Plaignant
Municipalité de Deschambault-Grondines
(Claire St-Arnaud, directrice générale et secrétaire-trésorière)
Mis en cause
Marie-France Bélanger, journaliste
François Sanche, animateur
L’émission La Facture
ICI Radio-Canada Télé
Résumé de la plainte
La municipalité de Deschambault-Grondines, par l’entremise de sa directrice générale et secrétaire-trésorière, Claire St-Arnaud, dépose une plainte le 27 avril 2020 au sujet du reportage « La vente d’un terrain suscite la grogne à Deschambault-Grondines » de la journaliste Marie-France Bélanger présenté à l’émission La Facture, animée par François Sanche, le 14 avril 2020 à ICI Radio-Canada Télé. La plaignante déplore du sensationnalisme, des informations incomplètes, des informations inexactes, de la partialité et des images inadéquates.
CONTEXTE
Le reportage rapporte le mécontentement de citoyens de Deschambault-Grondines, une municipalité de la région de la Capitale-Nationale, concernant la vente d’un immeuble et d’un terrain appartenant à Hydro-Québec. Certains citoyens auraient souhaité acquérir cette propriété qui a été vendue à un prix sous l’évaluation municipale, de gré à gré à une microbrasserie, dont le directeur général est le fils d’un conseiller municipal de la municipalité.
Analyse
Grief 1 : sensationnalisme
Principe déontologique applicable
Sensationnalisme : « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée réelle des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si le reportage déforme la réalité en laissant croire que la Municipalité a posé une « manœuvre illégale ou irrégulière », comme l’allègue la plaignante.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de sensationnalisme.
Analyse
La plaignante considère que, bien que le reportage rapporte le malaise de citoyens face à la vente d’un bâtiment appartenant à Hydro-Québec au fils d’un conseiller municipal, « aucun élément factuel ne permet de démontrer une réelle manœuvre illégale ou irrégulière de la Municipalité ». Selon elle, « le reportage démontre une intention évidente de susciter une impression de scandale plutôt que de rapporter l’information factuelle ». Elle ne vise cependant aucun passage ou terme en particulier qui témoigneraient de sensationnalisme.
La plaignante interprète le contenu du reportage, car, comme l’indiquent les mis en cause, le reportage « n’accuse personne d’avoir posé un geste illégal ou d’avoir commis quelque irrégularité dans la vente du terrain ». Ils précisent que « le questionnement soulevé par le reportage se situe donc au niveau éthique, et non juridique ».
Le reportage rapporte sans exagération le mécontentement de citoyens concernant ce qu’ils perçoivent comme un manque de transparence dans la gestion de la transaction du Centre Hydro-Québec, dont certains auraient souhaité se porter acquéreurs.
Bien que la Municipalité n’ait pas apprécié le contenu du reportage, elle n’a pas été en mesure de démontrer d’exagération ou d’interprétation abusive des faits.
Grief 2 : informations incomplètes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
2.1 Prix de vente
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet en ce qui concerne le prix de vente du terrain.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations incomplètes sur ce point.
Analyse
La Municipalité déplore que le reportage ne présente pas les explications d’Hydro-Québec pour justifier la vente de la propriété sous l’évaluation foncière municipale. Selon la Municipalité, « il fallait dire aux téléspectateurs que des dépenses d’amélioration et de mise aux normes au-delà de 100 000 $ étaient à prévoir sur cet immeuble. »
Tout d’abord, la plaignante n’apporte pas la preuve de ce qu’elle avance au sujet des travaux nécessaires au bâtiment. Par ailleurs, le Conseil constate que l’information souhaitée par la plaignante était inconnue des mis en cause puisqu’ils affirment que le porte-parole d’Hydro-Québec ne leur a jamais mentionné que l’immeuble nécessitait des investissements de plus de 100 000 $. Ils ajoutent que cette information ne figurait pas dans les documents obtenus d’Hydro-Québec grâce à la Loi d’accès à l’information.
