Plaignant
Alain Bonnier
Mis en cause
Patrick Lagacé, chroniqueur
La Presse
Résumé de la plainte
Alain Bonnier dépose une plainte le 31 juillet 2019 contre Patrick Lagacé et La Presse concernant la chronique « À la défense de Dominic Champagne », publiée le 30 mai 2019. Le plaignant déplore de l’information inexacte, un rectificatif inadéquat et un refus de publier une contribution du public.
CONTEXTE
Au printemps 2019, plusieurs personnalités publiques signent Le Pacte pour la transition énergétique, ce qui les engage à réduire leur empreinte carbone et écologique. Dans sa chronique, Patrick Lagacé aborde le réchauffement climatique et dénonce les négationnistes des changements climatiques ainsi que leur mépris envers les gens qui se battent contre le réchauffement de la planète.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEFS DU PLAIGNANT
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le chroniqueur a manqué à son devoir d’exactitude en écrivant que « 97% des 11 944 études scientifiques publiées sur le climat entre 1991 et 2011 concluaient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine ».
Décision
Le Conseil de presse retient le grief d’information inexacte, car il juge que le chroniqueur a contrevenu à l’article 9 a) du Guide. En effet, il a mal cité l’information provenant de sa référence. Toutefois, considérant que les mis en cause ont corrigé leur erreur dans un délai jugé rapide en raison de la période estivale et que l’inexactitude n’affecte pas la compréhension du sujet, le Conseil les absout de cette inexactitude.
Analyse
Le plaignant affirme qu’il est faux d’écrire que « 97% des 11 944 études scientifiques publiées sur le climat entre 1991 et 2011 concluaient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine ». Lorsque le chroniqueur donne cette information dans sa chronique, il précise qu’elle provient « d’un consensus scientifique sur la question, établi par ceux qui font métier d’étudier le climat » et intègre un lien vers le portail des changements climatiques mondiaux de la NASA. Alain Bonnier indique qu’en plus d’être inexacte, la statistique fournie par le chroniqueur ne correspond pas à celle qui se trouve sur le site de la NASA auquel Patrick Lagacé fait référence.
Sur ce site Internet de la NASA, on peut lire : « Oui, la grande majorité des climatologues qui publient activement – 97% – conviennent que les humains sont à l’origine du réchauffement mondial et du changement climatique. » (« Yes, the vast majority of actively publishing climate scientists – 97 percent – agree that humans are causing global warming and climate change. ») Il était donc inexact d’écrire que « 97 % des 11 944 études scientifiques publiées sur le climat entre 1991 et 2011 concluaient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine », car ce n’est pas ce qu’indiquait la source citée par le chroniqueur.
La Presse admet au Conseil qu’il y avait eu une erreur dans la version originale du texte, en précisant que celle-ci a été corrigée. Elle ajoute : « Nous vous soumettons respectueusement qu’il ne s’agissait que d’une inexactitude mineure qui ne changeait rien à la compréhension du lecteur et qui n’était pas de nature à modifier la base factuelle sur laquelle M. Lagacé appuyait son opinion. »
Grief 2 : rectificatif inadéquat
Principe déontologique applicable
Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a manqué à son devoir de réparer pleinement ses erreurs avec le rectificatif publié le 5 juillet 2019, qui va comme suit : « Dans un texte intitulé “À la défense de Dominic Champagne”, publié dans notre numéro du 30 mai, notre chroniqueur Patrick Lagacé a écrit que “ 97 % des 11 944 études scientifiques publiées sur le climat entre 1991 et 2011 concluaient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine”. Or, la source inspirant ce passage – le site Climat de la NASA – affirmait plutôt que 97 % des scientifiques spécialistes du sujet croient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine. »
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de rectificatif inadéquat.
