-035, la plaignante estimait qu’en disant : « J’ai mis la main sur un courriel d’une dame qui s’appelle Lyne Gaudreault », le journaliste ne fournissait pas suffisamment d’informations sur sa source pour que le public puisse en évaluer la crédibilité. Le grief de description insuffisante d’une source anonyme a cependant été rejeté, car aux yeux du Conseil, « la source de l’information est ici le courriel lui-même et non la personne qui l’a transmis au journaliste. Dans ce contexte, ce dernier n’avait pas l’obligation déontologique de donner des indications sur la personne lui ayant transmis le message. La seule obligation du journaliste était de rapporter fidèlement le contenu du courriel, ce qu’il a fait. » Pareillement, dans le cas présent, l’obligation de Steve Sauvé était de faire un compte-rendu fidèle du procès de M. Normandeau, sa source d’information étant les audiences dudit procès auxquelles il dit avoir assisté.
Par ailleurs, la déontologie journalistique n’impose pas aux journalistes d’être présents à un procès pour en assurer la couverture. Ils peuvent, par exemple, se baser sur les audiences préliminaires ou des documents tels que l’acte d’accusation. Steve Sauvé ne saurait donc se voir reprocher un manquement pour le seul fait de ne pas avoir assisté à l’entièreté du procès de M. Normandeau.
Grief 5 : manque de vérification des informations transmises par une source
Principe déontologique applicable
Fiabilité des informations transmises par les sources : « Les journalistes prennent les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par leurs sources, afin de garantir au public une information de qualité. » (article 11 du Guide)
Le Conseil de presse doit déterminer si Steve Sauvé a raisonnablement évalué la fiabilité des informations transmises par ses sources.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de manque de vérification des informations transmises par une source, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 11 du Guide.
Analyse
David Brett Normandeau estime que la source dont s’est servi Steve Sauvé lui a « soit fourni des informations erronées, soit M. Sauvé les a mal interprétées. »
Le Conseil ne peut pas évaluer la fiabilité des informations transmises par une supposée source dont le plaignant n’apporte pas la preuve de l’existence.
Grief 6 : absence de correctif
Principe déontologique applicable
Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Le Conseil de presse doit déterminer si les mis en cause ont corrigé adéquatement leurs éventuelles erreurs.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’absence de correctif, car il juge que les mis en cause n’ont pas contrevenu à l’article 27.1 du Guide.
Analyse
David Brett Normandeau indique qu’une mise en demeure a été envoyée le 2 juin 2019 à Viva média – l’entreprise de presse qui publie La Voix Régionale Vaudreuil-Soulanges – et à Steve Sauvé « leur demandant de retirer les informations trompeuses contenues dans l’article » du 29 mai 2019. M. Normandeau dit que son avocat a ensuite adressé un courrier à l’éditrice de Viva média pour lui demander de retirer la version papier l’article du 29 mai 2019 et « de présenter publiquement des excuses pour avoir donné des informations inexactes ».
Au regard des griefs précédents, le seul élément qui devait être corrigé, à savoir le titre de l’article du 29 mai 2019, a bien été corrigé par le média et cette correction a été faite avec diligence.
Dans le dossier D2014-10-025, le Conseil souligne que la décision de retirer un article ou un reportage doit être motivée par l’intérêt public. Dans le cas présent, le média n’avait pas à retirer l’article.
Grief non traité : diffamation
David Brett Normandeau reproche à Steve Sauvé de rapporter de « fausses accusations [qui] affectent grandement [sa] réputation ».
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation, et plus largement la diffamation, ne sont pas du ressort de la déontologie journalistique et relèvent plutôt de la sphère judiciaire, comme le précise l’article 13.03 du Règlement No 2.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de David Brett Normandeau contre le journal La Voix Régionale Vaudreuil-Soulanges et le site Internet viva-media.ca concernant le sous-grief d’information inexacte visant le titre, qui ne relève pas de la responsabilité du journaliste. Toutefois, l’erreur commise ayant été corrigée par le média, celui-ci est absous et donc, ne reçoit pas de blâme.
Le Conseil de presse du Québec rejette par ailleurs les autres sous-griefs d’information inexacte ainsi que les griefs de manque d’équilibre, d’informations incomplètes, d’absence d’identification d’une source, de manque de vérification des informations transmises par une source et d’absence de correctif.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Stéphan Frappier