Il arrive que des plaignants estiment qu’une information manque à un reportage, mais que cette information n’était pas connue du journaliste au moment du reportage, et donc impossible à intégrer. Il s’avère aussi parfois que l’information souhaitée par un plaignant était connue du journaliste, mais qu’il a omis volontairement de l’inclure, estimant qu’elle n’était pas essentielle à la compréhension du sujet, un reportage ayant une durée limitée. Dans la décision antérieure D2019-09-128, l’information souhaitée par le plaignant n’était pas disponible au moment de la rédaction de l’article. Le Conseil a jugé qu’« on n’aurait donc pas pu exiger de la journaliste de faire état du lien entre les maladies pulmonaires et l’acétate de vitamine E puisque ce lien n’avait pas été établi de manière officielle au moment de la publication de l’article visé par la plainte. »
Dans le cas présent, cependant, l’information qu’aurait souhaité voir la plaignante, en plus d’être inconnue du média, n’était de toute façon pas essentielle à la compréhension de ce reportage qui portait sur la grogne des citoyens concernant le processus de vente du terrain.
2.2 Choix de l’acheteur
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet en ne présentant pas les explications d’Hydro-Québec en ce qui concerne le choix de l’acheteur, tel que l’allègue la plaignante.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations incomplètes sur ce point.
Analyse
La plaignante reproche aux mis en cause « l’absence de questionnements importants adressés au représentant d’Hydro-Québec lorsqu’il affirme que l’organisme a choisi l’acheteur sur la base du “premier arrivé, premier servi” et lorsqu’il affirme qu’en moins de trois quarts d’heure séparant la transmission des coordonnées d’un premier acheteur potentiel et celles d’un second, Hydro-Québec aurait déjà eu le temps de contacter le premier et de juger ce contact suffisant pour ne pas explorer d’autres options ». Elle ajoute qu’« en tant que décideur dans le contexte de la vente de son immeuble, Hydro-Québec aurait certainement pu expliquer les motivations qui justifiaient les décisions qui ont été prises dans le cadre de cette transaction. »
Les mis en cause indiquent qu’ils ont « posé plusieurs questions à Hydro-Québec sur la façon de procéder. Chaque fois, la réponse du porte-parole a été la même. » Ils précisent que « le porte-parole d’Hydro-Québec explique que la société d’État a choisi d’y aller sur la base du premier arrivé, premier servi. Il affirme : “Nous, on avait contacté déjà le premier acheteur qui nous avait été référé (…) Et on y est allé également sur la base du premier arrivé, premier servi.” »
Au visionnement du reportage, on constate que l’information souhaitée par la Municipalité y est, en fait, présentée puisque le porte-parole d’Hydro-Québec, Cendrix Bouchard, explique la façon dont la société d’État a choisi l’acheteur. Il affirme : « On aurait pu procéder par appel de proposition, on a choisi de procéder par une vente de gré à gré. » M. Bouchard ajoute que la municipalité a soumis le nom de deux acheteurs potentiels avant de conclure : « Nous, on avait contacté déjà le premier acheteur qui nous avait été référé et on y est allé, également, sur la base du premier arrivé, premier servi. »
En rapportant la décision d’Hydro-Québec de procéder à la vente sur le principe du premier arrivé, premier servi, les mis en cause n’omettent pas d’information essentielle à la compréhension du sujet. On ne peut pas reprocher à la journaliste de ne pas avoir obtenu les réponses qu’aurait souhaitées la plaignante.
2.3 Troisième acheteur
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont omis de l’information essentielle au sujet d’un troisième acheteur potentiel.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations incomplètes sur ce point.
Analyse
La plaignante considère que la journaliste a omis de mentionner qu’il y avait un troisième acheteur potentiel dont elle avait transmis le nom à Hydro-Québec. Selon elle, cela aurait permis d’appuyer « le fait que la Municipalité a simplement servi de messager, sans toutefois être impliquée dans le processus de vente d’Hydro-Québec ». De plus, elle estime que le fait de mentionner que le troisième nom a été transmis deux semaines après les deux premiers « aurait certainement contribué à démontrer que la Municipalité n’était pas au courant que “les dés [étaient] déjà jetés” ».
