Plaignant
Pierre Lefebvre
Mis en cause
Patrick Lagacé, animateur
Émission Le Québec maintenant
Station radiophonique 98,5 FM
Cogeco Média
Résumé de la plainte
Pierre Lefebvre dépose une plainte le 16 décembre 2019 contre l’animateur Patrick Lagacé, l’émission Le Québec maintenant et la station radiophonique 98,5 FM concernant une entrevue diffusée le 13 décembre 2019. Le plaignant déplore de l’information inexacte et une absence de correctif. Il pointe également de la partialité et un manque d’équilibre, des griefs qui n’ont pas été traités.
CONTEXTE
La plainte vise une entrevue réalisée par Patrick Lagacé avec la députée de Québec solidaire, Catherine Dorion. Cette entrevue porte sur une vidéo publiée sur les médias sociaux par la députée de Taschereau qui souhaite montrer que le format des travaux parlementaires ne permet pas de vrais débats. Dans cette vidéo, la députée présente des extraits d’une interpellation parlementaire où elle demande à la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, de justifier l’admissibilité du journalisme d’opinion au crédit d’impôt remboursable prévu dans le plan d’aide aux médias écrits. La députée déplore l’utilisation de différents stratagèmes de la part de la ministre pour éviter d’avoir à répondre directement à sa question. Dans les extraits présentés, la ministre évoque notamment son passé de journaliste, l’organisation d’une salle de rédaction et la crise des médias.
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si l’animateur Patrick Lagacé a transmis de l’information inexacte en affirmant que la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, n’a pas répondu à la question de la députée Catherine Dorion.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte.
Analyse
Le plaignant considère que l’animateur a transmis de l’information inexacte en disant que la ministre Nathalie Roy, interpellée par la députée Catherine Dorion, n’a pas répondu à sa question. Il avance que le visionnement complet de l’interpellation montre que la ministre Roy a, dans les faits, répondu à la question de Mme Dorion.
Le représentant des mis en cause, Pierre Martineau, vice-président, réseau parlé et directeur général 98.5 et Radio Circulation, affirme, quant à lui, que la ministre n’a pas répondu à la question posée par la députée de Taschereau : « Elle parle, elle parle, mais ne répond pas au sens où elle aborderait le fond de la question de madame Dorion. » La question à la ministre était pourtant « simple », selon lui. « Elle demande si l’argent qui a été alloué par le gouvernement pour sauver les médias va servir à financer l’information et le travail des journalistes ou si cela va servir à financer le salaire de certains travailleurs comme les chroniqueurs qui, selon elle, font déjà assez d’argent. La ministre se lance alors dans un énoncé rappelant son passé de journaliste, ses différents emplois dans le milieu au fil des ans. Elle va même jusqu’à expliquer le fonctionnement d’une salle des nouvelles », observe-t-il.
À l’écoute de l’émission, on constate que Patrick Lagacé, qui pratique le journalisme d’opinion, met la table pour son invitée en donnant son avis lorsqu’il amorce son entrevue en affirmant : « On va parler de langue de bois en politique. La députée solidaire Catherine Dorion a mis en ligne une vidéo assez fascinante dans laquelle elle montre à quel point c’est dur d’obtenir des réponses claires à l’Assemblée nationale […] Qu’est-ce que vous vouliez faire avec cette vidéo-là, où vous montrez la ministre de la Culture, Nathalie Roy, qui ne répond pas à vos questions? »
Dans son introduction, il précise ce qu’il entend par « répondre aux questions » lorsqu’il évoque la difficulté « d’obtenir des réponses claires ». Il ne nie pas que la ministre ait fourni certains éléments de réponses, mais il juge que ces réponses éludent la question posée par la députée. Il clarifie son point de vue au cours de l’entrevue, lorsqu’il dit que la réponse de la ministre était « vaseuse », « pleine de détours » et qu’elle n’avait « aucun rapport » avec la question de la députée. Il s’agissait de sa lecture des réponses offertes par la ministre à la question de la députée.
Le plaignant voit ici une erreur de fait (il est faux de dire que la ministre n’a pas répondu à la question), alors qu’il s’agit plutôt d’une question d’opinion. Selon la perspective, on peut trouver qu’elle a répondu à la question ou, au contraire, qu’elle l’a esquivée à travers des commentaires qui ne répondaient pas réellement à la question. Cette situation s’apparente à celle décrite dans la décision antérieure D2019-04-071, où l’animateur Dominic Maurais qualifiait la vague de manifestations pour l’environnement de 2019 de « vague de maladie mentale ». Bien que le plaignant considérait cette affirmation inexacte, le Conseil a constaté que l’animateur ne rapportait pas une information, mais qu’il partageait son opinion au sujet des appels à l’action pour réduire le réchauffement climatique. Ses propos exprimaient clairement un jugement de valeur qui implique une appréciation subjective, a souligné le Conseil qui a rappelé que les journalistes d’opinion disposent d’une grande latitude pour émettre leurs points de vue.
Similairement, dans le cas présent, le fait que la ministre ait répondu ou non à la députée est une question de perspective. Alors que le plaignant estime que la ministre a répondu « sans équivoque » lorsqu’elle affirme que « la chronique fait aussi partie de la liberté d’expression et à certains égards de l’information », les mis en cause considèrent pour leur part que « la ministre a offert peu de réponses et a énoncé de nombreux faits non pertinents au dossier ».
Le Conseil juge que l’animateur pouvait estimer que la ministre n’avait pas répondu à la question. En regardant l’interpellation, on constate par ailleurs que ce n’est qu’au cours de sa dernière intervention, au terme des deux heures, que la ministre affirme que « la chronique fait aussi partie de la liberté d’expression et à certains égards de l’information ». Peut-on dire qu’elle a répondu à la question de la députée? Cela demeure une question de perspective.
Grief 2 : absence de correctif
Principe déontologique applicable
Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a manqué à son devoir de correction des erreurs.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’absence de correctif.
Analyse
Le Conseil n’ayant constaté aucun manquement déontologique au grief d’information inexacte, le média n’avait pas à diffuser de correctif.
Griefs non traités : partialité et manque d’équilibre
Dans sa plainte, le plaignant déplorait également de la partialité et un manque d’équilibre. Ces deux griefs n’ont pas été traités puisque Patrick Lagacé pratique le journalisme d’opinion et que ce genre journalistique n’est pas soumis aux principes d’impartialité et d’équilibre, comme l’indique l’article 10.2 du Guide de déontologie.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Pierre Lefebvre contre Patrick Lagacé, l’émission Le Québec maintenant et le 98,5 FM concernant les griefs d’information inexacte et d’absence de correctif.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Martin Francoeur
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Stéphan Frappier