Plaignant
Joël Brunet Otis
Mis en cause
Bis Petitpas, animatrice
Émission « Bonjour la Côte »
Radio-Canada
Résumé de la plainte
Joël Brunet Otis dépose une plainte le 27 octobre 2020 au sujet de l’émission « Bonjour la Côte » animée par Bis Petitpas et diffusée sur ICI Radio-Canada Première le 26 octobre 2020. Le plaignant déplore un manque de fiabilité des informations transmises par une source et des propos discriminatoires. Le plaignant pointe également une atteinte à la réputation, un grief qui ne sera pas traité (voir le dernier paragraphe avant la conclusion).
CONTEXTE
La plainte vise un segment de l’émission radiophonique matinale « Bonjour la Côte » diffusée sur les ondes de la station régionale de Radio-Canada, ICI Côte-Nord. Dans ce segment, l’animatrice Bis Petitpas discute avec ses invités d’un projet de loi déposé par le gouvernement québécois qui vise à encadrer les véhicules hors route, notamment les véhicules tout-terrain (VTT) et les quatre-roues (quad). L’animatrice s’entretient entre autres avec le président du club quad (VTT) Les Nord-Côtiers de Sept-Îles, Marius Murray.
Le projet de loi dont il est question propose notamment d’obliger les usagers de ce type de véhicules à détenir un permis de conduire valide pour circuler dans les sentiers et d’obliger les guides à suivre une formation.
Analyse
GRIEFS DU PLAIGNANT
Grief 1 : manque de fiabilité des informations transmises par une source
Principe déontologique applicable
Fiabilité des informations transmises par les sources : « Les journalistes prennent les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par leurs sources, afin de garantir au public une information de qualité. » (article 11 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont pris les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par Marius Murray concernant le comportement des utilisateurs de véhicules VTT qui ne sont pas membres d’un club lorsqu’il affirme :
« Quand on pense actuellement, surtout au Québec, il y a 400 000 quadistes et … tous les genres de véhicules d’été, il y en a 400 000 et il y en a seulement 47 000 à ce moment-là qui possèdent je veux dire une vignette, donc ça représente simplement 12,5 % des gens, à ce moment-là qui se mettent en règle, donc, et tout ce monde-là, ça se promène dans les sentiers en grande majorité. Peut-être pas le 400 000 au complet, parce qu’il y a quand même les cultivateurs qui ont de ces machines-là pour aller sur leur propriété, mais il reste qu’il y a un travail à faire nous autres aussi pour nous aider à rendre les sentiers plus sécuritaires. Et on sait que dans ce sport-là, souvent des fois les gens se font une barouette pis y prennent le bois avec ça, ça pas de lumière, ça pas de licence dessus, y ont pas de chapeau pis tient bon. On va nous renforcir la réglementation pour rendre ça plus sécuritaire pour ceux qui veulent respecter la réglementation ben y sont capables de le faire en sécurité leur sport ».
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de manque de fiabilité des informations transmises par une source.
Analyse
Le plaignant déplore que les mis en cause n’aient pas vérifié « le bien-fondé des informations diffusées lors de l’entrevue ».
Selon lui, « Radio-Canada met en contexte de crédibilité des personnes non neutres, et leur permet de transmettre des opinions personnelles, négatives et non fondées, relativement à des personnes qui ont des opinions divergentes à leurs intérêts personnels. »
Le plaignant reproche à l’animatrice de laisser M. Murray « rabaisser sans réserve les utilisateurs de VTT non membres des clubs. Elle ne questionne pas son invité sur les possibilités de pratiquer cette activité et de ne pas être un membre des clubs. On parle de 350 000 personnes, la journaliste ne pose aucune question sur la source des informations ou des vérifications. Radio-Canada ne se donne pas la peine de vérifier les informations publiées dans l’entretien et met en ligne l’intégralité. Aucune étude statistique et neutre sur les comportements des utilisateurs de VTT non membres des clubs n’existe. »
La directrice des Relations citoyennes de Radio-Canada, Maxime Bertrand, indique que « les véhicules tout terrain constituent un thème récurrent dans les émissions d’information de la station de Radio-Canada Côte-Nord ». Elle explique que « de manière générale, pour nous éclairer, nous avons recours à des porte-parole de clubs et de fédérations qui sont bien au fait des différents aspects du secteur. C’est à ce titre que nous avons fait appel à Marius Murray. Nous estimons que la connaissance du terrain de tels observateurs leur permet de fournir une information fiable. »
L’analyse d’un grief de manque de fiabilité des informations transmises par une source consiste à déterminer, non pas la fiabilité de la personne à titre d’individu, mais plutôt la fiabilité des informations qu’elle avance. Cette fiabilité peut-être évaluée selon les connaissances ou l’expérience de la personne, par exemple, ou selon son rôle à titre de témoin d’un événement, entre autres. La déontologie rappelle que les journalistes doivent prendre les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par leurs sources.