Les mis en cause indiquent qu’« Hydro-Québec n’a pas fait allusion à ce troisième acheteur potentiel au moment de l’entrevue. »
De plus, les mis en cause soulignent avec raison que cette information ne change rien à l’histoire « puisque ce nom a été envoyé trois semaines après les deux premiers. Les dés étaient jetés : les pourparlers entre Hydro-Québec et M. Naud-Denis [l’acheteur] et ses associés étaient déjà entamés. » Ils ajoutent que cette information « ne change rien […] aux préoccupations soulevées dans le reportage au sujet du rôle non formalisé de la Municipalité, pour reprendre les termes de Danielle Pilette, et de l’absence d’affichage du terrain par Hydro-Québec. »
En effet, compte tenu de l’angle de traitement choisi par les mis en cause, l’information souhaitée au sujet d’un troisième acheteur potentiel n’était pas essentielle à la compréhension du sujet, puisque l’enjeu éthique mis en lumière dans ce reportage repose sur le processus entrepris avec le premier acheteur. Ce choix d’angle du sujet est semblable à la situation décrite dans la décision D2020-04-056, où le Conseil a rejeté le grief d’information incomplète en rappelant que « les journalistes n’avaient pas l’obligation déontologique de diffuser toutes les informations liées au sujet du reportage, ce qui serait d’ailleurs impossible dans un temps limité. En fonction des angles de traitement choisis, les mis en cause n’avaient pas l’obligation de faire état des articles soumis par le plaignant, car ils n’étaient pas essentiels à la compréhension du sujet du reportage. »
Dans le cas présent, le reportage met en évidence le fait qu’Hydro-Québec a procédé à la vente du terrain sur la base du « premier arrivé, premier servi », l’existence d’un troisième acheteur potentiel ne change donc rien à l’histoire.
2.4 Expertise
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet concernant l’expertise de Danielle Pilette et sa pertinence dans le contexte de ce reportage.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations incomplètes sur ce point.
Analyse
La plaignante déplore que le reportage ne mentionne pas l’expertise de Danielle Pilette, la spécialiste en gestion municipale interrogée, ni « la pertinence de celle-ci en lien avec le sujet du reportage ».
Pourtant, l’expertise de Mme Pilette est bel et bien indiquée dans le reportage. Dès la première intervention de Danielle Pilette, on constate que son expertise est suffisamment détaillée puisqu’on peut lire en surimpression :
Danielle Pilette
Professeure
Gestion municipale
UQAM
Non seulement le champ d’expertise de cette universitaire est-il clairement précisé, mais en plus, la plaignante ne précise pas ce qui aurait été essentiel d’ajouter pour compléter cette description.
Les mis en cause indiquent qu’il est « normal que la présentation d’une experte reconnue comme Mme Pilette se limite à son titre, sans élaborer davantage ». Il n’y a, en effet, aucun manquement déontologique dans la façon de présenter la professeure Pilette dans ce reportage.
2.5 « Tester le marché »
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet en ne précisant pas qu’il revenait au vendeur de l’immeuble de « tester le marché ».
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations incomplètes sur ce point.
Analyse
La Municipalité aurait souhaité que le reportage mentionne que celui qui aurait dû « “tester le marché” est le vendeur de l’immeuble ».
Pourtant, l’information souhaitée par la plaignante se trouve bel et bien dans le passage suivant du reportage :
Voix de la journaliste
« Hydro-Québec dit avoir vendu sa propriété au prix du marché, soit 149 000 $. Mais pour ces citoyens, c’est plus de 129 000 $ sous l’évaluation municipale. »
Éric Bédard
« Moi, j’ai [sic] resté surpris. Ça se peut pas : c’est une aubaine! »
Danielle Pilette
« On peut se questionner sur le prix. Pour obtenir le prix du marché, il faut tester le marché. »
Voix de la journaliste
« Danielle Pilette, spécialiste en gestion municipale, estime que les citoyens ont raison de s’interroger. »
Danielle Pilette
« Les meilleures pratiques auraient voulu qu’Hydro-Québec affiche la vente du terrain et aille en appel d’offres. »
On constate dans cet extrait que Mme Pilette affirme dans un premier temps qu’il fallait « tester le marché », puis ajoute que « les meilleures pratiques auraient voulu qu’Hydro-Québec affiche la vente du terrain et aille en appel d’offres. » Ce deuxième commentaire permet de déduire qu’Hydro-Québec était l’organisation qui aurait dû « tester le marché ».
2.6 Transaction de gré à gré
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont omis de l’information essentielle à la compréhension du reportage concernant la légalité de la transaction de gré à gré.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations incomplètes sur ce point.
