Plaignant
Steve Rail
Mis en cause
Alain Laforest, journaliste
TVA Nouvelles
Groupe TVA
Résumé de la plainte
Steve Rail dépose une plainte le 29 janvier 2020 concernant l’article web du journaliste de TVA Alain Laforest « Armes à feu : QS demande un certificat médical avant l’acquisition » et l’intervention télévisée sur le même sujet diffusé à TVA Nouvelles le 28 janvier 2020. Le plaignant déplore de l’information inexacte et un manque d’identification des sources.
CONTEXTE
L’article et la discussion télévisée entre l’animateur et le journaliste rapportent la demande du parti d’opposition Québec solidaire au gouvernement de François Legault qu’un certificat médical soit nécessaire avant de pouvoir soumettre une demande de permis d’armes à feu. À la fin de la conversation télévisée, le journaliste cite la réponse du cabinet de la ministre de la Sécurité publique et fait le point sur l’immatriculation des armes à feu dans la province depuis l’entrée en vigueur, en 2018, du registre québécois des armes à feu.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si, comme l’allègue le plaignant, Alain Laforest a produit de l’information inexacte en affirmant : « À ce jour, on estime que 80 000 armes à feu n’ont toujours pas fait l’objet d’un enregistrement auprès du contrôleur des armes à feu ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’inexactitude.
Analyse
Le plaignant affirme que « le chiffre de 80 000 armes avancé dans le texte est inexact ». Il considère que le journaliste « se trompe complètement sur [cette] estimation ». Le plaignant affirme : « selon mes infos, c’est un minimum de 500 000 armes qui ne sont pas encore enregistrées ». Il ajoute que « selon la GRC, ce serait plutôt de 3 000 000 ». Il n’apporte toutefois aucune preuve des chiffres qu’il avance.
Ce chiffre de 80 000 armes est rapporté dans l’article web dans le passage suivant : « À ce jour, on estime que 80 000 armes à feu n’ont toujours pas fait l’objet d’un enregistrement auprès du contrôleur des armes à feu ».
À la télévision de TVA Nouvelles, le journaliste rapporte « que depuis le 27 janvier, il y a plus de 1 100 000 armes qui ont été enregistrées et […] que lors du démantèlement du registre canadien des armes à feu, au Québec on parlait de 1 600 000 ». Il affirme ensuite qu’il en resterait « à peu près 80 000 à enregistrer ».
Le Conseil a tenté de comprendre d’où provenait le chiffre de 80 000 armes avancé par Alain Laforest, en analysant les chiffres qu’il donne en ondes. Lorsqu’on soustrait 1 100 000 (le nombre d’armes qu’il rapporte comme ayant été enregistrées au registre québécois depuis le 27 janvier) de 1 600 000 (le nombre d’armes qu’il affirme étaient enregistrées au Québec lors du démantèlement du registre canadien), on arrive à une différence de 500 000 armes. Ce nombre correspond au chiffre avancé par le plaignant. Cependant, ni le plaignant ni le journaliste n’ont fourni au Conseil les preuves nécessaires pour justifier ou démentir le chiffre de 80 000. En l’absence de preuve, il est impossible pour le Conseil de retenir l’inexactitude alléguée.
Plusieurs décisions antérieures – dont la D2004-07-006 – ont établi qu’« il revient au plaignant de faire la preuve des accusations qu’il formule ». Lorsque le Conseil n’a pas les preuves nécessaires pour trancher à propos de l’inexactitude alléguée, il se voit dans l’obligation de rejeter le grief d’information inexacte. La décision antérieure D2018-04-037 abonde dans le même sens : « Lorsque le Conseil examine une allégation d’inexactitude, il ne retient le grief que s’il a une preuve démontrant qu’une information inexacte a été véhiculée ». Pareillement dans le cas présent, le Conseil accorde le bénéfice du doute au journaliste.
Grief 2 : manque d’identification des sources
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes identifient leurs sources d’information, afin de permettre au public d’en évaluer la valeur, sous réserve des dispositions prévues à l’article 12.1 du présent Guide. » (article 12 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont omis d’identifier la source du chiffre de « 80 000 armes à enregistrer ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient le grief de non-identification des sources.
Analyse
Le plaignant reproche que « le chiffre de 80 000 armes avancé dans le texte semble sortir de nulle part » dans le dernier paragraphe : « À ce jour, on estime que 80 000 armes à feu n’ont toujours pas fait l’objet d’un enregistrement auprès du contrôleur des armes à feu. » Il pense que « le journaliste se trompe complètement et [il] aimerait connaître sa source pour avancer un tel chiffre. »
Dans sa conversation télévisée, le journaliste cite textuellement la réponse du cabinet de la ministre de la Sécurité publique à la proposition de Québec solidaire en identifiant sa source : « Ce qu’on nous écrit du côté du cabinet de la ministre de la Sécurité publique : “Le Québec est déjà l’État le plus strict pour le contrôle des armes à feu en Amérique du Nord. En tant que société, nous avons pris et adopté des mesures pour resserrer la possession des armes d’épaule au Québec. Nous sommes toujours prêts à discuter avec le fédéral concernant des mesures pour améliorer le contrôle des armes à feu. Cependant, il faut souligner que nous devons lutter de façon efficace contre le crime organisé et les criminels qui, eux, n’enregistrent pas leurs armes”. » La même citation a été reprise dans l’article web rédigé avec les informations fournies par le journaliste Alain Laforest.
Cependant, après cette citation, le journaliste enchaîne avec plusieurs chiffres sur les armes enregistrées au Québec, mais sans spécifier d’où proviennent ces informations : « On souligne également que depuis le 27 janvier il y a plus de 1 100 000 armes qui ont été enregistrées […], lors du démantèlement du registre canadien des armes à feu, au Québec, on parlait de 1 600 000, il en resterait à peu près 80 000 à enregistrer ».
Le Conseil n’a pas été en mesure d’identifier à qui ou à quoi fait référence le pronom « on » employé dans les passages cités, ni au visionnement du passage télévisé ni à la lecture de l’article sur le site Internet.
Or, les journalistes doivent identifier leurs sources d’information, afin de permettre au public d’en évaluer la valeur, tel que l’indique l’article 12 du Guide.
Il semblerait logique d’associer le pronom « on » au cabinet de la ministre de la Sécurité publique. Cela serait notamment plausible pour les chiffres de 1 100 000 et de 1 600 000, puisqu’ils renvoient au Service d’immatriculation des armes à feu du Québec, qui est un organisme du ministère de la Sécurité publique. Cependant, le chiffre résultant de la soustraction sème la confusion, puisqu’il ne donne pas le nombre de 80 000 armes avancé. Il aurait donc été important d’expliquer clairement l’origine du chiffre de 80 000, que le journaliste avance au conditionnel sans identifier sa source. La source de ce chiffre aurait permis au public d’en évaluer la valeur.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Groupe TVA qui n’est pas membre du Conseil de presse et n’a pas répondu à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Steve Rail et blâme TVA Nouvelles et le journaliste Alain Laforest concernant le grief de non-identification des sources. Le grief d’inexactitude est rejeté.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement 2, article 31.02)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Ericka Alneus, présidente du comité des plaintes
Richard Nardozza
Représentantes des journalistes :
Marie-Josée Paquette-Comeau
Lisa-Marie Gervais
Représentantes des entreprises de presse :
Maxime Bertrand
Marie-Andrée Prévost