Plaignant
Karine Cameron
Rémi Cameron
1 plaignante en appui
Mis en cause
Jasmin Dumas, journaliste
TVA Nouvelles
Groupe TVA
Résumé de la plainte
Karine Cameron, Rémi Cameron et une plaignante en appui déposent une plainte le 28 octobre 2019 contre le journaliste Jasmin Dumas et TVA Nouvelles concernant le reportage « Meurtre d’un jeune homme dans un parc de Sherbrooke : un récit à glacer le sang », diffusé le 7 août 2019. Les plaignants déplorent un manque de respect envers des personnes qui venaient de vivre un drame humain et un manque de prudence dans la transmission d’information judiciaire.
CONTEXTE
Le reportage rapporte les circonstances du meurtre d’un jeune homme de 18 ans, Thomas Cameron, survenu quelques jours plus tôt, dans un parc de Sherbrooke. Sur la base du rapport d’incident rédigé par le surveillant de parc qui a été témoin de la scène, le journaliste décrit la violence et le déroulement des événements. Les plaignants sont la mère et l’oncle de la victime.
Analyse
Grief 1 : non-respect de personnes qui venaient de vivre un drame humain
Principe déontologique applicable
Drames humains : « Les journalistes et les médias d’information font preuve de retenue et de respect à l’égard des personnes qui viennent de vivre un drame humain et de leurs proches. Ils évitent de les harceler pour obtenir de l’information et respectent leur refus d’accorder une entrevue. » (article 18.1 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a manqué de respect envers des personnes qui venaient de vivre un drame humain.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de non-respect de personnes qui viennent de vivre un drame humain.
Analyse
Les plaignants ont été affectés par le contenu du reportage. Karine Cameron affirme qu’elle a été « profondément blessée par ces détails inutiles ». Elle indique que sa famille et elle étaient « encore sous le choc » au moment de la diffusion du reportage et qu’ils avaient reçu « très peu d’information sur les faits ». De son côté, Rémi Cameron déclare qu’il a « été pris de rage et d’une grande colère » après avoir vu le reportage. « J’ai été traumatisé et choqué », affirme-t-il.
Le principe visé par cette plainte décrit ce qui constituerait, d’un point de vue déontologique, un manque de retenue et de respect envers des personnes qui viennent de vivre un drame humain. La deuxième phrase de l’article 18.1 du Guide vient préciser ce qui constitue un manque de retenue et de respect au sens déontologique envers des personnes qui viennent de vivre un drame humain : Les journalistes « évitent de les harceler pour obtenir de l’information et respectent leur refus d’accorder une entrevue. » Dans le cas présent, les plaignants ont été blessés et choqués lorsqu’ils ont vu le reportage, mais ils ne font pas mention d’un comportement du journaliste qui témoignerait de harcèlement à leur égard.
Bien qu’on puisse comprendre qu’il soit extrêmement douloureux pour la famille de se trouver confrontée aux détails du meurtre quatre jours après les faits, le journaliste n’a pas manqué de respect ou de retenue envers la famille qui avait déjà été mise au courant du drame. Le journaliste n’a pas non plus harcelé les membres de la famille de Thomas Cameron dans le but d’obtenir une entrevue avec eux.
De plus, les informations concernant la façon dont le suspect s’est acharné sur la victime, alors qu’un témoin lui demandait d’arrêter, sont d’intérêt public. Elles témoignent de la violence et de l’acharnement dont l’agresseur a fait preuve. Bien qu’elles soient difficiles à entendre pour les proches de la victime, elles peuvent éclairer le public sur les raisons pour lesquelles la Direction des poursuites criminelles et pénales souhaite que l’accusé soit soumis à une peine pour adulte s’il est reconnu coupable.
La couverture journalistique d’un acte criminel ne peut qu’être douloureuse pour la famille et les proches d’une victime. Cela ne signifie pas pour autant, d’un point de vue strictement déontologique, qu’il y ait un manquement de la part du média. Les décisions antérieures du Conseil en témoignent. À titre d’exemple, dans le dossier D2016-04-131, le plaignant faisait valoir que la publication d’un article rapportant le passage devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada de Maxime Bourdage, complice de l’assassinat de son père, ne présentait aucun intérêt public et n’avait pas de raison d’être. Il déplorait la diffusion d’une photo montrant M. Bourdage souriant et reprochait également aux mis en cause d’avoir publié sans autorisation et sans raison valable une photo de son père. Tout en reconnaissant « qu’il puisse être douloureux pour la famille du plaignant de voir ressurgir les événements tragiques qu’ils ont vécus », le Conseil a jugé que « la libération conditionnelle de M. Bourdage constituait une question d’intérêt public et que les mis en cause n’ont pas commis de manquement déontologique en traitant de ce sujet et en s’acquittant ainsi de leur devoir de suivi des affaires criminelles. Le Conseil considère également que la publication des photos d’archives de MM. Bourdage et Quenneville était légitime. »
Dans le cas présent, il était assurément douloureux pour les proches de Thomas Cameron d’apprendre les détails de l’agression, mais le fait de publier ces informations, qui étaient d’intérêt public, n’équivaut pas à un manque de respect ou de retenue envers la famille.
Grief 2 : manque de prudence dans la transmission d’information judiciaire
Principes déontologiques applicables
Information judiciaire : « Les journalistes et les médias d’information font preuve de prudence et d’équité en matière de couverture des affaires judiciaires et policières, étant donné l’importance des conséquences qui peuvent résulter de cette couverture. » (article 20 du Guide)
Droit à un procès juste et équitable et présomption d’innocence : « (1) Les journalistes et les médias d’information respectent le droit de toute personne à la présomption d’innocence et à un procès juste et équitable. » (article 20.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont manqué de prudence en faisant état du rapport d’incident produit par le gardien de parc qui a été témoin du meurtre de Thomas Cameron.
Décision
Le Conseil rejette le grief de manque de prudence dans la transmission d’information judiciaire.
Analyse
Les plaignants estiment que les détails provenant du rapport d’incident produit par le gardien de parc qui sont présentés dans le reportage pourraient nuire à l’enquête policière et au procès. Ils indiquent par ailleurs que l’information a été obtenue par « une faille médiatique ».
D’emblée, il est important de souligner que le journaliste pouvait faire état du contenu du rapport d’incident, qui était d’intérêt public, peu importe comment il l’a obtenu.
En ce qui concerne l’utilisation que le journaliste a faite de ces informations, les plaignants ne précisent pas de quelle façon elles pourraient compromettre le travail de la justice.
Le fait de rapporter le témoignage du gardien de parc qui est consigné dans le rapport d’incident ne constitue pas un manque de prudence; c’est, au contraire, une information qui éclaire le public au sujet du drame. Par ailleurs, au moment de la diffusion du reportage, aucun procès n’était amorcé et les journalistes n’étaient pas contraints à des restrictions de divulgation d’informations.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Groupe TVA qui n’est pas membre du Conseil de presse, et n’a pas répondu à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Karine Cameron et Rémi Cameron et une plaignante en appui contre Jasmin Dumas et TVA Nouvelles concernant les griefs de non-respect de personnes qui viennent de vivre un drame humain et de manque de prudence dans la transmission d’information judiciaire.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Martin Francoeur
Mélissa Guillemette
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Stéphan Frappier