Analyse
La plaignante déplore que le reportage ne présente pas « une analyse plus profonde de la légalité de la transaction de gré à gré par Hydro-Québec (explication du régime légal encadrant la vente). »
Comme le font remarquer les mis en cause, le reportage n’affirme à aucun moment que la transaction est illégale. Le fait que le processus de vente soit critiqué et qu’Hydro-Québec ait indiqué qu’elle ne procéderait plus à des ventes de gré à gré pour des biens de plus de 50 000 $ ne signifie pas que des gestes illégaux ont été posés. Il n’y avait donc pas lieu d’analyser la légalité de cette transaction.
2.7 Pouvoir d’influence de la Municipalité
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet concernant le « prétendu pouvoir d’influence de la Municipalité sur la décision d’Hydro-Québec » dans le choix de l’acheteur, comme l’allègue la plaignante.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations incomplètes sur ce point.
Analyse
La plaignante déplore que le reportage ne présente pas « une explication du prétendu pouvoir d’influence de la Municipalité sur la décision d’Hydro-Québec » et que « le reportage n’élabore aucunement en quoi la Municipalité pourrait avoir persuadé Hydro-Québec à choisir un acheteur ».
Pourtant, la Municipalité ne pointe pas de passage du reportage qui appuierait ses allégations. Elle ne précise pas à quel moment du reportage elle aurait perçu qu’on faisait état d’un quelconque pouvoir d’influence de la part de Deschambault-Grondines sur la décision d’Hydro-Québec.
Les mis en cause soulignent qu’ils n’ont « jamais dit dans le reportage que la Municipalité avait tenté d’influencer Hydro-Québec ».
La plaignante interprète ici la signification du reportage, sans soumettre d’extrait précis du reportage qui ferait état de son interprétation.
2.8 Commission municipale
Le Conseil doit déterminer si l’animateur a omis des informations essentielles à la compréhension du sujet concernant la décision rendue par la Commission municipale du Québec.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations incomplètes sur ce point.
Analyse
La plaignante déplore que le reportage n’ait pas expliqué le rejet de la plainte déposée par les citoyens à la Commission municipale du Québec.
Les mis en cause expliquent que la décision de la Commission municipale du Québec a été rendue seulement quelques jours avant la diffusion du reportage. Il a donc été décidé d’en faire mention dans l’intervention de l’animateur François Sanche suivant la diffusion du reportage.
Dans cette intervention, l’animateur rapporte que c’est le manque de preuve qui justifie le rejet de cette plainte : « Aussi, les citoyens se sont plaints à la Commission municipale du Québec, mais leur plainte a été rejetée faute de preuve. » Bien que l’information souhaitée par la plaignante ne soit pas dans le reportage, il est dans le segment de l’émission qui suit immédiatement, le téléspectateur disposant de toute l’information essentielle.
2.9 Obligations de la Municipalité
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont omis de l’information essentielle à la compréhension du sujet en n’indiquant pas si une faute avait été commise par la Municipalité en ce qui concerne la vente de la propriété appartenant à Hydro-Québec.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations incomplètes sur ce point.
Analyse
Selon la plaignante, la journaliste aurait dû questionner la spécialiste en gestion municipale Danielle Pilette concernant l’obligation légale de la Municipalité dans le contexte de la vente de l’immeuble par Hydro-Québec à un tiers et concernant les devoirs de la Municipalité qui pouvaient être prévus dans la loi.
