Plaignant
Reik Von Wittelsbach
Huit plaignants en appui
Mis en cause
Richard Martineau, chroniqueur
Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Reik Von Wittelsbach et huit autres personnes en appui portent plainte les 19, 20 et 21 août 2019 contre le chroniqueur Richard Martineau, Le Journal de Montréal et le site Internet journaldemontreal.com concernant l’article intitulé « L’amour du marginal » publié le 19 août 2019. Les plaignants reprochent aux mis en cause des propos discriminatoires.
CONTEXTE
Dans sa chronique, Richard Martineau affirme que l’empathie traditionnelle des Québécois pour les personnes en situation de pauvreté se porte désormais vers les personnes ou les groupes sociaux marginalisés. Le journaliste égrène les différentes « catégories de marginalité » qu’il considère en vogue aujourd’hui.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEF DES PLAIGNANTS
Grief 1 : discrimination
Principe déontologique applicable
Discrimination : « (1) Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. ( article 19 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si Richard Martineau utilise à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine ou à entretenir les préjugés dans le passage suivant :
« (…) Ce n’est plus suffisant de coucher avec une personne du même sexe que soi pour être considéré comme un marginal.
Il faut cumuler les “différences”.
Être gai ET noir. Lesbienne ET obèse. Ou gai ET nain.
Si vous êtes lesbienne, autochtone et obèse morbide, c’est encore mieux !
Et si jamais le sort vous a fait homosexuel, immigrant, handicapé et obèse, alors là, c’est le jack-pot !
Vous allez recevoir toutes les bourses possibles et impossibles.
Le boutte du boutte
Mais le top, c’est le trans.
Là, c’est le boutte.
Un enfant trans de 10 ans ? Encore mieux !
En Angleterre, il y a une troupe de drag queens trisomiques !
Essayez d’accoter ça, vous autres !
Qui sait ? Bientôt, on va peut-être avoir des trans binaires musulmans non genrés obèses, pansexuels et manchots ! »
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de discrimination, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 19 (1) du Guide.
Analyse
Bien que le Conseil comprenne que des plaignants se soient sentis heurtés par les propos de Richard Martineau sur les personnes marginalisées, il ne se prononce pas sur le bon goût ni sur la manière de penser. Il ne se veut pas, non plus, arbitre de la rectitude politique. Le Conseil a pour mission de protéger la liberté de presse et d’opinion, même lorsque des propos peuvent être interprétés comme offensants. Dans le cas présent, le Conseil doit analyser s’il y a eu faute déontologique de la part du chroniqueur en matière de discrimination.
Le comité a donc d’abord dû analyser quelles seraient les personnes discriminées (le motif discriminatoire). Le chroniqueur parle de caractéristiques personnelles telles que la couleur de peau, la religion, le handicap et l’orientation sexuelle. Cependant, le Conseil ne constate aucun terme ni aucune représentation incitant à la haine ou entretenant les préjugés envers les personnes et les groupes énoncés par le chroniqueur.
Richard Martineau ne qualifie pas les personnes dont il parle de façon discriminatoire. Il énumère des caractéristiques, sur un ton sarcastique, pour définir ce qu’est, selon lui, la marginalité aujourd’hui. Il se sert de cette énumération pour appuyer son opinion sur « l’amour » porté par les Québécois aux « marginaux ». Ainsi, il ridiculise ce qu’il perçoit comme une « transformation de notre imaginaire » au Québec. Ce faisant, il n’entretient pas de préjugés et il n’incite pas à la haine de ces personnes marginalisées.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Reik Von Wittelsbach et des huit plaignants contre le chroniqueur Richard Martineau, Le Journal de Montréal et le site Internet journaldemontreal.com concernant le grief de discrimination.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Éric Trottier