Plaignant
Yves Michaud
Mis en cause
Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Yves Michaud dépose une plainte le 12 novembre 2019 contre Le Journal de Montréal concernant l’article « La borne Helix Fi pour les familles qui ne veulent pas dépasser les bornes ! » publié le 7 novembre 2019. Le plaignant déplore une omission de distinguer information et publicité.
CONTEXTE
Le texte présente les avantages du service Helix Fi de Vidéotron, une borne qui donnerait accès à Internet partout à l’intérieur de la maison et bloquerait les sites « malicieux ». Il parle notamment le contrôle parental « optimal » qui permet de gérer le temps d’écran des enfants et de fixer des horaires durant lesquels ils peuvent accéder à Internet.
Analyse
Grief 1 : omission de distinguer information et publicité
Principe déontologique applicable
Distinction claire entre publicité et information : « Les médias d’information établissent une distinction claire entre l’information journalistique et la publicité afin d’éviter toute confusion quant à la nature de l’information transmise au public. » (article 14.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si le média a omis de distinguer clairement entre l’information journalistique et la publicité afin d’éviter toute confusion quant à la nature de l’information transmise au public.
Décision
Le Conseil de presse retient le grief d’omission de distinguer information et publicité, car il juge que le média a contrevenu à l’article 14.2 du Guide.
Analyse
Le plaignant estime que le média n’a pas clairement identifié le texte comme étant de la publicité : « Cette page devrait être identifiée comme une infopub puisque ce produit [Hélix], offert par Vidéotron, est propriété du même conglomérat que le site web diffusant cet article, soit Québecor. »
Le texte est situé dans la section JM Techno du site web du Journal de Montréal, une section qui comprend des textes journalistiques dédiés aux nouvelles technologies. Selon le plaignant, « on présente un article vantant les mérites de la borne Helix Fi comme il est fait avec tout autre produit technologique » dans cette même section.
La publicité native, aussi appelée publicité « intégrée » ou publicité « caméléon », est une publicité qui prend la forme d’un article journalistique. Les normes de déontologie et les décisions antérieures du Conseil sont claires à ce sujet, en ce qui concerne la responsabilité des médias qui vendent ce genre de publicité : le public doit pouvoir immédiatement discerner le contenu publicitaire du contenu journalistique. Le Conseil a déjà eu plusieurs fois à déterminer si un média avait clairement établi la distinction entre une publicité et du contenu journalistique. En 2014 déjà, une décision visant un texte de La Presse+ soulignait qu’il était essentiel qu’un « contenu publicitaire [puisse], à première vue, être identifié comme tel. Tout lecteur doit être en mesure de faire cette constatation au premier coup d’œil, sans que ne soit requise de sa part une recherche ou une action quelconque ». On y décrivait la publicité native comme « une pratique relativement nouvelle et très populaire, qui consiste à intégrer des contenus commandités au cœur des contenus journalistiques ». Le comité des plaintes avait jugé que les articles du cahier XTRA de La Presse+, à l’époque, ne se distinguaient pas suffisamment du contenu journalistique pour que le public puisse d’emblée comprendre qu’il s’agissait de contenu publicitaire.
De la même façon, dans le cas présent, la présentation du texte publicitaire ne répond pas aux critères de clarté nécessaires. En ce qui concerne la mention « En collaboration avec », inscrite ici au-dessus du texte, suivi du logo de Vidéotron, le Conseil a déjà statué, par exemple dans la décision D2018-12-117, qu’elle est floue et ne permet pas de reconnaître aisément le caractère publicitaire du texte. La distinction serait plus claire s’il y avait eu une mention sans équivoque et bien en évidence comme « Publicité » ou « Promotion ».
L’association du logo de l’entreprise commanditaire, Vidéotron, et de la mention « En collaboration avec » ne permet pas de saisir clairement le caractère promotionnel du texte. De plus, le lecteur ne devrait pas avoir à cliquer sur le logo de l’annonceur pour saisir que ce dernier commandite l’article. S’il faut cliquer sur des logos ou sur des liens, c’est que le caractère publicitaire du texte n’est pas clair « à première vue ».
Par ailleurs, la mise en page du produit ne se différencie pas suffisamment de celle des articles journalistiques publiés sur ce site Internet et entretient ainsi la confusion sur la nature du texte :
- Le texte se situe dans la section « JM Techno », qui présente à la fois du contenu journalistique et de la publicité native;
- La structure du texte, la couleur mauve de la page et la typographie sont les mêmes que dans les articles journalistiques de la section « JM Techno »;
- Les lecteurs peuvent partager le texte sur les réseaux sociaux, comme s’il s’agissait d’un article journalistique. En général, les lecteurs ne peuvent pas partager de publicité à partir d’un site web vers des réseaux sociaux.
De plus, les informations situées au bas du texte ne fournissent pas d’indication qu’il s’agit de matériel commandité. Accompagnée du logo de Helix et de son slogan, la mention cliquable « Découvrez une nouvelle façon de vous divertir et de gérer votre vie connectée » mène vers le site Internet de l’annonceur, sans toutefois indiquer qu’il finance l’article.
Pour toutes ces raisons, la nature publicitaire du texte n’est pas évidente au premier coup d’œil. Le grief d’omission de distinguer publicité et information est donc retenu.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal, qui n’est pas membre du Conseil de presse, et qui n’a pas répondu à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Yves Michaud contre Le Journal de Montréal concernant le grief d’omission de distinguer information et publicité.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Richard Nardozza, président du comité des plaintes
Paul Chénard
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jed Kahane
Yann Pineau