Les mis en cause indiquent que le reportage « met en lumière le malaise occasionné par la vente d’un immeuble d’Hydro-Québec à un entrepreneur ayant des liens familiaux avec un élu de la municipalité de Deschambault-Grondines. Encore une fois, nous n’utilisons pas le mot “faute” dans le reportage. Il n’y avait donc pas lieu de souligner l’absence de faute. Le reportage met en lumière les pratiques qui soulèvent des questions. »
Dans les extraits suivants du reportage, on constate que l’information souhaitée par la plaignante y est, en fait, présentée :
Voix de la journaliste
« Et à son avis, la Ville aurait dû rendre son rôle public lors des réunions du conseil municipal. »
Danielle Pilette
« Si on veut transmettre des noms, il faut le faire de façon formalisée. Quand on ne formalise pas un processus, on s’expose à toute sorte d’interprétation. »
[…]
Danielle Pilette
« La morale, c’est peut-être le potentiel de dérapage quand on ne formalise pas les processus. Le problème, c’est d’alimenter le cynisme de la population par rapport à des institutions. »
Dans son analyse, Mme Pilette ne fait pas état d’agissements contraires aux lois. Elle observe que les agissements de la Municipalité peuvent être sujets « à toute sorte d’interprétation » et « alimenter le cynisme de la population ». Indirectement, elle confirme les propos du maire de Deschambault-Grondines qui affirme : « Il n’y a rien d’illégal qui a été fait là-dedans. »
De plus, à la suite du reportage, dans son intervention finale, l’animateur précise que la Commission municipale du Québec a rejeté la plainte des citoyens « faute de preuves ».
Grief 3 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide)
3.1 Nombre d’acheteurs
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont produit de l’information inexacte en affirmant que la Municipalité a transmis le nom de deux acheteurs potentiels à Hydro-Québec.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes sur ce point.
Analyse
La plaignante indique que trois noms d’acheteurs potentiels ont été transmis à Hydro-Québec. Selon elle, cette inexactitude « favorise le sentiment chez l’auditeur qu’il y aurait eu irrégularité dans le processus ».
Les mis en cause soulignent qu’« Hydro-Québec n’a pas fait allusion à ce troisième acheteur potentiel au moment de l’entrevue. Cette information nous a été fournie par la Municipalité. Quoi qu’il en soit, cela ne change cependant rien à l’histoire, puisque ce nom a été envoyé trois semaines après les deux premiers. Les dés étaient jetés : les pourparlers entre Hydro-Québec et M. Naud-Denis [l’acheteur] et ses associés étaient déjà entamés. Nous estimons donc que cette information, tout exacte qu’elle soit, ne change rien à l’histoire ».
Dans l’extrait suivant du reportage, on constate que la journaliste n’indique jamais qu’il n’y a eu que deux acheteurs potentiels. Elle évoque un premier acheteur potentiel, puis un deuxième, mais ne statue pas sur le nombre total. Là n’est d’ailleurs pas la question, puisque le nombre d’acheteurs subséquents ne change rien au problème :
Voix de la journaliste
« Ça, Isabelle Clerc l’ignore à l’époque. Elle ignore aussi que la municipalité réfère des acheteurs potentiels à Hydro-Québec. »
Cendrix Bouchard
« La Ville nous a contactés dans le fond par courriel à deux reprises pour nous soumettre l’identité d’acheteurs potentiels. »
Voix de la journaliste
« Dans un premier courriel, le 13 juin 2018, la municipalité n’a que de bons mots au sujet du premier acheteur potentiel […] Moins d’une heure plus tard, la municipalité transmet les coordonnées d’une deuxième personne, mais les dés sont déjà jetés. »
Dans un premier temps, la journaliste affirme « que la Municipalité réfère des acheteurs potentiels à Hydro-Québec ». L’utilisation du déterminant indéfini « des » ne permet pas de quantifier le nombre d’acheteurs potentiels. Dans un deuxième temps, le porte-parole d’Hydro-Québec, Cendrix Bouchard, reste également vague sur le nombre d’acheteurs lorsqu’il indique : « La Ville nous a contactés dans le fond par courriel à deux reprises pour nous soumettre l’identité d’acheteurs potentiels. » Finalement, la journaliste fait référence à un « premier acheteur potentiel » puis à « une deuxième personne ». En faisant état de deux acheteurs, elle ne transmet pas d’information inexacte puisque le fait d’évoquer les deux premiers acheteurs potentiels ne signifie pas qu’il s’agit du nombre total d’acheteurs potentiels.
3.2 « Tester le marché »
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont produit de l’information inexacte en affirmant « qu’il est nécessaire de tester le marché pour obtenir le prix du marché ».
Décision
Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes sur ce point.
Analyse
La plaignante affirme qu’il est inexact d’affirmer cela « puisqu’il existe plusieurs façons de déterminer la valeur marchande d’un bien sans nécessairement “tester le marché” ». Il est notamment possible « d’obtenir une évaluation par un professionnel », fait-elle valoir.
