Plaignant
Madeleine Smith
Mis en cause
Josh Freed, chroniqueur
The Montreal Gazette
Résumé de la plainte
Madeleine Smith dépose une plainte le 20 avril 2019 contre le chroniqueur Josh Freed et The Montreal Gazette concernant l’article « Secularism debate will probably divide Quebec for years » (« Le débat sur la laïcité divisera probablement le Québec pendant des années »), publié le 30 mars 2019. La plaignante déplore de l’inexactitude.
CONTEXTE
Le chroniqueur partage les raisons pour lesquelles il s’oppose au projet de loi sur la laïcité de l’État. Il déplore, entre autres, que ce projet de loi veuille régler un problème qui, selon lui,n’existe pas, puisqu’il n’y a jamais eu de plaintes concernant des enseignantes voilées. Il estime que les commissions scolaires ont été courageuses de refuser de procéder à un décompte des femmes portant le hijab. Il se réjouit, par ailleurs, que le projet de loi prévoie une clause grand-père (clause de droits acquis) qui permettrait aux enseignants portant déjà des signes religieux visibles de pouvoir continuer à le faire lorsqu’ils travaillent.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEF DE LA PLAIGNANTE
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le chroniqueur a manqué à son devoir d’exactitude dans l’extrait suivant : « Mercifully, there’s a grandfather clause for about 500 teachers already working in classrooms, to spare them their jobs. But to grandfather … er, grandmother these teachers, we must first identify them, by taking a literal head count — of covered heads. » (Heureusement, il y a une clause grand-père pour environ 500 enseignantes qui travaillent déjà dans les salles de classe, ce qui épargne leur emploi. Mais pour qualifier de grand-père … euh, de grand-mères ces enseignantes, nous devons d’abord les identifier, en faisant un décompte réel – de têtes couvertes)
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’inexactitude, car il juge que le chroniqueur n’a pas contrevenu à l’article 9 a) du Guide.
Analyse
La plaignante reproche au chroniqueur de ne pas avoir pris connaissance du projet de loi 21 sur la laïcité de l’État qui ne prévoie pas « “littéralement un décompte – de têtes couvertes” » (« taking a literal head count — of covered heads »). Le Conseil note cependant que le chroniqueur n’écrit pas qu’un tel recensement est inscrit dans le projet de loi. Mme Smith fonde sa plainte sur une perception erronée en prêtant au chroniqueur une affirmation qu’il n’a pas écrite.
Le Conseil a plusieurs fois dû traiter des dossiers où un plaignant interprète les propos d’un journaliste. Afin de déterminer s’il y a eu faute déontologique, le Conseil doit s’en tenir aux propos du journaliste, et non aux diverses interprétations que l’on pourrait y voir. Par exemple, dans le dossier D2018-07-73, la plaignante considérait qu’il y avait un « manque flagrant d’exactitude dans le point central de l’argument » du journaliste de Radio-Canada, Christian Latreille, à savoir qu’il était « faux de dire que les États-Unis n’ont jamais eu de stratégie et de plan à long terme en Syrie ». Pourtant, le journaliste précisait que son analyse s’étendait aux sept dernières années. Le Conseil a estimé que l’inexactitude alléguée relevait de l’interprétation de la plaignante et a rejeté la plainte.
Dans le cas présent, Josh Freed exprime simplement son opinion en déduisant que la clause de droit acquis du projet de loi sur la laïcité nécessitera un recensement de la part du gouvernement. Le chroniqueur utilise, par ailleurs, un jeu de mots avec « tête » dans l’expression « head count — of covered heads » afin d’illustrer son point de vue. Le Conseil n’y a pas vu d’information inexacte et rappelle que les journalistes d’opinion disposent d’une grande latitude de ton et de style pour partager leurs idées.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Madeleine Smith contre le chroniqueur Josh Freed et The Montreal Gazette concernant le grief d’information inexacte.
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Michel Loyer
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Simon Chabot
Martin Francoeur
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Marie-Andrée Prévost