Dans le passage visé par la plainte, M. Murray expose sa vision des choses en tant que président du club quad (VTT) Les Nord-Côtiers de Sept-Îles. À ce titre, la journaliste comme le public peuvent s’attendre à ce qu’il connaisse bien cette industrie spécialisée. Il se dit en accord avec la réglementation proposée par le gouvernement, notamment parce qu’il considère nécessaire de rendre les sentiers plus sécuritaires. M. Murray partage ici son opinion, que l’émission pouvait parfaitement relater en se fiant à son expérience à titre de président du club.
Dans un cas semblable (décision D2020-02-023), le Conseil a observé que, dans le passage qui était visé par la plainte, la journaliste présentait l’opinion de sa source plutôt que des faits, dont elle aurait dû évaluer la fiabilité. De la même façon, dans le cas présent, l’animatrice et l’émission pouvaient diffuser l’opinion de cette source. Ils ont pris les moyens raisonnables pour s’assurer de la fiabilité des informations transmises au public, puisqu’ils ont invité une personne d’expérience reconnue dans ce milieu spécialisé.
Grief irrecevable : propos discriminatoires
Principe déontologique applicable
Discrimination: « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. » (article 19.1 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le plaignant considère que les propos tenus par Marius Murray sont discriminatoires « envers tous les utilisateurs de VTT qui préfèrent ne pas adhérer aux clubs de VTT, ne pas circuler en sentiers balisés et contrôlés par les clubs ».
Un grief visant le principe déontologique de discrimination (Guide, article 19) doit comporter un motif discriminatoire. Le Conseil se base sur la liste des caractéristiques personnelles établie par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse : la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale et le handicap.
Or, être un utilisateur de VTT ne fait pas partie de la liste des caractéristiques personnelles qui représentent un motif possible de discrimination. La plainte n’est donc pas recevable en vertu de l’article 13.01 du Règlement 2 du Conseil de presse du Québec qui stipule qu’« une plainte doit viser un journaliste ou un média d’information et porter sur un manquement potentiel au Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec. Ce manquement doit être significatif et précis. »
En l’absence d’un motif discriminatoire reconnu, on ne saurait voir de manquement potentiel au Guide, ce qui rend ce grief irrecevable.
Grief non traité : diffamation
« La plainte ne peut constituer une plainte de diffamation, viser le contenu d’une publicité ou exprimer une divergence d’opinions avec l’auteur d’une publication ou d’une décision. » (Règlement No 2, article 13.04)
Le plaignant déplore de la diffamation, un grief que le Conseil ne traite pas, car la diffamation n’est pas considérée comme étant du ressort de la déontologie journalistique et relève plutôt de la sphère judiciaire.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Joël Brunet Otis visant l’émission « Bonjour la Côte » animée par Bis Petitpas et diffusée sur ICI Radio-Canada Première le 26 octobre 2020 concernant le grief de manque de fiabilité des informations transmises par une source. Le grief de propos discriminatoires est irrecevable.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Suzanne Legault, présidente du comité des plaintes
Charles-Éric Lavery
Représentants des journalistes :
Denis Couture
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Stéphan Frappier