Les mis en cause soulignent que l’information contestée par la plaignante provient des propos de la spécialiste en gestion municipale Danielle Pilette, « une universitaire reconnue ».
L’information que la plaignante juge inexacte se trouve dans le passage suivant du reportage :
Voix journaliste
« Hydro-Québec dit avoir vendu sa propriété au prix du marché, soit 149 000 $. Mais pour ces citoyens, c’est plus de 129 000 $ sous l’évaluation municipale. »
Éric Bédard
« Moi, j’ai [sic] resté surpris. Ça se peut pas : c’est une aubaine! »
Danielle Pilette
« On peut se questionner sur le prix. Pour obtenir le prix du marché, il faut tester le marché. »
En aucun temps, la journaliste ou l’experte n’affirme que « tester le marché » est la seule façon d’obtenir le prix du marché. Le fait de présenter l’une des façons de le faire n’exclut pas qu’il y en ait d’autres.
De plus, il est important d’observer que l’information jugée inexacte représente l’analyse de l’experte interviewée. Dans un cas semblable (D2017-03-040), où la plaignante considérait que le reportage comportait une information inexacte au sujet d’une aviatrice nazie, le Conseil a rejeté le grief d’information inexacte, puisque la journaliste rapportait l’avis d’une experte, une historienne, dans une citation clairement attribuée.
De la même façon, dans le cas du reportage sur la vente du Centre Hydro-Québec, la journaliste se limite à présenter la perspective de l’experte, ce qui n’est pas une faute.
Grief 4 : partialité
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier ». (article 9 c) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont témoigné d’un parti pris en faveur d’un point de vue en particulier dans le reportage.
Décision
Le Conseil rejette le grief de partialité.
Analyse
La plaignante considère que « la journaliste a choisi de mettre en valeur les prétentions de ce regroupement de citoyens, dont certains étaient personnellement intéressés par l’achat de cet immeuble, alors que la Municipalité a travaillé suivant les directives d’Hydro-Québec. Aujourd’hui, le blâme repose sur le dos des élus et non sur celui d’Hydro-Québec. »
Les mis en cause font valoir que leur démarche est dénuée de parti pris. Ils soulignent que le reportage « repose sur des faits vérifiés, sur une variété d’opinions et sur l’expertise de Danielle Pilette, professeure à l’UQAM, dont le point de vue est partagé par d’autres experts consultés ».
En journalisme, la partialité se manifeste par des mots, des termes ou des représentations qui font preuve d’un biais. Par exemple, dans le dossier D2018-10-105, le média avait écrit « Une autre tuile s’abat sur la firme Téo Taxi » pour rapporter le fait que les travailleurs de l’entreprise s’étaient syndiqués. Avec cette expression « une tuile » à connotation négative, le Conseil a déterminé que «le média adopte un point de vue, qui sous-entend que la syndicalisation des chauffeurs et leur affiliation aux Teamsters sont mauvaises pour l’entreprise. »
Le Conseil analyse chaque mot d’un passage visé par un plaignant, mais il ne peut pas prêter d’intentions aux journalistes en dehors de ce qui est dit dans le reportage.
La décision antérieure D2017-10-118, explique d’ailleurs que pour établir qu’un journaliste a fait preuve de partialité, il faut « montrer qu’il a commenté les faits, en émettant une opinion, par exemple » et il a souligné que « le fait de diffuser les propos de quelqu’un n’équivaut pas à les appuyer. » La décision fait valoir que la journaliste n’émet pas d’opinion dans son reportage et souligne qu’elle s’est limitée à rapporter les propos de l’une des intervenantes de son reportage et à remettre en contexte la manifestation à laquelle cette intervenante fait référence.
De la même façon, dans le cas présent, la plaignante reproche à la journaliste d’avoir traité le sujet du point de vue des citoyens, mais elle ne démontre pas que la journaliste a commenté des faits ni ne pointe de termes qui dénoteraient de parti pris de la part de la journaliste. La journaliste se limite à présenter des faits vérifiés et elle n’expose pas son opinion.
