Plaignant
François Couillard
Mis en cause
Richard Martineau, chroniqueur
Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Le 6 février 2020, François Couillard dépose une plainte au sujet d’une chronique de Richard Martineau intitulée « Les sans-mémoire », publiée sur le site web du Journal de Montréal le 5 février 2020. Le plaignant déplore une information inexacte.
CONTEXTE
Dans sa chronique, Richard Martineau dénonce le dogmatisme de jeunes universitaires qui, selon lui, « se croient à l’avant-garde du progressisme et qui transforment nos établissements d’enseignement en “usines à fabriquer de la bien-pensance” ». Selon lui, ces étudiants souhaitent « réinventer l’homme » en reniant « sa culture, ses racines, son passé, même son ADN ». Le chroniqueur dit avoir l’impression que certains étudiants au cégep et à l’université n’ont aucune connaissance de l’histoire et affirme qu’il n’y a pas de pire régime que ceux qui veulent « réinventer l’homme ». Il donne en exemples les cas de Hitler, de Pol Pot, de Staline et de Kim Jong Il.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEF DU PLAIGNANT
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si chroniqueur a produit de l’information inexacte en attribuant la citation suivante à Karl Marx : « Celui qui ne connaît pas l’Histoire est condamné à la revivre. »
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’information inexacte.
Analyse
Le plaignant soutient que Karl Marx n’est pas l’auteur de la citation « Celui qui ne connaît pas l’Histoire est condamné à la revivre ». François Couillard indique que le philosophe a plutôt écrit que « tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois […] la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce ». Or cette information ne permet pas de déterminer si Karl Marx est à l’origine de la citation figurant dans la chronique de Richard Martineau.
Il faut dire qu’un certain flou subsiste quant à la provenance de cette citation. Le site web du « Guichet du savoir » de la Bibliothèque municipale de Lyon explique qu’on « trouve toujours sur Internet de multiples variantes de la phrase en question […] Et de multiples noms circulent : Karl Marx, Primo Levi, Winston Churchill, George Santayana et Laura Dethiville […] Il se pourrait aussi que la phrase appartienne à la tradition orale et ait été reprise par les personnalités précédemment citées ». Cela dit, plusieurs médias français, tels que Le Figaro, Le Parisien et Ouest-France, attribuent, dans leurs sections respectives consacrées aux citations célèbres, la citation « Celui qui ne connaît pas l’Histoire est condamné à la revivre » à Karl Marx. Le Conseil n’ayant pas la preuve que l’attribution de cette citation est inexacte, le grief est rejeté.
Les décisions antérieures stipulent que lorsque le Conseil examine une allégation d’inexactitude, il ne retient le grief que s’il a une preuve démontrant qu’une information inexacte a été véhiculée. En l’absence de preuve, il donne le bénéfice du doute au journaliste. Par exemple, dans le dossier D2017-03-040, la plaignante soutenait qu’il était inexact d’écrire que Hanna Reitsch était la seule femme à avoir reçu la Croix de fer première classe, une distinction militaire, car, selon elle, deux femmes avaient reçu cette distinction. Cependant, elle n’en fournissait pas la preuve. Le grief d’information inexacte a donc été rejeté. De la même manière dans le cas présent, le Conseil ne dispose pas de la preuve nécessaire pour trancher que Richard Martineau a produit une information inexacte en attribuant la citation à Karl Marx.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal, qui n’est pas membre du Conseil de presse, et n’a pas répondu à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de François Couillard contre Richard Martineau et Le Journal de Montréal concernant le grief d’information inexacte.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Suzanne Legault, présidente du comité des plaintes
François Aird
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jed Kahane
Yann Pineau