Plaignant
Michael Peters
Mis en cause
La Presse
Résumé de la plainte
Michael Peters porte plainte le 22 mars 2020 contre La Presse au sujet d’une chronique publiée le même jour dans la section Affaires de La Presse+. Le plaignant reproche une inexactitude et du sensationnalisme dans le titre de l’article.
CONTEXTE
Le 16 mars 2020, alors que le pays commence à être touché par des cas de COVID-19, le premier ministre Justin Trudeau décide de fermer les frontières canadiennes. Dans le même temps, il demande aux citoyens et résidents permanents canadiens qui se trouvent à l’extérieur du pays d’écourter leur voyage et de rentrer.
La chronique dont le titre est mis en cause est publiée six jours plus tard. Pour commencer, la chroniqueuse raconte le cas d’un couple de snowbirds qui a appris, en consultant le site de son assureur, SSQ Assurance, qu’il cesserait d’être couvert en raison de l’avis du gouvernement aux Canadiens de rentrer au pays. Puis, elle avertit les snowbirds que leur assurance pourrait cesser de les couvrir en raison de cette situation exceptionnelle et leur conseille, en s’appuyant sur l’avis émis par l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP), de vérifier la protection dont ils disposent auprès de leur compagnie d’assurances afin de ne pas avoir de mauvaises surprises. L’article parle dans la majeure partie du texte de la compagnie SSQ Assurance.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, comme défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEFS DU PLAIGNANT
Grief 1 : inexactitude dans le titre
Principes déontologiques applicables
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide)
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a manqué à son devoir d’exactitude en titrant « Les assureurs coupent les ailes aux snowbirds ».
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’inexactitude, car il juge que le média n’a pas contrevenu aux articles 9 a) et 14.3 du Guide.
Analyse
Dans le cas d’une plainte visant un titre, seul le média est mis en cause, car le journaliste n’est pas responsable de l’édition de son article, qui inclut le titre, les sous-titres, les photos, les graphiques, les bas de vignette et tout autre élément d’habillage, qui relève de la rédaction.
Le plaignant juge que le titre de l’article est « trompeur » dans la mesure où il « laisse croire que tous les assureurs cessent de couvrir les snowbirds, alors que ce n’est pas le cas. Il s’agit uniquement des personnes couvertes par la SSQ et en plus, il y a des exceptions ». Il déplore qu’« il f[aille] lire attentivement l’article pour comprendre que le titre est trompeur ».
Le média mis en cause réplique que le titre « reflète l’information qui y est véhiculée, soit le fait que des assureurs avisaient des assurés qui se trouvaient à l’extérieur du pays de revenir au Canada sans quoi ils perdraient leur couverture d’assurances en raison de la pandémie de la COVID-19 ».
Bien que le plaignant affirme que le titre de la chronique « Les assureurs coupent les ailes aux snowbirds » a suscité chez plusieurs snowbirds un « vent de panique », le Conseil note que, tel que le souligne le média mis en cause dans sa réplique, le titre fait directement écho à ce que dit la chronique, qui reprend l’avis émis par l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP), une association sans but lucratif dont les membres détiennent 99 % des affaires d’assurances vie et maladie en vigueur au Canada (selon ce que rapporte le site Internet de l’association). La chronique est publiée deux jours après l’avis de l’ACCAP, et la chroniqueuse en rapporte le contenu dans sa quasi-intégralité.
Dans son avis, l’ACCAP met en garde les voyageurs qui voudraient poursuivre leur séjour à l’étranger, et faire ainsi fi de l’avis émis par le gouvernement canadien exhortant à ses ressortissants de rentrer au pays :
La décision de demeurer à l’étranger aura des conséquences sur votre couverture d’assurance maladie et entraînera des complications. Par exemple :
Il est possible que la COVID-19 et d’autres maladies ne soient pas couvertes ;
Il deviendra très difficile pour les assureurs de vous ramener dans votre province en cas d’urgence médicale.
Les assureurs de personnes et le gouvernement du Canada vous conseillent vivement de prendre immédiatement des mesures pour rentrer au pays, pendant que des vols sont encore disponibles.
