Plaignant
Patrick Robert-Meunier, conseiller politique au cabinet du maire de la Ville de Gatineau
Mis en cause
Roch Cholette, chroniqueur
Station radiophonique 104,7 FM
Cogeco Média
Résumé de la plainte
Patrick Robert-Meunier, conseiller politique au cabinet du maire de la Ville de Gatineau, dépose une plainte, le 21 janvier 2020, contre le chroniqueur Roch Cholette et la station radiophonique 104,7 FM concernant sa chronique diffusée dans le cadre de l’émission Que l’Outaouais se lève le 10 décembre 2019. Le plaignant déplore des informations inexactes, un refus de rectification et de la diffamation (non traitée).
CONTEXTE
Dans les jours précédant la chronique mise en cause, le quotidien Le Droit a publié une série d’articles qui rapportent que le personnel politique du maire de Gatineau est très présent sur les réseaux sociaux afin de corriger des informations avancées par le public ou des élus indépendants, ce qui en irrite certains.
Dans le cadre de sa chronique, Roch Cholette critique particulièrement le travail de l’attachée de presse du maire, Laurence Gillot. Selon lui, les interventions sur les médias sociaux de Mme Gillot et la façon dont elle s’occupe des élus d’Action Gatineau, le parti du maire, mais pas des autres conseillers municipaux, n’est pas équitable et « pas très éthique ». Le chroniqueur estime qu’un projet de loi récemment déposé par le gouvernement québécois permettra d’encadrer le travail du personnel politique du cabinet du maire qui sera dorénavant soumis à un code d’éthique et de déontologie.
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
1.1 « Pas très éthique »
Le Conseil doit déterminer si le chroniqueur a transmis de l’information inexacte en qualifiant de « pas très éthique » le travail de Laurence Gillot dans l’extrait suivant : « On trouvait que, qu’avec les attaques sur Facebook et la façon dont elle s’occupe, par exemple, d’Action Gatineau, des élus d’Action Gatineau, mais pas des autres, moi je trouve ça inéquitable, injuste, probablement pas éthique, pas très éthique ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Analyse
Le plaignant considère que le chroniqueur transmet de l’information inexacte lorsqu’il qualifie le travail de Laurence Gillot de « pas très éthique ». Selon lui, « il n’existe aucune règle, aucune loi, aucun guide, ni aucune convention du point de vue de l’éthique qui empêche un employé politique d’un cabinet de maire d’intervenir sur les réseaux sociaux. L’affirmation de M. Cholette est sans fondement et est fausse. »
À l’écoute de l’extrait mis en cause, le Conseil constate que les propos visés par la plainte expriment le point de vue du chroniqueur concernant le travail de Mme Gillot et non une information factuelle. Le chroniqueur exprime clairement le fait qu’il émet son opinion en employant les mots « moi, je trouve » dans la phrase ciblée.
Ce n’est pas la première fois que le Conseil analyse un grief d’inexactitude en concluant qu’il s’agit d’une question d’opinion et non d’une question de fait. Cette situation s’apparente à celle décrite dans la décision antérieure (D2019-04-071), où le Conseil a rejeté un grief d’information inexacte puisque les termes reprochés à l’animateur Dominic Maurais exprimaient clairement un jugement de valeur qui impliquait une évaluation et une appréciation subjective. Le plaignant déplorait que M. Maurais qualifie la vague de manifestations pour l’environnement de « vague de maladie mentale » et suggérait que les jeunes qui se mobilisaient pour l’environnement étaient des personnes souffrant d’anxiété. Le Conseil a déterminé que, dans ce segment, l’animateur ne rapportait pas une information, mais partageait son opinion au sujet des appels à l’action pour réduire le réchauffement climatique. Dans cette décision, le Conseil rappelle également que les journalistes d’opinion disposent d’une grande latitude pour émettre leurs points de vue.
Dans le cas présent, le Conseil observe que la notion de manque d’éthique est subjective. Quelqu’un peut percevoir qu’une personne ne se comporte pas de façon « éthique » alors qu’une autre personne n’y verrait pas de problème, puisqu’on ne partage pas tous les mêmes principes moraux. Les commentaires du chroniqueur ne se basaient pas sur un fait vérifiable, mais plutôt sur son appréciation personnelle du travail de Mme Gillot.