Grief 5 : images inadéquates
Principe déontologique applicable
Illustrations, manchettes, titres et légendes : « Le choix et le traitement des éléments accompagnant ou habillant une information, tels que les photographies, vidéos, illustrations, manchettes, titres et légendes, doivent refléter l’information à laquelle ces éléments se rattachent. » (article 14.3 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si les images montrant les activités de la microbrasserie reflètent l’information à laquelle elles se rattachent.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’images inadéquates.
Analyse
La plaignante considère que certaines images des activités de la microbrasserie présentées dans le reportage « sont des images captées lors d’événements spéciaux et ne reflètent pas l’achalandage habituel de cette entreprise de sorte que les images sélectionnées peuvent tendre à appuyer la position des citoyens qui disent craindre les nuisances qui pourraient être occasionnées par un potentiel changement d’usage de l’immeuble ».
Les images pointées par la plaignante durent six secondes et montrent des groupes de personnes qui discutent en buvant une bière à l’extérieur. Il s’agit d’images tirées d’une vidéo corporative de la microbrasserie et elles sont identifiées comme telles.
Les mis en cause indiquent qu’ils ont pris soin de sélectionner les images « qui reflétaient le mieux le projet, à la lumière des informations fournies par M. Naud-Denis, lors d’un entretien téléphonique. « Nous avons choisi des images de clients qui prennent plaisir à savourer une bière et à bavarder entre amis. Nous avons précisément évité d’utiliser des images de concerts extérieurs, reflétant moins la vocation d’une microbrasserie. »
Au moment où ces images de la vidéo corporative de la microbrasserie sont diffusées dans le reportage, la journaliste dit : « La microbrasserie n’a toujours pas déposé son projet un an et demi après la transaction. »
Précédemment, la journaliste avait présenté le projet que la microbrasserie a pour le site du Centre Hydro-Québec : « Le mois suivant, Hydro-Québec s’entend avec le premier acheteur. Or, il s’agit du fils d’un conseiller municipal de Deschambault-Grondines et de ses trois associés. Ensemble, ils exploitent la microbrasserie Les Grands Bois, dans le village voisin. Leur plan pour le site : dégustation d’alcool et mise en valeur de produits locaux. »
L’usage de ces images était donc tout à fait approprié pour illustrer le genre d’activités qu’envisageaient les propriétaires de cette microbrasserie.
Plusieurs décisions antérieures concernent le choix d’une photographie accompagnant un article, l’esprit de ces décisions s’applique aussi aux images d’un reportage télévisé. Dans la décision D2019-01-010, le Conseil a rejeté le grief de photographie inadéquate en faisant valoir que le média pouvait choisir une photo d’arme de poing puisqu’elle accompagnait un texte d’opinion qui traitait notamment d’armes illégales, ce qui comprend des armes de poing. « La déontologie journalistique n’exige pas des médias de privilégier une information à illustrer par rapport à une autre. Il suffit que l’illustration choisie, s’il y en a une, reflète l’information à laquelle elle se rattache, c’est-à-dire l’une des informations rapportées dans le texte », a résumé le Conseil.
En choisissant de présenter des images montrant des groupes de personnes qui discutent en buvant une bière à l’extérieur, les mis en cause n’ont commis aucun manquement puisque ces images illustrent bien l’information transmise dans le reportage.
Grief non recevable : titre sensationnaliste
La plaignante déplorait également que le titre qu’elle décrivait comme « Des citoyens de Deschambault-Grondines contre Hydro-Québec » ne soit pas représentatif du contenu du reportage. Cependant, elle fait erreur ici. Les vérifications du Conseil n’ont pas permis de trouver la trace d’un tel titre et les mis en cause confirment que le titre mentionné par la plaignante n’a jamais été « publié ou diffusé par Radio-Canada ». Puisqu’il est impossible d’analyser un titre qui n’existe pas, ce grief est irrecevable.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de la Municipalité de Deschambault-Grondines, représentée par Claire St-Arnaud, visant le reportage « La vente d’un terrain suscite la grogne à Deschambault-Grondines » de la journaliste Marie-France Bélanger présenté à l’émission La Facture, animée par François Sanche, à ICI Radio-Canada Télé concernant les griefs de sensationnalisme, d’informations incomplètes, d’informations inexactes, de partialité et d’images inadéquates.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Richard Nardozza, président du comité des plaintes
Renée Lamontagne
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Éric Grenier
Yann Pineau