À la lecture de cet avis de l’ACCAP, repris par la chroniqueuse dans son texte, le Conseil juge que le titre « Les assureurs coupent les ailes aux snowbirds » peut tout à fait s’appliquer au contenu de la chronique. Le titre peut s’entendre comme « les assureurs auxquels La Presse a parlé » ou encore « les assureurs qui se sont exprimés sur le sujet revoient leur couverture pour les assurés à l’extérieur du pays ». Le fait que le plaignant le comprenne comme une affirmation selon laquelle tous les assureurs cessent de couvrir les assurés relève de son interprétation.
Plusieurs décisions antérieures portent sur le choix de mots effectué par le média ou les journalistes. Ainsi, dans la décision D2018-05-065, le Conseil a rejeté le grief d’inexactitude. La plaignante indiquait que la phrase suivante était inexacte, soutenant qu’elle ne connaissait pas de « volte-face » dans sa vie : « Physiquement, les opérations, la prise d’hormones, les volte-face ont laissé des séquelles physiques permanentes, particulièrement d’un point de vue urinaire. » Le Conseil a estimé que l’inexactitude alléguée par Mme Chédor relevait de la marge d’interprétation de la journaliste, qui pouvait utiliser le terme « volte-face » pour illustrer le parcours de la plaignante, qui avait changé de sexe à plusieurs reprises.
De la même façon, dans le cas présent, les mots choisis par le média dans le titre de la chronique sont sujets à interprétation, ce qui ne constitue pas une inexactitude.
Grief 2 : sensationnalisme
Principe déontologique applicable
Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le média a fait preuve de sensationnalisme en titrant « Les assureurs coupent les ailes aux snowbirds ».
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de sensationnalisme.
Analyse
Le plaignant reprend les mêmes arguments que pour le grief précédent.
Les mis en cause ajoutent « qu’il est clair à la lecture du texte que le titre représente fidèlement son essence, soit le fait qu’une large part des snowbirds risquaient de se voir retirer leur couverture d’assurance s’ils ne rentraient pas au pays. »
Le comité juge que le titre de l’article est fidèle à la réalité décrite dans la chronique et constitue un titre accrocheur, sans toutefois que celui-ci soit sensationnaliste. Un titre journalistique a deux fonctions : inciter le lecteur à lire l’article et donner une information de manière très concise. L’information véhiculée dans ce titre et dans l’article était d’un grand intérêt public et il était important d’inciter le lecteur à prendre connaissance de ces nouvelles informations qui pouvaient avoir un impact non négligeable pour les Canadiens qui se trouvaient à l’étranger. Le média n’a pas commis de faute déontologique en alertant les snowbirds sur le risque qu’ils perdent leur couverture d’assurance et en les incitant à lire la chronique, qui leur suggère de vérifier auprès de leur assureur de quelle protection ils disposent.
Par le passé, le Conseil a souligné, comme dans la décision D2018-01-004, qu’il est « important de distinguer un titre accrocheur d’un titre sensationnaliste, en termes de déontologie journalistique. Un titre rédigé pour attirer l’attention du lecteur n’est pas sensationnaliste à moins qu’il ne déforme les faits. Le sensationnalisme implique une exagération abusive ou une interprétation qui ne représente pas la réalité. »
Dans ce dossier, le Conseil avait rejeté le grief de titre sensationnaliste. Le plaignant reprochait au média d’avoir titré « Chambly : une séance du conseil municipal sous surveillance policière », ce qui, selon lui, ne « refl[était] en rien le sujet traité » puisque l’article portait sur le nouveau règlement de la municipalité interdisant la captation d’images lors des séances du conseil municipal. Le Conseil a jugé au contraire que ce titre était conforme aux faits énoncés dans l’article et qu’il ne déformait en rien la réalité. En effet, l’article traite du nouveau règlement municipal et s’amorce en indiquant que « la première séance du conseil municipal de 2018 s’est déroulée sous surveillance policière ». On y précise : « Deux agentes étaient présentes dans la salle, à la demande du maire, pour faire régner l’ordre. » Le titre reflète donc le contenu de l’article.
En l’occurrence, le titre « Les assureurs coupent les ailes aux snowbirds » laisse place à l’interprétation, mais ne déforme nullement la réalité ; il reflète plutôt les faits rapportés dans l’article. Par ailleurs, il crée un effet d’attente et incite le lecteur à lire la chronique pour en savoir davantage, ce qui est l’objectif d’un titre.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Michael Peters contre La Presse pour des griefs d’inexactitude et de sensationnalisme.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Représentants des journalistes :
Mélissa Guillemette
Martin Francoeur
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Stéphan Frappier