1.2 Élus
Le Conseil doit déterminer si le chroniqueur a transmis de l’information inexacte en affirmant que Mme Gillot « s’occupe des élus d’Action Gatineau, mais pas des autres », comme l’allègue le plaignant.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Analyse
Selon le plaignant, le chroniqueur transmet de l’information inexacte en affirmant que Laurence Gillot « s’occupe des élus d’Action Gatineau, mais pas des autres » lorsqu’il affirme : « On a eu la semaine passée la discussion sur le rôle de Laurence Gillot pis du personnel politique au cabinet du maire et on trouvait que, qu’avec les attaques sur Facebook et la façon dont elle s’occupe, par exemple, d’Action Gatineau, des élus d’Action Gatineau, mais pas des autres, moi je trouve ça inéquitable, injuste, probablement pas éthique, pas très éthique. »
À l’écoute de ce segment, on constate que le chroniqueur critique « la façon dont elle s’occupe (…) des élus d’Action Gatineau ». Cela ne signifie pas que Mme Gillot ne « s’occupe » pas du tout des élus indépendants, comme l’interprète le plaignant. D’emblée, le terme « s’occuper » de quelqu’un laisse une grande place à l’interprétation. Que signifie « s’occuper de quelqu’un »? Les perspectives peuvent varier. Au cours de la chronique de M. Cholette, le commentaire de l’animateur de l’émission Michel Langevin démontre, par exemple, qu’une autre interprétation que celle du plaignant est possible. M. Langevin considère que Mme Gillot s’occupe trop des élus d’Action Gatineau et il lui reproche son omniprésence dans l’extrait suivant : « C’est vrai qu’à Gatineau, si tu veux parler à certains conseillers qui sont membres d’Action Gatineau, Mme Gillot supervise (…) leurs discours, leurs sorties. Si tu veux parler à d’autres conseillers municipaux qui sont à juste titre, qui sont égal à ceux d’Action Gatineau, là, elle n’apparaît pas dans le décor. »
Le dossier D2017-11-134 a également été rejeté sur la base d’une mauvaise interprétation d’un passage de l’article mis en cause. Alors que le plaignant considérait qu’il était inexact d’écrire que « le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu se range derrière sa collègue Lynn Beyak » puisque cela laissait entendre qu’il se rangeait derrière ses propos et « partageait l’opinion de cette parlementaire, ce qui n’était pas du tout le cas ». Le Conseil a jugé que, « malgré l’interprétation du plaignant, l’expression utilisée par la journaliste “se ranger derrière sa collègue” ne signifiait pas nécessairement que M. Boisvenu souscrivait à l’opinion de Mme Beyak, mais pouvait aussi signifier qu’il lui reconnaissait le droit d’émettre son opinion, alors que la pression montait pour qu’elle soit évincée du caucus conservateur après avoir prononcé ces propos controversés. »
De la même façon, dans le cas présent, l’interprétation faite du verbe « s’occuper » par le plaignant ne correspond pas à ce que le chroniqueur affirme. Selon le plaignant, en utilisant ce verbe, le chroniqueur indique que Mme Gillot ne s’occupe pas des élus indépendants. Le Conseil constate que ce n’est pas le point de vue soutenu par le chroniqueur qui dit plutôt que Mme Gillot s’occupe différemment des élus indépendants. Le chroniqueur est tout à fait libre de présenter son opinion et le fait que le plaignant ne la partage pas ne constitue pas un manquement à l’exactitude.
1.3 Projet de loi 49
Le Conseil doit déterminer si le chroniqueur a transmis de l’information inexacte en affirmant que Mme Gillot enfreindrait le code d’éthique et de déontologie du personnel de cabinet prévu dans le projet de loi 49.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte sur ce point.
Analyse
Le plaignant estime que le chroniqueur fait « une interprétation inexacte des intentions du futur code et de son application relativement au rôle de madame Gillot » lorsqu’il affirme que cette dernière enfreindrait des dispositions prévues dans le projet de loi 49 qui aura pour effet l’adoption d’un code d’éthique et de déontologie destiné aux employés de cabinet. Selon lui, le chroniqueur affirme également que ce code d’éthique et de déontologie ne permettra plus à Mme Gillot d’intervenir sur les médias sociaux ni de défendre les décisions du conseil municipal.
Tout comme dans le dossier D2019-05-078, le Conseil constate que l’inexactitude alléguée relève de l’interprétation du plaignant. Dans cette décision antérieure, le Conseil a constaté que le chroniqueur n’avait pas écrit ce que le plaignant alléguait.
Dans le cas présent, contrairement à ce que fait valoir le plaignant, le chroniqueur n’affirme pas que l’adoption d’un code d’éthique pour le personnel de cabinet ne permettra plus à Mme Gillot d’intervenir sur les réseaux sociaux ni de défendre les décisions du conseil municipal. Il ne va pas aussi loin et n’affirme rien d’aussi précis. Il se limite à dire que l’adoption d’un code d’éthique pour le personnel de cabinet permettra d’éviter une situation qu’il qualifie de « far west ». Le Conseil n’y voit aucune erreur de fait, seulement un point de vue.
Grief 2 : refus de rectification
Principe déontologique applicable
Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a manqué à son devoir de rectifier les informations inexactes.
Décision
Le Conseil rejette le grief de refus de rectification.
Analyse
Le Conseil n’ayant constaté aucun manquement déontologique au grief d’informations inexactes, le média n’avait pas à diffuser de correctif.
Grief non traité : diffamation
« La plainte ne peut constituer une plainte de diffamation, viser le contenu d’une publicité ou exprimer une divergence d’opinions avec l’auteur d’une publication ou d’une décision. » (Règlement No 2, article 13.04)
Le plaignant déplore de la diffamation, un grief que le Conseil ne traite pas, car la diffamation n’est pas considérée comme étant du ressort de la déontologie journalistique et relève plutôt de la sphère judiciaire.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Patrick Robert-Meunier contre Roch Cholette et le 104,7 FM concernant les griefs d’informations inexactes et de refus de rectification.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Martin Francoeur
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Stéphan Frappier