Analyse
Le plaignant estime que le « “rectificatif”, loin de rectifier la désinformation propagée le 30 mai [2019] par Lagacé, la relance à nouveau, en la maquillant maintenant d’un mensonge ». Selon le plaignant, « la vraie source ayant “inspiré” Lagacé, n’était pas le site de “climate.nasa” […] C’est facile à vérifier : Nulle part sur la page Internet de “climate.nasa”, il n’est dit que “97% des 11 944 études scientifiques publiées sur le climat entre 1991 et 2011 concluaient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine.” Comment Lagacé aurait-il pu avoir eu “l’inspiration” de nombres, comme “11 944”, “1991”, “2011”, etc. qui n’apparaissent même pas dans ladite source ? »
Dans leur réplique, les mis en cause soutiennent que « la source de M. Lagacé était bel et bien le site web Climat de la NASA. Il était donc cohérent de rectifier l’information inexacte parue dans l’article en indiquant le libellé exact de l’affirmation se trouvant sur ce site […] tout en incluant un hyperlien vers celle-ci ». Ils soutiennent que « la NASA est une source scientifique fiable et il était tout à fait légitime pour M. Lagacé de se fonder sur elle ».
Le Conseil constate que le correctif publié, précisant que la NASA indiquait plutôt « que 97 % des scientifiques spécialistes du sujet croient que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine », reprend correctement les informations de la NASA et renvoie à un hyperlien qui mène vers son site web.
Le plaignant met également en doute l’information fournie par la NASA en soutenant que « cette légende du “consensus à 97%” tire son origine d’un article publié en 2013 du militant écologiste John Cook. La fausseté de ce “consensus” a été maintes fois démontrée et dénoncée depuis ». Le rôle du Conseil consiste à se pencher sur les manquements déontologiques du journalisme. En ce sens, il ne se penchera pas sur l’exactitude des informations transmises par la NASA, qu’il estime, par ailleurs, être une source fiable.
La Presse a publié le rectificatif avec diligence sur La Presse+ et sur son site web. Par ailleurs, l’information inexacte n’avait pas d’impact sur la compréhension de la chronique de Patrick Lagacé.
Grief 3 : refus de publier une contribution du public
Principe déontologique applicable
Refus de publication : « Les médias d’information peuvent refuser de publier ou de diffuser une contribution reçue du public, à condition que leur refus ne soit pas motivé par un parti pris ou le désir de taire une information d’intérêt public. » (article 16.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a manqué à son devoir en ce qui concerne les contributions du public.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de refus de publication d’une contribution du public.
Analyse
Le plaignant déplore que le média n’ait pas publié son « anti-chronique », car c’était selon lui « la façon juste et équitable de corriger cette désinformation » afin d’en « minimiser les dommages ».
Les médias sont libres de publier les contributions des lecteurs de leur choix, selon leur jugement éditorial. Le Conseil pourrait considérer comme une faute déontologique le refus de publier une contribution du public seulement s’il avait les preuves que ce refus était motivé par un parti pris de la part du média ou que le média tentait de cacher des informations d’intérêt public, par exemple parce qu’il se trouvait en situation de conflit d’intérêts. Dans le cas présent, le plaignant n’apporte pas la preuve d’un quelconque parti pris de la part de La Presse ou d’un désir du média de taire une information.
Dans leur réplique, les mis en cause expliquent que le refus de publication « était motivé par le fait que l’information inexacte qu’il visait à corriger avait déjà fait l’objet de rectificatifs sur les plateformes sur lesquelles l’article avait été publié initialement […] » Ils précisent que « la politique de La Presse dans son choix du courrier des lecteurs […] accorde en priorité un droit de réplique à une personne ou à un organisme qui a été directement mis en cause par un texte publié dans ses pages, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le Conseil estime qu’il relevait de la liberté éditoriale du média de refuser de publier cette contribution du plaignant.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte d’Alain Bonnier contre le chroniqueur Patrick Lagacé et La Presse concernant l’information inexacte. Toutefois, l’inexactitude en question ayant été corrigée avec diligence, comme le recommande l’article 27.1 du Guide, le Conseil ne blâme pas les mis en cause. Il absout plutôt le chroniqueur et le média de la faute. Le Conseil rejette les griefs de rectificatif inadéquat et de refus de publier une contribution du public.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Richard Nardozza
Représentante des journalistes :
Noémi Mercier
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Jed Kahane